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Physiologie, Physiopathologie

Publié le 29 mar 2009Lecture 4 min

Des dormeurs éveillés !

Isabelle Arnulf
Le sommeil paradoxal est l’un des deux états de sommeil humain, avec le sommeil lent. Le sommeil paradoxal occupe 17 à 23 % du temps de sommeil et survient environ toutes les 90 minutes. Il est caractérisé par une désynchronisation corticale (activité rapide, de fréquences mixtes alpha-thêta), des mouvements oculaires rapides en bouffées et par une atonie musculaire totale. L’activité mentale prédominante, déterminée lorsqu’on réveille le dormeur dans ce stade, correspond généralement à des rêves élaborés, comportant des hallucinations multisensorielles et des scénarios complexes. En imagerie fonctionnelle, il existe une hyperactivation du pont et des cortex visuel, limbique (en particulier région amygdalienne) et paralimbique, et une hypoactivation frontale, pariétale et cingulaire.
Le trouble comportemental en sommeil paradoxal Des comportements moteurs nocturnes violents et complexes, à l’origine de blessures du dormeur ou de son conjoint, ont été décrits pour la première fois chez l’homme en 1986. Ces comportements de cris, paroles, pleurs, rires, coups de pied, de main, pédalage, ou geste d’attraper, correspondent au réveil du dormeur, à l’extériorisation motrice cohérente de rêves de combat contre des animaux, de bagarre, de pédalage sur un vélo fictif, ou de cueillette de pommes fictives, une condition dénommée isomorphisme (1). L’enregistrement vidéo-polysomnographique permet d’identifier que ces patients sont en sommeil paradoxal, avec une abolition imparfaite du tonus musculaire dans ce stade, tant tonique (mesuré au niveau du muscle mentonnier) que phasique (correspondant à des bouffées musculaires sur les muscles des membres ou de l’axe). Cette nouvelle parasomnie est nommée trouble comportemental en sommeil paradoxal (TCSP).  Il existe un modèle lésionnel animal de TCSP, produit par la lésion du locus coeruleus péri-alpha au niveau du tegmentum pontique chez le chat. TCSP, synucléopathies et lésions non dopaminergiques Les patients avec TCSP n’ont soit aucun autre trouble (TCSP « idiopathique »), soit souffrent d’une maladie neurologique concomitante : synucléopathie principalement, narcolepsie, syndrome de Guillain-Barré, puis plus récemment certaines tauopathies et maladies de la polyglutamine. Le suivi longitudinal des personnes affectées de TCSP idiopathique a permis de montrer qu’un tiers des sujets développait dans les 5 années suivantes un syndrome extrapyramidal (essentiellement une synucléopathie) ; ce chiffre atteignant 66 % après un suivi de 13 ans. Plus récemment, il a été montré que ces patients pouvaient évoluer aussi vers une démence, principalement à corps de Lewy (2). Les TCSP idiopathiques correspondent donc dans la majorité des cas à une lésion neurodégénérative précoce. Leur mécanisme est cependant incomplètement connu, et pourrait être soit dopaminergique, soit non dopaminergique. Ces mêmes patients avec TCSP idiopathiques présentent plus fréquemment que les sujets normaux, des troubles cognitifs visuospatiaux et de l’évocation lexicale, une diminution de l’odorat, et un ralentissement des fréquences EEG corticales ; l’ensemble indiquant des co-lésions des systèmes non dopaminergiques. Au cours de la maladie de Parkinson, la présence de TCSP, chez plus de la moitié des patients, est associée à différents indicateurs de sévérité de maladie : déficit cognitif et ralentissement EEG plus marqués, formes plus akinétiques et hallucinations plus fréquentes.  Le TCSP comme modèle d’accès à la motricité du SP et aux rêves Comme les patients avec TCSP rapportent une augmentation des rêves désagréables, de combat ou d’attaque, il a été suggéré que s’expriment pendant la nuit des comportements archaiques humains d’attaque et de défense. Nous avons cependant observé chez nos patients des comportements et verbalisations complexes (donner un cours, construire un escalier avec une planification préalable, applaudir, fumer) qui ressemblent aux comportements de la vie quotidienne, sans violence ni archaisme (3). Parallèlement, nous avons montré que la bradykinésie, l’hypophonie et le tremblement des sujets parkinsoniens disparaissent pendant ces comportements, comme si les patients étaient provisoirement, en l’absence de traitement dopaminergique, guéris de leur maladie (4). Ces résultats suggèrent que le cortex moteur soit activé, sans recevoir l’influence délétère des ganglions de la base. Finalement, grâce à l’isomorphisme et à l’observation du déroulement onirique en vidéo infrarouge, les concepts sur l’élaboration des rêves et sur les sujets « non rêveurs » peuvent aussi être réévalués.   Arnulf I : Le trouble comportemental en sommeil paradoxal. Symposium. Modérateur : Jacques Touchon (Montpellier). 4es rencontres de neurologie comportementale (Paris) : jeudi 5 février 2009. 

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