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Imagerie

Publié le 11 oct 2006Lecture 10 min

Place de l’imagerie fonctionnelle dans l’épilepsie

Sophie DUPONT Unité d’Épileptologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris Unité INSERM 0224 - Cortex et épilepsie
L’imagerie fonctionnelle, qu’il s’agisse de la tomographie par émission de positons (TEP) ou de l’IRM fonctionnelle (IRMf), a révolutionné le bilan préchirurgical des patients souffrant d’une épilepsie pharmacorésistante, en aidant à la localisation du foyer épileptique et, à la réalisation de cartographies fonctionnelles préopératoires localisant précisément des régions anatomiques dévolues à certaines fonctions neurologiques (motrices, sensorielles, sensitives, cognitives) pour guider, voire récuser le geste chirurgical. L’autre domaine d’application de l’imagerie fonctionnelle dans l’épilepsie est celui de la recherche clinique notamment en ce qui concerne la physiopathologie de l’épilepsie et l’étude de la réorganisation fonctionnelle induite par cette dernière.
Dans la pratique clinique, l’imagerie fonctionnelle est réservée aux épilepsies sévères justifiant d’un bilan préchirurgical pour lesquelles deux types de questions peuvent se poser : - Où le foyer est-il localisé ? - L’exérèse de ce foyer, une fois localisé, entraînera-t-elle des conséquences fonctionnelles (motrices, sensitives, cognitives) pour le patient ? Un autre champ d’application de l’imagerie fonctionnelle est celui de la recherche clinique : - Études des mécanismes physiopathologiques sous-tendant l’épilepsie. - Étude de la réorganisation fonctionnelle induite par la répétition des crises. L’imagerie fonctionnelle dans le bilan préchirurgical Le traitement chirurgical des épilepsies vient classiquement pallier les échecs du traitement médical médicamenteux. Il s’adresse essentiellement aux épilepsies partielles pharmacorésistantes. Même si 20 % des épileptiques sont pharmacorésistants, seulement 5 à 10 % sont suffisamment rebelles au traitement médical pour bénéficier d’un abord chirurgical, ce qui représente en France 6 000 à 12 000 épileptiques potentiellement candidats au traitement chirurgical et plus de 1 000 nouveaux candidats par an. Le bilan préchirurgical des patients épileptiques, candidats à la chirurgie est relativement codifié et comporte de façon systématique un EEG-vidéo, une IRM morphologique de bonne qualité, un bilan neuropsychologique et, dans certains cas, des explorations plus invasives : - exploration par électrodes intracérébrales en cas de doute sur la localisation du foyer (SEEG), - test de Wada en cas de doute la représentation cérébrale de certaines fonctions cognitives. Tout l’enjeu de ces dernières années a été de développer des techniques non invasives et si possible facilement accessibles permettant de raccourcir le temps du bilan en aidant à localiser plus rapidement le foyer voire de s’abstenir du recours aux procédures invasives type SEEG ou Wada.   En France, 6 000 à 12 000 épileptiques sont potentiellement candidats au traitement chirurgical.   La localisation du foyer L’imagerie fonctionnelle permet d’aider à la localisation du foyer de deux façons : - en permettant de visualiser des lésions occultes, non vues sur l’imagerie standard, il a en effet été démontré que la présence d’une lésion cérébrale à l’IRM est généralement un des facteurs de bon pronostic postopératoire lorsqu’on envisage un traitement chirurgical de l’épilepsie. Ce rôle de détection de lésions occultes est essentiellement dévolu à la TEP grâce à des traceurs spécifiques et sensibles permettant de visualiser les désordres de l’organisation structurelle du cortex : 11C-Flumazenil (traceur des récepteurs aux BZD se fixant sur le récepteur GABAa)1, traceurs sérotoninergiques ; - en permettant de visualiser les conséquences (fonctionnelles ou structurelles) des crises en période ictale et surtout interictale : TEP, IRMf couplée à l’EEG. Néanmoins, ces deux techniques révèlent parfois des anomalies dépassant le simple foyer épileptique et pouvant refléter l’intégralité du réseau de propagation de la crise, auquel cas leur valeur localisatrice reste plus discutée. Le principal traceur utilisé en TEP est le FDG (18-fluoro-déoxyglucose), traceur du métabolisme glucidique reflétant le niveau de consommation de glucose des neurones, et donc indirectement leur fonctionnement énergétique. La présence d’un hypométabolisme glucidique régional interictal est un facteur fiable de localisation du foyer épileptogène2. La sensibilité de la FDG-TEP est néanmoins bien meilleure dans les épilepsies temporales (figure 1), notamment médiales que dans les épilepsies extratemporales.      Figure 1. Hypométabolisme temporal dans un cas d’épilepsie temporal interne. L’emploi combiné de l’EEG et de l’IRMf qui allie l’excellente résolution temporelle de l’EEG et l’excellente résolution spatiale de l’IRMf permet de donner accès aux modifications de perfusion cérébrale contemporaines de l’activité épileptique elle-même3. Le principe est de détecter les modifications de débit sanguin cérébral liées à l’activité épileptique critique et surtout intercritique, en l’occurrence la présence de pointes-ondes détectée sur l’EEG. Une autre méthode consiste à analyser les modifications de perfusion cérébrale alors que le patient est au repos dans l’IRM. Si le signal varie alors de façon locale, significative et reproductible, ces variations sont alors interprétées comme étant en rapport avec des modifications de l’activité électrique d’origine épileptique (pointes-ondes intercritiques, décharges infracliniques)4. Cette méthode, en cours de validation clinique, permet de s’affranchir de l’EEG et des difficultés méthodologiques liées à l’emploi couplé de l’IRMf et de l’EEG.   La présence d’un hypométabolisme glucidique régional interictal est un facteur fiable de localisation du foyer épileptogène.   La cartographie fonctionnelle Pour la réalisation des cartographies fonctionnelles, l’IRMf a supplanté ces dernières années la TEP utilisant un traceur du débit sanguin cérébral, l’H2O2, et ceci pour diverses raisons : plus grande accessibilité de l’IRMf, moindre coût, plus grande simplicité de réalisation (pas d’injection de produit radioactif, parc IRM plus développé que le parc TEP).     Délimitation fonctionnelle des aires sensitives et motrices Le but est ici de déterminer si le cortex épileptique et donc potentiellement à réséquer est fonctionnel ou non. La délimitation des aires sensitives et motrices par des paradigmes de stimulation permet alors de planifier les résections corticales adjacentes. Ce type de cartographie repose sur des paradigmes simples : mouvement d’une main ou d’un pied, stimulation sensitive tactile ou thermique d’une partie du corps et, est désormais bien validée en IRMf 5.   La délimitation des aires sensitives et motrices par des paradigmes de stimulation permet alors de planifier les résections corticales adjacentes.     Localisation des fonctions cognitives Les cartographies cognitives explorent essentiellement le langage et la mémoire et reposent à l’heure actuelle sur un test : le test de Wada considéré comme le « gold standard » en la matière. Le test de Wada ou test à l'Amytal consiste en l'injection intracarotidienne d'amytal sodique, qui entraîne une inactivation temporaire de l'hémisphère. Les fonctions verbales et mnésiques de l'hémisphère controlatéral à l’injection, qui se trouve en situation d'hémisphère isolé, sont alors examinées par un certain nombre de tests qui doivent être passés rapidement. Malgré son caractère invasif, le test à l'Amytal est actuellement indispensable pour s'assurer de l'intégrité des structures controlatérales au foyer épileptogène. En effet, la présence d'un dysfonctionnement du lobe temporal opposé à celui de la chirurgie risquerait de provoquer une amnésie antérograde globale, comme cela a déjà été rapporté dans la littérature. Cette situation peut conduire à récuser le geste chirurgical ou à adapter l’étendue de la résection.   Le test à l'Amytal est actuellement indispensable pour s'assurer de l'intégrité des structures controlatérales au foyer épileptogène.       Zones impliquées dans le langage De nombreuses études menées en comparaison directe avec le test de Wada ont montré une concordance des résultats quant à la latéralisation du langage avec en outre en IRMf de nombreuses informations complémentaires sur la localisation précise des différentes zones impliquées dans le langage. Les tests de fluence verbale6 semblent par ailleurs les plus fiables dans la latéralisation du langage en IRMf (figure 2).      Figure 2. Cartographie fonctionnelle de langage en IRMf.    Exploration de la mémoire Il existe peu d’études d’IRMf ayant exploré la mémoire chez le patient épileptique7,8. Les quelques études disponibles dans la littérature démontrent différents points : - une bonne concordance avec le test de Wada sur les petits effectifs testés (10 patients au maximum) ; - une latéralisation des activations hippocampiques dépendant du côté du foyer épileptique dans l’épilepsie du lobe temporal et donc une bonne capacité à latéraliser le foyer épileptique (figure 3) ; - une potentielle prédictivité du déficit mnésique postopératoire prenant tout à la fois en compte la possibilité d’activer ou non l’hippocampe épileptique et l’hippocampe controlatéral (existence d’une réserve hippocampique et donc d’une potentielle plasticité pouvant faire office de suppléance après l’intervention).      Figure 3. Cartographie fonctionnelle de mémoire en IRMf. Applications en recherche clinique Exploration de la physiopathologie de l’épilepsie Ce domaine d’exploration de la physiopathologie de l’épilepsie reste dévolu à la TEP. Pour ce faire, différents traceurs sont disponibles : traceurs du métabolisme, traceurs des neurotransmetteurs, traceurs des médicaments. L’objectif est de mettre en évidence des déséquilibres de certains systèmes de neurotransmission (GABA, sérotonine, opiacés, etc.) pouvant rendre compte de l’épilepsie, sans que l’on sache vraiment si ces déséquilibres sont la cause ou la conséquence des crises ou de lésions occultes sous-jacentes. D’autres études comptent utiliser la TEP pour étudier les mécanismes de pharmacorésistance en recourant à des traceurs reflétant indirectement l’activité des p-glycoprotéines impliquées dans la traversée de la barrière hémato-méningée de certainsmédicaments, dont les médicaments anti-épileptiques. Les traceurs (11C-colchicine, 11C-vérapamil, etc.) sont en cours d’expérimentation chez l’animal et devraient prochainement être testés chez l’homme9. Étude de la réorganisation fonctionnelle liée à l’épilepsie Pour le langage, il existe chez les patients souffrant d’une épilepsie du lobe temporal gauche une plus forte proportion de sujets ayant une représentation bilatérale de leur langage, ce qui témoigne d’un phénomène de plasticité du langage lié à la désorganisation du lobe temporal gauche. Des études ont été menées en IRMf sur la réorganisation des réseaux cortico-hippocampaux sous-tendant la mémoire chez les patients épileptiques souffrant d’une sclérose hippocampique droite ou gauche10. Les résultats ont montré que les patients souffrant d’une épilepsie de la face médiale gauche activaient des réseaux cérébraux qui différent de ceux des témoins principalement en regard du cortex temporo-médial (gyrus parahippocampique et hippocampe) et du cortex préfrontal dorsolatéral ; ces différences dans les patterns d’activations étant censées refléter, soit un dysfonctionnement, soit une réorganisation des réseaux neuronaux normaux sous-tendant la mémoire. Conclusion L’imagerie fonctionnelle possède un vaste champ d’application clinique et de recherche dans l’épilepsie. L’avènement de nouvelles techniques et de nouvelles méthodologies devrait à l’avenir compléter l’arsenal en offrant une confrontation et une fusion des données apportant un maximum d’informations sur le patient et sur sa maladie.

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