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Douleur

Publié le 13 mai 2009Lecture 11 min

Reconnaître et soigner la douleur de l’hémiplégique âgé

A.S. GILLIOZ, M. MICHEL, P. JOUANNY, CHU de Rennes
La douleur est fréquente après un accident vasculaire cérébral (AVC). Elle doit être prévenue, dépistée et traitée de façon précoce et optimale, afin de ne pas retarder la récupération fonctionnelle et retentir sur la qualité de vie. Le diagnostic est rendu difficile par la multiplicité des étiologies et leur intrication fréquente. Le traitement fait appel aux antalgiques usuels et à un traitement adapté à chaque cause retrouvée. La kinésithérapie est au centre de la prise en charge. 
Jusqu’à 70 % des patients victimes d’un AVC vont présenter des douleurs, principalement au cours de la première année suivant l’AVC (1). Les pathologies causales sont variées et la douleur est souvent multifactorielle (encadré). Bien que parfois présente initialement dès l’AVC, elle s’installe généralement au bout de quelques semaines. La localisation douloureuse la plus fréquente est représentée par l’épaule (2-4). La douleur peut ralentir la récupération fonctionnelle, prolonger l’hospitalisation, altérer la qualité de vie du patient et engendrer ou majorer une symptomatologie dépressive. Il est donc primordial de prévenir l’apparition de ces douleurs chez le patient âgé hémiplégique. Privilégier la prévention Celle-ci doit être précoce, dès la survenue de l’AVC. Elle consiste principalement en une prévention des pathologies mécaniques de l’épaule, de l’algodystrophie et de la spasticité.   La kinésithérapie précoce, adaptée à chaque patient doit être infradouloureuse. Le travail des amplitudes articulaires permet de lutter contre la spasticité et l’enraidissement articulaire (capsulite rétractile) qui peut à terme aboutir à une véritable « épaule gelée ».   La sensibilisation des soignants est indispensable. Toutes les manoeuvres de traction sur le côté hémiplégique, et notamment au niveau de l’épaule, sont proscrites. Les soignants doivent être attentifs à prévenir de manière constante la chute de l’épaule responsable de subluxation gléno-humérale, de lésions de la coiffe des rotateurs, d’étirement des plexus nerveux et d’algodystrophie. Les techniques de positionnement peuvent être diffusées à l’ensemble de l’équipe soignante par le biais de schémas de posture placés près du lit du patient (figure 1). Les bandages en écharpe, le strapping d’épaule ou l’association des deux mesures permettent un bon maintien de l’épaule et luttent contre la perte de suspension musculaire (figure 2). Au lit, la surélévation du membre supérieur paralysé permet de lutter contre la chute du bras et l’oedème veineux. Le coussin reste un moyen simple pour réaliser cette prévention (figure 3). Différents matériels ergothérapiques peuvent également être utilisés (figure 4). Au fauteuil, une tablette peut être placée devant le patient. Les appuis anté-brachiaux ou les tablettes intégrées au fauteuil roulant complètent ces mesures (figures 5 et 6). Des orthèses adaptées sont parfois utiles pour maintenir la main en position de fonction et lutter contre la spasticité. La prévention de la spasticité passe également par la recherche systématique et l’élimination de toutes les « épines irritatives » qui constituent des stimulations nociceptives aggravant la spasticité. Ces épines irritatives sont principalement représentées par les infections, les escarres et la rétention aiguë d’urines.   La prévention des douleurs d’immobilisation est indispensable avec une prévention des escarres, une attention particulière portée aux plis des draps, des soins d’hygiène adaptés, une surveillance attentive de la diurèse et du transit, et une prévention thrombo-embolique efficace. La douleur neurogène centrale, quant à elle, reste difficile à prévenir et il n’existe pas de mesures spécifiques pour limiter son apparition. La prévention de la douleur morale repose sur l’encadrement, l’empathie et la proposition d’une prise en charge psychologique. Figure 1. Schémas de posture. Reconnaître la douleur Figure 2. Bandage d’épaule. La douleur est souvent exprimée par le patient hémiplégique. Cependant, déterminer son origine exacte est souvent plus difficile (5). Bien que l’épaule soit de loin la localisation douloureuse la plus fréquente, les douleurs peuvent toucher toutes les parties de l’hémicorps atteint. Cependant, les douleurs ne se limitent pas à celui-ci, et il faut impérativement identifier la source de douleurs diffuses (origine urinaire, par exemple) ou localisées (comme les douleurs d’insuffisance coronarienne).   La détermination de l’ancienneté de la douleur est importante, car la prise en charge thérapeutique diffère selon qu’il s’agit d’une douleur aiguë ou chronicisée6.   Les troubles neuropsychologiques sont une des limitations principales de l’évaluation de la douleur chez le sujet âgé hémiplégique. Parmi ces troubles, l’aphasie est le plus préoccupant. Trop souvent, le patient aphasique n’apparaît douloureux que tardivement et l’intensité de la douleur présentée est difficile à évaluer. Ces troubles neuropsychologiques peuvent être secondaires à l’AVC ou entrer dans le cadre d’une pathologie neurodégénérative pré-existante, notamment la maladie d’Alzheimer qui concerne jusqu’à 20 % des individus après 80 ans.   Les troubles de la vigilance secondaires à l’AVC ou d’autre cause rendent également difficile l’appréciation de la douleur et de son intensité. L’échelle verbale simple (EVS) peut être utilisée lorsque le patient ne présente pas de troubles de la compréhension. L’échelle DN4, spécifique des douleurs neuropathiques, est en cours de validation chez la personne âgée, et peut être utile pour le diagnostic de la douleur neurogène centrale. L’accent doit être mis sur une surveillance rapprochée du patient et l’évaluation régulière de la douleur. Toute modification du comportement du patient (repli sur soi, agitation, refus alimentaire…) doit conduire les soignants à s’interroger sur la présence de douleurs. L’utilisation d’échelles comportementales de la douleur (ECPA, AlgoPlus, DoloPlus) est particulièrement utile chez ces patients. Figure 3. Utilisation d’un coussin. Établir un diagnostic étiologique précis Le diagnostic étiologique repose sur une analyse clinique rigoureuse, complétée par quelques examens complémentaires sélectionnés en fonction des étiologies suspectées (7-8). Interrogatoire précis Il est à la base du diagnostic étiologique. Il cherche à faire préciser la localisation des douleurs, leur type et leur intensité. L’interrogatoire est primordial pour le diagnostic des douleurs neurogènes centrales. Cellesci sont généralement décrites comme constantes à type de brûlures, profondes ou superficielles, de douleurs lancinantes, de compression ou de lacération. Elles sont exacerbées par le froid et le stress émotionnel. Elles peuvent toucher tout l’hémicorps ou être localisées à un segment de membre. La douleur morale doit être systématiquement recherchée, car elle n’est parfois pas exprimée spontanément par le patient. Inspection et palpation Elles permettent d’évoquer plusieurs causes de douleurs. Une chute de l’épaule avec un espace supérieur ou égal à un travers de doigt entre le bord supérieur de la tête humérale et le bord inférieur de l’acromion permet de suspecter une subluxation glénohumérale (9). La spasticité est à évoquer en cas de position vicieuse en triple flexion du membre supérieur ou du membre inférieur. Des troubles vasomoteurs et trophiques, et un enraidissement articulaire du membre atteint évoquent une algodystrophie. À la phase « chaude ou aiguë », il existe des douleurs souvent intenses à type de brûlures ou de constriction, un oedème et une hyperhémie localisés à la partie du membre atteinte et souvent une hyperesthésie cutanée. Au stade « froid ou atrophique », l’oedème régresse et fait place à une induration, une froideur et une hyperhydrose. Il existe une atrophie cutanée, une raideur articulaire et des rétractions peuvent apparaître (10). L’inspection permet également de rechercher une origine cutanée (rougeurs cutanées aux zones de contact, escarre constitué), vaginale (leucorrhées) ou vasculaire (signes de phlébite). Figure 4. Utilisation de matériel d’ergothérapie.   L’étude des amplitudes articulaires permet de rechercher une capsulite rétractile ou une raideur articulaire liée à l’algodystrophie.   L’examen neurologique doit être complet et rigoureux. L’étude du tonus permet de relier les douleurs à une spasticité. L’existence de troubles sensitifs de l’hémicorps concerné, à type de dysesthésies ou d’allodynie, évoque fortement l’origine neurogène centrale des douleurs.   L’examen clinique général doit être complet et s’attache notamment à rechercher des causes de douleurs en lien avec l’immobilisation (rétention urinaire, stase stercorale…) ou avec les comorbidités du patient (arthrose, coronaropathie…). Examens complémentaires Ils confortent les hypothèses diagnostiques. La radiographie d’épaule peut confirmer le diagnostic clinique de subluxation gléno-humérale. Elle doit toujours comporter une comparaison avec l’épaule opposée. Les distances verticale et horizontale sont mesurées entre le point central de la tête humérale et respectivement le point acromial et la fosse glénoïdale. Pour l’algodystrophie, les anomalies radiologiques – ostéoporose inhomogène, mouchetée avec un respect de l’interligne articulaire – sont trop retardées pour permettre un diagnostic précoce. L’échographie et l’arthrographie d’épaule peuvent également être informatives pour le diagnostic des différentes pathologies mécaniques de l’épaule. La scintigraphie osseuse est l’examen de référence en cas de suspicion d’algodystrophie, car elle permet un diagnostic précoce sous forme d’une hyperfixation intense de l’articulation concernée. L’IRM osseuse montre également des anomalies précoces et spécifiques, mais sa normalité n’élimine pas le diagnostic, notamment pour l’articulation de l’épaule. L’oedème médullaire se traduit par un hyposignal en T1 et un hypersignal en T2. La biologie permet de faire la différence entre un syndrome infectieux ou inflammatoire et l’algodystrophie, où les paramètres de l’inflammation demeurent normaux.  Adapter la prise en charge Hormis un traitement antalgique adapté, basé sur les trois paliers antalgiques de l’OMS, un traitement spécifique à chaque cause retrouvée est préconisé. Figure 5. Utilisation de la tablette. Pathologies mécaniques de l’épaule Le traitement repose sur la kinésithérapie et les mesures de soutien du membre supérieur détaillées précédemment (paragraphe Prévention). La stimulation électrique fonctionnelle a démontré une certaine utilité dans le traitement de la subluxation glénohumérale, et les injections intra-articulaires de corticoïdes peuvent être proposées dans le cas d’une capsulite rétractile. Syndrome algodystrophique Il n’y a actuellement pas de consensus sur sa prise en charge (11). La kinésithérapie reste primordiale. Les infiltrations intra-articulaires de corticoïdes semblent le traitement le plus efficace. La calcitonine n’est plus utilisée actuellement. Des blocs sympathiques locaux, des injections intraveineuses de bisphosphonates peuvent être employés. Une mise en décharge du membre, puis une mobilisation progressive sont nécessaire pour lutter contre l’enraidissement. Les bains écossais peuvent être utiles. Douleurs liées à la spasticité La kinésithérapie est également au centre de la prise en charge. Les traitements médicamenteux oraux (baclofène, benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques, dantrolène…) sont limitées par leur effet dépresseur sur le système nerveux central. Le port d’orthèses peut apporter un bénéfice. La stimulation électrique fonctionnelle et transcutanée a démontré son efficacité dans cette indication. Citons également les infiltrations locales d’agents neurolytiques ou les injections intrathécales de baclofène parfois réalisée. La toxine botulique est actuellement la technique la plus largement admise, malgré des résultats divergents. L’élimination des épines irritatives (traitement des infections, des escarres, évacuation d’un globe...) doit systématiquement être associée au traitement. Figure 6. Combinaison de techniques. Douleur neurogène centrale L’amitriptyline reste la molécule de première intention. Des antiépileptiques, tels que la lamotrigine et le gabapentin, ont également montré une bonne efficacité. D’autres traitements tels que d’autres antiépileptiques, des antiarrythmiques, des opioïdes, des injections intrathécales de baclofène ou des antagonistes des récepteurs NMDA, peuvent apporter un bénéfice, de même que la neurostimulation transcutanée (12). Plus récemment, la stimulation du cortex cérébral moteur a prouvé son utilité pour les douleurs pharmacorésistantes, mais elle est généralement réservée aux patients jeunes. La kinésithérapie, là encore, apporte une aide significative. Douleurs liées à l’immobilisation Elles doivent bénéficier d’un traitement approprié (traitement d’une infection urinaire ou vaginale, évacuation d’un globe ou d’un fécalome, traitement des escarres). Douleur morale Elle nécessite une prise en charge précoce. Outre l’accompagnement psychologique, il faut privilégier les IRS les moins sédatifs et les moins anticholinergiques avec une demi-vie la plus courte possible (13).

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