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Neuropathie

Publié le 06 jan 2008Lecture 8 min

Paralysie partielle de la troisième paire crânienne et atteinte anévrysmale

D.MILEA, Glostrup University Hospital, Copenhague (Danemark)
La paralysie de la troisième paire crânienne est une situation fréquente en pratique neurologique et neuro-ophtalmologique. Elle peut être due à une atteinte vasculopathique bénigne, mais aussi à une redoutable compression par un anévrysme en voie de rupture comme le rappellent ces deux cas cliniques proposés par Dan Milea du Glostrup University Hospital de Copenhague.
En cas d’atteinte pupillaire et/ou d'atteinte partielle du contingent extrinsèque de la troisième paire crânienne, il est justifié de suspecter une cause compressive, y compris anévrysmale. Dans ces situations ou alors s’il s’agit d’un patient jeune, une neuroimagerie vasculaire doit être réalisée en urgence. Plus rarement, la mise en évidence clinique d’une régénération aberrante dans le territoire de ce nerf crânien alerte sur la possibilité d'une telle atteinte. À travers ces deux observations, nous allons observer que le caractère minime d’un déficit oculomoteur, qui est associé à une atteinte pupillaire ipsilatérale, ne doit pas rassurer le praticien, la suspicion d’une atteinte anévrysmale demeurant entière. L’angiographie conventionnelle reste parfois le seul moyen efficace pour identifier une telle lésion. Une mydriase unilatérale accompagnée d’une atteinte homolatérale dans le regard en abduction Un patient, âgé de 41 ans, a été adressé pour l’évaluation d’une mydriase unilatérale droite associée à un ptôsis modéré et à une gêne visuelle dans le regard en abduction du même oeil, sans que le patient puisse préciser s’il s’agissait d’un flou visuel ou d’une diplopie. Quelques mois auparavant, le patient avait déjà été hospitalisé en urgence pour la survenue de céphalées brutales, prédominant à droite. Un saignement sous-arachnoïdien avait été suspecté, mais un scanner cérébral, suivi d’une ponction lombaire n’avaient apporté aucun argument en ce sens. Les céphalées ont ensuite cessé spontanément. L'examen neuro-ophtalmologique a fortement orienté le diagnostic vers une paralysie partielle du contingent extrinsèque de la troisième paire crânienne, associée à une atteinte pupillaire ipsilatérale (figure 1). Figure 1. Mydriase droite et ptôsis, après examen de l’oculomotricité. L’atteinte partielle affectant principalement le muscle droit inférieur est surtout visible en abduction de l’oeil droit.  Les autres muscles oculomoteurs, innervés par la troisième paire crânienne, sont touchés partiellement. Sur le plan oculomoteur, il existait un déficit du muscle droit inférieur droit, se manifestant par une hypertrophie de l’oeil droit en abduction, confirmée par un examen coordimétrique (figure 2). L’atteinte des autres muscles oculomoteurs innervés par la troisième paire crânienne a été peu manifeste lors de l’étude des versions oculaires. Figure 2. Examen coordimétrique présentant un déficit du muscle droit inférieur droit. Devant ce tableau, une angioIRM cérébrale a été réalisée et initialement interprétée comme normale. Cependant, une relecture plus attentive n’a pas permis d’exclure un anévrysme au niveau de l’artère communicante postérieure droite. Une artériographie conventionnelle a ensuite été effectuée (figure 3), confirmant ce diagnostic. Une embolisation de l’anévrysme a été réalisée avec succès. Figure 3. Artériographie cérébrale conventionnelle montrant un anévrysme de l’artère communicante postérieure droite (flèche). Une diplopie monoculaire associée à une limitation de l’élévation Une patiente de 68 ans, sans antécédent particulier, a été adressée pour le bilan d’une diplopie binoculaire survenant essentiellement dans le regard vers le haut, sans douleur et sans autre signe d’accompagnement. Figure 4. Atteinte de l’élévation du globe oculaire droit, surtout en adduction. L'examen neuro-ophtalmologique a trouvé une discrète limitation de l’élévation du globe oculaire droit (figure 4), surtout en adduction (figure 5), et une probable asymétrie palpébrale. Figure 5. Examen coordimétrique montrant une atteinte du muscle droit supérieur droit et du muscle oblique inférieur droit. Les pupilles étaient réactives, la pupille droite étant un peu plus large que la gauche. Dans le regard vers le bas, il y avait en revanche une rétraction de la paupière supérieure droite (figure 6), faisant évoquer soit une asynergie oculo-palpébrale comme dans une orbitopathie dysthyroïdienne (signe de Von Graefe), ou alors une innervation aberrante palpébrale que la patiente n’avait pas notée auparavant. Il n’a pas été noté d’élément clinique ou biologique en faveur d'une artérite giganto-cellulaire ou encore d’une dysthyroïdie. Figure 6. Rétraction palpébrale droite dans le regard vers le bas (signe de pseudo Von Graefe). Une imagerie orbitaire et neurovasculaire a été réalisée, mettant en évidence un anévrysme de l'artère communicante postérieure droite, à proximité de la troisième paire crânienne droite (figure 7). Figure 7. Anévrysme de l'artère communicante postérieure droite. Une atteinte extrinsèque complète sans atteinte pupillaire avec ptôsis, déficit de l’élévation, de l’abaissement et de l’adduction oriente vers une ischémie, alors qu’une atteinte partielle évoque une compression. La prise en charge d’une paralysie de la troisième paire crânienne reste aujourd’hui un défi pour le clinicien, cette situation pouvant révéler une compression/fissure anévrysmale engageant potentiellement le pronostic vital. Les caractéristiques cliniques de la paralysie, qui orientent vers un risque anévrysmal, sont désormais bien décrites (arbre décisionnel). Il est d’abord capital de déterminer si l’atteinte est isolée (absence d’autres signes neurologiques, tels qu’une hémiplégie, une atteinte d’autres nerfs crâniens, une atteinte de la chaîne sympathique,des signes d’irritation méningée...). Ensuite, il est important d’identifier une atteinte pupillaire, car les atteintes « ischémiques » épargnent le plus souvent la motricité pupillaire. À l’inverse, une compression de la troisième paire crânienne par un anévrysme se manifeste fréquemment (mais non exclusivement) par une atteinte pupillaire souvent précoce, parfois très subtile (mydriase minime, peu de réponse à la lumière), mais exceptionnellement isolée. Le caractère complet ou partiel de l’atteinte oculomotrice est aussi important dans la prise de décision quant à la stratégie de neuro-imagerie. En effet, une atteinte extrinsèque complète associant un ptôsis complet, un déficit global de l’élévation, de l’abaissement et de l’adduction mais sans atteinte pupillaire, oriente vers une cause ischémique. À l’inverse, une atteinte partielle de la motricité extrinsèque indique la possibilité d’une atteinte compressive, y compris anévrysmale. Par ailleurs, il est admis qu’une atteinte préférentielle d’un seul muscle dans le territoire de la troisième paire crânienne est plus évocatrice d’une atteinte compressive que d’une atteinte modérée de tout le contingent extrinsèque1. L’âge jeune est également un facteur important qui peut indiquer la possibilité d’un anévrysme. Malgré les progrès récents de la neuroimagerie neurovasculaire dans le cadre de la détection d’un anévrysme, l’artériographie conventionnelle reste le seul moyen d’identifier un anévrysme. En cas d’atteinte isolée de la motricité pupillaire, sans atteinte oculomotrice ou palpébrale, le risque d’une compression anévrysmale est extrêmement faible. Dans cette situation, une neuro-imagerie cérébrale n’est habituellement pas indiquée, même s’il n’existe pas d’études rigoureuses sur ce thème2. À l’inverse, l’association d’une atteinte pupillaire et d’une atteinte de la motricité oculaire extrinsèque, même minime, rend une compression vasculaire possible comme dans le premier cas clinique. La mise en évidence d’un phénomène de régénération aberrante dans le territoire de la troisième paire crânienne indique la possibilité d’une compression sous-jacente plus ancienne. Un tel phénomène peut également se rencontrer après une paralysie post-traumatique, après une migraine ophtalmoplégique..., mais exceptionnellement après une atteinte vasculopathique. Malgré les progrès récents de la neuro-imagerie neurovasculaire dans le cadre de la détection d’un anévrysme, qui gagne de plus en plus en sensibilité et en spécificité, l’artériographie conventionnelle reste parfois le seul moyen d’identifier un anévrysme. Lorsque les examens non invasifs (angioIRM ou angioscanner) sont négatifs, sa réalisation se justifie uniquement en cas de haute suspicion clinique. Une atteinte oculomotrice partielle dans le territoire de la troisième paire crânienne : le premier signe d'une compression anévrysmale ? Ainsi, une atteinte partielle voire minime de l’oculomotricité dans le territoire de la troisième paire crânienne peut être le premier signe d'une compression anévrysmale, a fortiori si elle est accompagnée d'une atteinte pupillaire. La mise en évidence d'une régénération aberrante dans le territoire de la troisième paire crânienne évoque la possibilité d'une atteinte compressive de plus longue date, imposant les mêmes précautions d'imagerie. Arbre décisionnel dans une paralysie récente de la troisième paire crânienne (III). Une paralysie chez un sujet jeune ou alors en cas d`atteinte pupillaire partielle, progressive impose la réalisation d’une neuro-imagerie vasculaire en urgence, à la recherche d’une compression, notamment anévrysmale.

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