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Physiologie, Physiopathologie

Publié le 09 juil 2008Lecture 6 min

Des neurones pour comprendre autrui en soi-même

J. Grèzes
Depuis la découverte des neurones miroirs, il y a une quinzaine d’années, la compréhension de leur fonction se fait plus précise. Des expériences réalisées sur la peur et la colère en IRMf apportent une compréhension nouvelle sur les substrats neuronaux en jeu.
La compréhension des comportements d’autrui est un aspect essentiel de la communication humaine, nous passons ainsi une grande partie de notre vie quotidienne à observer et à interpréter les actions de nos semblables (1). Des travaux comportementaux chez l’homme ont suggéré que les systèmes de génération et de représentations de nos propres actions sont aussi utilisés pour percevoir les actions d’autrui (2,3). Neurones miroirs et perception sociale Cette hypothèse a trouvé un fondement neurophysiologique lors de la découverte dans le cerveau de macaque de neurones « miroirs » localisés dans le cortex prémoteur et le cortex pariétal. Ces neurones sont actifs non seulement lorsque le singe exécute une action mais également lorsqu’il observe un expérimentateur, ou un autre singe, effectuer la même action (4,5). De façon similaire, des études de neuro-imagerie chez l’homme ont révélé des activations prémotrices et pariétales au cours de l’observation d’actions, suggérant le déclenchement automatique de l’activation de neurones miroirs qui permettent de se représenter « en soi-même » le mouvement observé (6,7). Ainsi, quand nous regardons agir autrui, nous simulons mentalement ses mouvements. De l’influence de l’apprentissage Récemment, en collaboration avec des chercheurs anglais, notre équipe a montré que l’activité cérébrale associée à la simulation motrice d’une action observée est modulée par l’expertise motrice de l’observateur. Ainsi, les actions précédemment réalisées (appartenant au répertoire moteur du sujet) conduisent à des activations plus fortes (8,9). Le système miroir humain est donc, dans une certaine mesure, à la fois un produit et un substrat des interactions sociales, tout comme les propriétés de ce système qui se développent au travers de l’apprentissage sensori-moteur (10). Une fonction d’anticipation Par ailleurs, il a été suggéré que le système miroir pourrait jouer un rôle dans la compréhension d’actions réalisées par autrui (11,7) mais aussi dans la prédiction d’actions (12,13). Fogassi et coll. (14) ont, par exemple, montré que les décharges des neurones miroirs chez un singe qui observe une action (préhension d’un objet) sont influencées par le type de comportement qui va suivre (manger ou mettre de côté). Et ce, alors même que la dernière partie de cette action n’a pas encore été observée. Par conséquent, ces neurones codent non seulement les actions observées mais permettent aussi d’anticiper l’étape comportementale suivante. Selon Gallese (15), ce mécanisme pourrait participer à l’interprétation d’intentions simples chez autrui. Neurones miroirs et intention Cependant, les interactions sociales sont loin d’être aussi simples et prévisibles que les interactions entre agents physiques. Certes, la « simulation interne » du circuit pariéto-moteur est impliquée au cours de la perception des comportements d’autrui et joue un rôle crucial pour prédire l’action d’autrui. Mais, si l’action perçue ne correspond pas à ce qui est attendu/prédit, ce circuit de « simulation interne » ne permet pas de faire la différence (16,17). De plus, s’il s’agit de discriminer parmi les flux gestuels d’autrui, ceux qui ont des intentions de communication, de ceux qui n’en ont pas, l’activation supplémentaire d’autres aires cérébrales spécifiques est alors nécessaire (18,19). Et, a fortiori, quand l’action perçue par l’observateur est intentionnellement dirigée vers lui, l’impliquant directement (19,20). Ainsi, le phénomène de simulation motrice ne permet pas, à lui seul, de comprendre les intentions de communication d’autrui. Ces dernières nécessitent pour être correctement appréhendées l’activation de régions cérébrales supplémentaires, appartenant au cerveau social et émotionnel (16,18,20). Neurones miroirs et émotions La compréhension des émotions et des sensations d’autrui semble également reposer sur un mécanisme de « simulation interne » de ce qui est perçu. Les aires cérébrales stimulées, en cas de douleur ou de dégoût à titre d’exemple, sont les mêmes, que la personne observe un sujet en proie à ces émotions ou qu’elle les ressente elle-même directement (21-23). Une forme de compréhension d’autrui pourrait donc impliquer différents processus de simulations (15), qui jouent ainsi un rôle crucial dans l’intersubjectivité, et donc dans la cognition sociale. En effet, cette capacité à partager les émotions d’autrui faciliterait la communication et la cohérence sociales et pourrait donc être à l’origine de comportements altruistes et de coopération (24). La peur et la colère en ligne de mire Cependant, les émotions diffèrent entre elles notamment du point de vue de l’action (ou de la réaction) qu’elles sont susceptibles d’entraîner. La peur et la colère, par exemple, signalent à un observateur la présence d’une menace potentielle et, en termes d’évolution, la survie d’un individu est prolongée s’il détecte vite les menaces de l'environnement et s'engage rapidement dans un comportement adapté à cette menace (fuite, défense, etc.).  Aussi, il est peut-être nécessaire d’envisager, dans certains cas, une étape supplémentaire au modèle de la contagion motrice, qui consisterait en « l’action évoquée » chez l’observateur en réaction à une émotion perçue (25). Les études réalisées par notre équipe sur la peur et la colère en IRMf (26,27) ont montré que la perception d’expressions corporelles de peur et de colère est associée à des activations de l’amygdale (AMG) et du cortex prémoteur qui reflètent l’étape supplémentaire de « préparation à agir » en réaction à l’émotion perçue, par rapport à une expression neutre. D’après les travaux chez l’animal, l’AMG pourrait initier des comportements adaptatifs en réponse à des signaux sociaux perçus via ses connections avec les ganglions de la base et via le cortex prémoteur (28,29). De plus, les expressions corporelles de colère entraînent des activations de l'hypothalamus, du cortex préfrontal ventromédian, et du pôle temporal. Ces régions, en association avec l’AMG, seraient préférentiellement associées à l’expression et à la régulation des réponses émotionnelles en exerçant un contrôle direct sur les systèmes autonomes et moteurs. Ces résultats apportent une compréhension nouvelle des substrats neuronaux associés à la perception des émotions d’autrui et des actions adaptatives provoquées par des signaux de menace. Ils soulignent également l’intérêt d’utiliser des stimuli dynamiques dans l’étude des processus émotionnels pour les recherches futures de neuro-imagerie. 

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