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Accident vasculaire cérébral

Publié le 12 déc 2007Lecture 14 min

Prise en charge immédiate de l’AIT

J.-J. DOMEREGO, Clinique médicale Les Sources, Nice
La stratégie de prise en charge de l’AIT est un sujet d’actualité et l’AIT une urgence pour les médecins de premier recours. Le diagnostic d’AIT est, en effet, trop souvent rétrospectif et il faut prêter attention à l’interrogatoire des patients pour prendre en compte rapidement les premiers symptômes. Un AIT est une urgence diagnostique et thérapeutique, et la stratégie dépend d’un bilan étiologique rapide qui conditionne le pronostic. Il n’existe pas encore de recommandations précises sur la stratégie de prévention secondaire après un AIT, mais elle peut être calquée sur celle de l’accident vasculaire cérébral ischémique (AVCI) constitué et sera élaborée à terme.
Épidémiologie L’incidence des AIT est estimée à une moyenne de 30 à 35/100 000 dans la population générale selon les pays. Elle varie également avec l’âge, puisque 75 % des patients atteints d’AVC ont > 65 ans, et passe à 100/100 000 après 65 ans. La mortalité est de 1 pour 1 000 habi - tants et le sex-ratio de trois hommes pour deux femmes. Le poids des AVC et des AIT risque de devenir rapidement plus important que celui des maladies cardiaques, comme le suggère en Grande-Bretagne, P. Rothwell (Stroke Prevention Research Unit, University Oxford) avec l’étude OXVASC. Dans cette étude prospective menée à Oxford de 2002 à 2005 et évaluant tout sujet se présentant avec un événement vasculaire quel que soit le territoire, l’incidence relative des accidents cérébrovasculaires comparée aux événements coronaires était 1,9 fois plus importante (tableau 1).   Tableau 1. Survenue d’événements dans la population d’OXVASC. Événements  Hommes (n  Hommes (ratio) Femmes (n) Femmes (ratio) Total (n) Total(ratio) cérébrovasculaires 421 2,99  497  3,75 918 3,36 coronaires 548 3,89  308 2,33  856 3,13  périphériques 112 0,79  76 0,57  188 0,69 Pronostic et risque d’AVC Les unités neurovasculaires ont démontré leur efficacité dans la prise en charge, le traitement et le pronostic à moyen et long termes des AVC ischémiques, mais le pronostic de l’AIT dépend de la rapidité de prise en charge et de la mise en route des moyens adéquats. En effet, après un AIT, le risque d’AVC ischémique est, suivant les publications, de l’ordre de : - 2,5 à 5 % pour les premières 48 heures ; - 5 à 10 % à 1 mois ; - 12 % (10 à 20 % selon les sources) au cours de la première année ; - 20 % dans les 2 ans suivant un AIT. Définition La nouvelle définition de l’AIT, retenue par le groupe de travail pour les recommandations est celle du TIA Working Group :    Définition du TIA Working Group : « Un AIT est un épisode bref de dysfonction neurologique due à une ischémie focale cérébrale ou rétinienne, dont les symptômes cliniques durent typiquement moins d’une heure, sans preuve d’infarctus aigu. » Contexte clinique La durée d’un AIT est en général de l’ordre de 5 à 30 min ; l’ancien critère de 24 heures pour la régression des symptômes pouvait retarder la nécessité de prendre en charge le plus rapidement possible un AIT, en fonction de la disponibilité des examens d’imagerie médicale. La nouvelle définition permet de cerner rapidement les situations cliniques : - si le déficit neurologique régresse rapidement et que l’imagerie cérébrale en urgence est normale, il s’agit d’un AIT ; - si le déficit a régressé et que l’imagerie montre un infarctus récent, il s’agit d’un AVC ischémique régressif ; la prise en charge est identique à celle de l’AIT ; - si le déficit ou les symptômes neurologiques persistent cliniquement au-delà d’une heure, on considère le patient comme ayant fait un AVC aigu et il faut mettre en route rapidement les explorations et le traitement adapté (Recommandations. Prise en charge initiale des patients adultes atteints d’accident vasculaire cérébral : aspect médicaux. ANAES septembre 2000). Cependant, certains accidents qui durent une ou plusieurs heures peuvent correspondre à un infarctus cérébral dans 18 % des cas, contre 10 % lorsque l'AIT dure moins d'une heure. Diagnostic   Le diagnostic d’AIT est probable en cas de troubles d’installation rapide avec un ou plusieurs des symptômes suivants : - Cécité corticale (cécité des deux hémichamps homonymes) ; - troubles sensitifs ou moteurs de la face ou des membres bilatéraux à bascule ; Tableau très en faveur d’un AIT en territoire vertébrobasilaire. - troubles sensitifs et/ou moteurs unilatéraux de la face ou des membres ; - hémianopsie (hémianopsie latérale homonyme) ; AIT en territoire carotidien ou vertébrobasilaire. - troubles du langage, aphasie ; - cécité monoculaire ; AIT en territoire carotidien.   Le diagnostic d’AIT est considéré comme possible ou compatible en cas de : - vertiges ; - diplopie ; - dysarthrie ; - troubles de déglutition ; - drop attack ; - perte d’équilibre ; - troubles sensitifs isolés d’une partie de membre ou d’une hémiface. L’association de plusieurs de ces signes peut cependant rendre l’AIT probable. Stratégie de prise en charge et de traitement Elle peut se décomposer en deux étapes pour le bilan, la première permettant, si elle est réalisable rapidement, de mettre en route un traitement adapté. Bilan initial Un bilan initial est à réaliser dans les plus brefs délais, soit en ambulatoire en fonction des moyens à disposition, soit en hospitalisation dans un centre spécialisé, surtout en cas d’AIT récidivant ou survenant sous traitement antiagrégant ou en fonction du terrain et du contexte.   Une « imagerie cérébrale » en urgence de type IRM (tableau 2) avec séquence de diffusion (recommandations de grade C) ou scanner cérébral sans injection de produit de contraste pour : - éliminer un saignement intracrânien ; - rechercher une ischémie récente ou ancienne, ou une autre étiologie ; - affirmer le diagnostic d’AIT.   Tableau 2. Fréquence des lésions ischémiques au scanner dans les populations d’AIT. Étude   Nature   Période   n  % lésions ischémiques  % lésions cliniquement coronaires   Bogousslavky er Regli, 1985 (38)   Rétrospectif 1980-83   57    28 %   28 % Awad et al., 1986     Prospectif   -   22   32 %   18 %   Davalos et al., 1988   Prospectif 1981-1985  122    20.5 %   13.9 %   Evans et al., 1990   Prospectif 1976-1984   314   17 %   -   UK-TIA Study, 1991   Prospectif 1979-1985   814   21 %   -   Koudstaak et al., 1991   Prospectif  1986-1989 606    13 %   -   Douglas et al.,   Prospectif 1997-1998   322   25 % - 4 % récentes ; - 21% récentes.   4 %   Un bilan étiologique rapide avec : - ECG ; - échoDoppler des troncs supraaortiques et, si possible, un Doppler transcrânien ; - biologie avec numération sanguine, vitesse de sédimentation, CRP, ionogramme sanguin, glycémie créatinine, temps de Quick, temps de céphaline activé ; - une angioIRM ou un scanner spiralé peut être parfois couplé à l’imagerie cérébrale.   À ce stade Prescription d’aspirine à 160 à 300 mg, sauf contre-indication sérieuse (allergie ou risque de saignement gastrointestinal).• Si l’imagerie cérébrale a été effectuée rapidement et en l’absence de signes hémorragiques, mais aussi si pour des raisons logistiques, l’imagerie ne peut être techniquement obtenue rapidement, le groupe de travail recommande la prescription d’aspirine avant l’imagerie, le rapport bénéfice/risque étant largement en faveur du traitement. Ces recommandations rejoignent les recommandations de grade A nord-américaines qui précisent également que les données sont insuffisantes pour donner un autre antiagrégant en phase aiguë. De même, les héparines sous-cutanées ne sont pas recommandées en raison du risque supérieur de saignement au niveau cérébral. • L’aspirine a fait la preuve de son efficacité sur la prévention du risque de récidive des AVC au travers de plusieurs études : - dans l’International Stroke Trial, l’acide acétylsalicylique (à raison de 300 mg dans les 48 h suivant l’apparition des symptômes) a entraîné une diminution statistiquement significative du taux de récidive à deux semaines (2,8 % versus 3,9 % sans acide acétylsalicylique) ; - l’étude CAST (Chinese Acute Stroke Trial) avec l’aspirine à la dose de 160 mg a montré que, comparativement au placebo, l’acide acétylsalicylique diminue faiblement mais significativement la mortalité (3,3 versus 3,9 %), ainsi que le risque de récidive après un mois (1,6 versus 2,1 %) ; - enfin, les résultats d’une analyse rétrospective présentée à l’American Stroke Association International Stroke Conference en 2005 a montré que les patients, ayant présenté un AVC et qui interrompent leur traitement par aspirine, triplent leur risque de récidive d’AVC dans le mois qui suit. Bilan de complément Un bilan de complément peut être ensuite envisagé avec : - échocardiographie-Doppler cardiaque et ETO éventuelle ; - angiographie des artères cervico- encéphaliques ; - bilan glycémique et lipidique plus complet. Les explorations ultrasonores des vaisseaux extra- et intracrâniens doivent associer dans la mesure du possible l’échographie-Doppler extracrânien et le Doppler transcrânien. L’écho-Doppler cervico-encéphalique permet de diagnostiquer sténoses et occlusions artérielles, de préciser le siège et l’extension d’une occlusion, d’en présumer la cause (athérome, dissection, thrombus endoluminal). Le Doppler transcrânien permet de diagnostiquer une sténose serrée ou une occlusion des artères intracrâniennes, d’apprécier et de surveiller le retentissement hémodynamique intracrânien d’une occlusion ou d’une sténose serrée extracrânienne. Il peut permettre aussi, en milieu spécialisé, de détecter des signaux microemboliques (les hits), par l’enregistrement continu du signal Doppler de l’artère sylvienne, qui pourraient être associés à un risque plus important de récidives précoces. Les explorations cardiologiques doivent être réalisés dès l’admission du patient ou rapidement en ambulatoire, pour documenter une source potentielle d’infarctus cérébral. L’échographie transthoracique est indiquée de façon précoce (dans les 24 premières heures). L’indication de l’échographie transoesophagienne (ETO) est intéressante, surtout dans les infarctus de cause inexpliquée, quel que soit l’âge du patient, après un premier bilan complet négatif, mais ne peut pas toujours être réalisée très précocement, ce qui altère sa rentabilité diagnostique, pourtant reconnue. Enfin à distance Enfin à distance et chez les patients avec des lésions ou des facteurs de risque d’athérosclérose, il est classiquement demandé de rechercher les autres localisations de l’athérosclérose et, notamment, des lésions coronariennes. Pronostic et évaluation du risque Le risque d’AVC après AIT Plusieurs facteurs prédisposent au risque d’AVC après un AIT : - l’âge, après 60 ans ; - l’existence d’un déficit moteur ou d’un trouble du langage ; - la localisation hémisphérique de l’accident vasculaire. Un score de risque de présenter un AVC dans les suites d’un AIT (7 jours) a même été proposé par une équipe britannique après deux études prospectives sur une petite série de patients (études prospectives OCP et OXVASC). Le score simple basé sur 4 critères est dénommé ABCD pour Age, Blood pressure, Clinique et Durée des symptômes en 0 à 6 points (2 critères pouvant compter pour 2 points) : - un âge > 60 ans = 1 point ; - la pression artérielle : PAS > 140 mmHg et/ou PAD > 90 mmHg = 1 point (l’élévation de la pression artérielle à l’admission semble un facteur prédictif plus fort que l’HTA traitée sur le risque immédiat d’AVC) ; - des caractéristiques cliniques : faiblesse unilatérale = 2 points, élocution perturbée, sans faiblesse = 1 point ; - la durée des symptômes : >60min= 2 points, entre 10 et 59 min = 1 point, < 10min= 0 point. Le score a tout d'abord été défini à partir de deux séries de patients, 209 pour l'élaboration et 190 pour la validation. Puis, P. Rothwell (Oxford) et coll. l'ont testé sur deux autres groupes de, respectivement, 378 et 210 patients. Dans le premier groupe, les chercheurs ont montré que 19 des 20 (95 %) AVC survenus dans les 7 jours suivant l'AIT se sont produits chez les malades ayant obtenu un score de 5 ou 6. Ces derniers représentaient 27 % du total (18 % avec un score de 5 et 9 % avec un score de 6). Ainsi, chez les trois quarts des malades dont le score allait de 0 à 4, le risque d'AVC dans les 7 jours suivant l'AVC était de seulement 0,4 %, le seul patient dans ce groupe victime d'un AVC ayant présenté un score de 4. Chez les patients ayant un score de 5, le risque d'AVC s'élevait à 12,1 % puis à 31,4 % chez ceux dont le score atteignait 6. Dans la deuxième cohorte, les résultats semblent moins détaillés. Les chercheurs notent simplement que tous ceux, ayant subi un AVC dans un délai de 9 jours après l'AIT, obtenaient un score ≥ 4 : 36 % un score de 4, 28 % un score de 5, et 36 % un score de 6. Les auteurs estiment que le score apparaît « hautement prédictif » du risque d'AVC et qu'il pourrait être utilisé pour « identifier les individus à haut risque nécessitant des investigations plus approfondies ». Le risque coronaire associé Chez les patients avec des lésions ou des facteurs de risque d’athérosclérose, il est classiquement demandé de rechercher les autres localisations de l’athérosclérose et, notamment, des lésions coronariennes. Le groupe de travail sur les recommandations de la HAS, en l’absence de preuves suffisantes dans la littérature pour une recherche systématique, préconise également les explorations en fonction du risque calculé chez les patients ayant une autre localisation ou des facteurs de risque d’athérosclérose. Tous les patients ayant présenté un AIT ou un AVC doivent donc avoir une évaluation de leur risque cardiovasculaire sur les bases des recommandations existantes. La réduction des facteurs de risque reste impérative et indépendante de la décision de mettre en route des investigations cardiaques non invasives. Les causes d’AIT Elles sont dominées par trois causes principales :  L’athérosclérose, avec une prépondérance des lésions carotidiennes et au niveau de la crosse aortique, à l’origine d’AIT par mécanisme hémodynamique ou embolique.  L’atteinte par microangiopathie des petites artères sous-corticales, responsables des lacunes cérébrales, plus fréquentes en cas d’HTA et/ou de diabète.  Les embolies systémiques d’origine cardiaque, largement dominées par la fibrillation auriculaire (environ 50 % des causes d’accident thromboembolique cérébral systémique). Il existe de très nombreuses autres causes d’AIT, mais leur fréquence est plus rare ; dans 10 à 50 % des cas suivant les séries, le bilan étiologique peut rester entièrement négatif. Le traitement doit être adapté en fonction du bilan étiologique. Deux études récentes ont évalué l’association aspirine + clopidogrel avec des résultats divergents mais dans des populations différentes, ce qui souligne bien l’intérêt d’adapter le traitement préventif aux facteurs de risque et aux étiologies sous-jacentes éventuelles.  L’étude MATCH (Management of ATherothrombosis with Clopidogrel in High risk patients) n’a pas mis en évidence de bénéfice de la combinaison d’aspirine et clopidogrel versus clopidogrel seul, en prévention au long cours de récidive d’AVC chez des patients ayant présenté un AVC ou un AIT.  L’étude CARESS (Combined Abciximab RE-teplase Stent Study in acute myocardial infarction) montre un bénéfice de l’association sur les microembolies (réduction relative de 37 %) détectées par Doppler transcrânien chez des sujets avec une sténose carotidienne supérieure à 50 % et ayant présenté un AVC ou AIT récent. En pratique   Il faut être très attentif à l’interrogatoire des patients qui ont présenté un déficit neurologique bref et réagir vite pour ne pas avoir à faire un diagnostic rétrospectif.   La nouvelle définition insiste sur le délai de régression des symptômes, et permet d’éviter de perdre de précieuses heures, ne retardant pas le bilan d’imagerie cérébrale, à réaliser dans les plus brefs délais si le contexte le permet.   En cas de suspicion d’AIT, et quels que soient les moyens d’intervention à disposition, il faut avoir l’aspirine facile, en l’absence de contre-indication majeure.

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