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Infection, Inflammation

Publié le 02 sep 2019Lecture 3 min

Méningite à pneumocoques : mal de ventre, un symptôme qui doit alerter

Tamazoust GUIDDIR1,2 et coll.*, 1Institut Pasteur, Centre national de référence des méningocoques, Paris, 2Département de pédiatrie, hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre

Les patients infectés par des méningocoques présentent de la fièvre, des vomissements, des raideurs dans la nuque… mais ils peuvent aussi avoir simplement mal au ventre. Tellement mal, qu’on les opère parfois, à tort, d’appendicite. Des équipes de l’Institut Pasteur et du service de pédiatrie de l’hôpital Bicêtre AP-HP se sont ainsi penchées sur la question. Le résultat est sans appel : 10 % des patients infectés par la souche de méningocoques qui est en pleine expansion en Europe présentent des douleurs abdominales. Une forme atypique et de plus en plus fréquente de la maladie, dont les médecins doivent rapidement prendre conscience. Les résultats sont publiés dans Clinical Infectious Diseases.

Lors des premières 24 heures, une infection à méningocoques – qui peut donner lieu à des méningites et des septicémies mais aussi des arthrites, péritonites, etc. – se traduit généralement par des maux de tête, des vomissements et une raideur dans la nuque. Mais depuis quelques années, un autre signe clinique précoce apparaît sans que les médecins ne l’associent spontanément à ce type d’infection : il s’agit des douleurs abdominales. Face à ces maux de ventre, le médecin ne va pas penser en premier lieu à une infection invasive à méningocoques. On pense plutôt à une gastro-entérite, voire une appendicite. Or si on tarde dans la détection et la prise en charge appropriée des personnes touchées par la maladie, leur pronostic vital peut être engagé. L’infection invasive à méningocoques est une maladie mortelle dans quasiment 100 % des cas s’il l’on n’administre pas rapidement des antibiotiques. C’est ainsi que l’équipe de Muhamed- Kheir Taha, en collaboration avec une équipe du service de pédiatrie de l’hôpital Bicêtre AP-HP, s’est intéressée de près à ces formes abdominales afin d’en évaluer la fréquence et d’alerter les médecins sur ce nouveau visage de la maladie. Le CNRM reçoit justement toutes les souches bactériennes qui ont induit des infections à méningocoques en France depuis les années 1980, la maladie étant à déclaration obligatoire. Les chercheurs ont donc analysé quelques 12 000 souches méningocoques, conservées au CNRM entre 1991 et 2016, et étudié les tableaux cliniques des patients infectés par ces souches. Ils ont alors isolé 105 cas associés à des douleurs abdominales, des gastro-entérites ou des diarrhées. « Cela ne représente que 1 % des malades, ce qui est peu, même s’il y a forcément une sous-estimation compte tenu de la difficulté à savoir si les bébés ont mal au ventre, résume Muhamed-Kheir Taha. Mais si l’on se concentre sur les deux ou trois dernières années et sur la souche bactérienne du groupe W qui est arrivée en Europe en 2013-2014 et ne cesse d’augmenter depuis, on monte à 10 % des cas. » Autrement dit, les personnes aujourd’hui infectées par un méningocoque ont des risques plus importants d’avoir des maux de ventre. Un symptôme qu’il est donc indispensable et urgent de prendre en compte lors du diagnostic médical. Désormais le mal de ventre, associé à d’autres signes comme des douleurs aux jambes, des maux de tête ou une mauvaise vascularisation des ongles, devrait mettre sur la piste de la méningite à méningocoques. Pour aller plus loin, l’équipe a séquencé l’ensemble des génomes des bactéries de leur collection afin de savoir ce qui les distinguait des autres souches et ce qui pouvait expliquer les maux de ventres engendrés. Là encore, les résultats obtenus par les chercheurs sont assez clairs. La souche bactérienne du groupe W qui se multiplie aujourd’hui en Europe, et dans le monde entier, possède une centaine de gènes spécifiques dont certains impliqués dans la réponse inflammatoire. « Il faut rappeler que les bactéries infectent les vaisseaux sanguins qui irriguent l’abdomen et le système digestif, souligne Muhamed-Kheir Taha. Si la bactérie en question est susceptible d’induire une réponse inflammatoire plus intense dans les tissus, cela pourrait expliquer l’origine des douleurs abdominales. » C’est d’ailleurs sur ces gènes que les chercheurs vont poursuivre leurs investigations pour tenter de comprendre le mode d’action de cette souche et de diagnostiquer au plus tôt cette maladie qui est encore responsable chaque année de 135 000 décès dans le monde. "Publié dans Pédiatrie Pratique"

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