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Neuropathie

Publié le 29 juil 2008Lecture 24 min

Les neuropathies optiques d'origine toxique

C. ORSSAUD, Département d’Ophtalmologie, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris ; Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Parmi les très nombreuses étiologies de neuropathies optiques, les causes toxiques tiennent une place particulière en raison de leur possible intrication avec d’autres étiologies, en particulier nutritionnelles ou héréditaires (1). En effet, l’existence d’un déficit nutritionnel ou d’un terrain génétiquement prédisposé constitue souvent le facteur déclenchant ou favorisant la survenue d’une atteinte du nerf optique lors d’une intoxication, y compris iatrogène (2). De plus, des similitudes cliniques, paracliniques ou évolutives amènent à rapprocher neuropathies optiques toxiques et nutritionnelles (1,3). Rappelons qu’un diagnostic le plus précoce possible permet de limiter l’effet de l’intoxication et d’éviter les séquelles ultérieures : l’atteinte du nerf optique régressant d’autant mieux qu’elle est prise en charge tôt.
Illustration : vision des couleurs, test Fansworth. Les mécanismes physiopathogéniques des neuropathies optiques toxiques restent mal connus. Cependant, la perturbation de mécanismes biochimiques participant à la correction du stress oxydatif semble être un mécanisme commun dans ces différentes formes de neuropathies optiques. Aspects cliniques et paracliniques Le diagnostic d’une neuropathie optique toxique pure ou associée à un facteur « nutritionnel » repose principalement sur les données cliniques, paracliniques et sur l’anamnèse. Il faut également insister sur l’importance du bilan neurologique et général qui peut objectiver des atteintes systémiques dues à l’intoxication. Présentation clinique Le diagnostic est ainsi tout d’abord suspecté devant une baisse de l’acuité visuelle d’intensité variable, allant du simple flou visuel à une gêne profonde (1). Les cécités sont rares ou tardives et alors volontiers irréversibles. Classiquement, cette baisse d’acuité visuelle s’installe lentement, sur plusieurs mois. Elle est strictement indolore et classiquement bilatérale sans anisocorie. Par contre, le réflexe photomoteur direct et consensuel est discrètement altéré avec un déficit pupillaire afférent (phénomène de Marcus Gunn) confirmant l’atteinte des nerfs optiques. Ce déficit est d’autant plus évident que l’atteinte est encore asymétrique. En effet, il n’est pas rare d’observer un déficit asymétrique voire même unilatéral, lorsque l’intoxication est encore récente. De même, il existe de nombreuses variantes du mode évolutif de ces neuropathies optiques toxiques pures ou associées à un facteur « nutritionnel ». En effet, le délai entre l’apparition des troubles visuels et le début de l’intoxication est extrêmement variable. Il dépend de la nature du toxique et de la quantité ingérée ou inhalée, mais aussi de facteurs personnels. Ainsi, l’ingestion de minimes quantités de méthanol (alcool méthylique) est responsable d’une neuropathie optique d’évolution extrêmement rapide souvent précédée ou accompagnée de phosphènes et d’une abolition précoce du réflexe photomoteur (4). L’aspect du fond d’oeil n’est pas contributif pour affirmer le diagnostic de neuropathie optique toxique pure ou associée à un facteur « nutritionnel ». En effet, il est souvent normal, témoignant de l’existence d’une classique « névrite optique rétrobulbaire ». Cependant, les neuropathies optiques toxiques se présentent également volontiers sous forme de « neuropathies optiques antérieures » avec quelques hémorragies péri-papillaires ou associées à un oedème papillaire. La mise en évidence d’une atrophie optique reste peu fréquente dans le cadre de ces neuropathies toxiques pures ou associées à un facteur nutritionnel. Cette atrophie optique témoigne d’un stade tardif de l’atteinte des nerfs optiques, dont le pronostic fonctionnel est réservé malgré l’arrêt de l’intoxication. L’aspect du fond d’oeil n’est pas contributif pour affirmer le diagnostic de neuropathie optique toxique. Nous avons déjà évoqué l’importance de l’examen neurologique à la recherche d’une éventuelle atteinte du système nerveux. En fonction du toxique, il peut exister des atteintes du système nerveux central ou périphérique. Cellesci sont très fréquentes lors d’atteintes liées à l’ingestion d’alcool ou de méthanol. Il en est de même au cours d’atteintes toxiques et carentielles comme ce fut le cas lors de l’épidémie observée au début des années 1990 à Cuba (5). Les patients ont développé des neuropathies périphériques associées à une neuropathie optique toxique et « nutritionnelle ». Mais, la recherche d’anomalies neurologiques prend également tout son intérêt pour éliminer une autre étiologie de neuropathie optique, qu’elle soit inflammatoire (moins une sclérose en plaques qu’une sarcoïdose ou une maladie de Behçet), héréditaire ou tumorale. Éléments d’orientation paracliniques Le caractère peu bruyant et lentement évolutif de la baisse d’acuité visuelle au cours de ces atteintes toxiques du nerf optique retarde sa découverte. Néanmoins, d’autres altérations de la fonction visuelle qui ne se limitent pas à l’acuité visuelle, et notamment des altérations du champ visuel peuvent alerter le patient. Il est classiquement rapporté une atteinte précoce de l’acuité visuelle mésopique, alors que l’acuité visuelle mesurée en condition photopique est encore conservée. De plus, il existe un allongement du temps de récupération lors de l’étude de la résistance à l’éblouissement. Mais, ces tests ne sont plus pratiqués en routine. Le sens chromatique est dans la grande majorité des cas anormal dès les premiers stades de la maladie, avec apparition d’une dyschromatopsie d’axe « bleu-jaune » précédant l’apparition de la classique dyschromatopsie d’axe « rouge-vert » (6). Le champ visuel est également toujours perturbé. Le type d’anomalie campimétrique observée varie selon la forme clinique d’atteinte du nerf optique. Elle est donc typiquement corrélée à l’étiologie de cette neuropathie optique. La mise en évidence d’un scotome coeco-central bilatéral et symétrique, parfois associé à un rétrécissement concentrique des isoptères par atteinte du faisceau maculaire, constitue l’aspect le plus caractéristique de ces neuropathies optiques toxiques pures ou associées à un facteur « nutritionnel ». Mais, un oedème papillaire entraîne un élargissement de la tache de Mariotte, alors qu’une atteinte des faisceaux périphériques est responsable d’un déficit prenant la forme d’un scotome cunéiforme partant de la papille. L’étude des potentiels évoqués visuels (PEV) est d’un grand intérêt aux stades précoces de l’atteinte toxique pour confirmer la présence d’anomalies infracliniques. Le temps de culmination des différentes ondes est allongé et leur morphologie peut être altérée, alors que leur amplitude est diminuée. Cet examen trouve également son intérêt pour confirmer l’atteinte des voies optiques alors que l’examen ophtalmologique ne permet pas d’éliminer formellement une autre étiologie à cette altération de la fonction visuelle. Par contre, les anomalies des PEV peuvent se rencontrer quelle que soit la nature du toxique en cause et quelle que soit l’origine de l’atteinte du nerf optique, non seulement toxique et/ou carentielle, mais aussi héréditaire ou inflammatoire. Ainsi, l’étude des PEV n’apporte pas de renseignements pouvant aider soit au diagnostic étiologique, soit au diagnostic différentiel des neuropathies optiques. D’autres examens doivent être réalisés moins pour confirmer l’étiologie toxique de la neuropathie optique que pour éliminer d’autres pathologies nécessitant une prise en charge spécifique. C’est ainsi que devant cette atteinte du nerf optique, un bilan neuroradiologique doit être pratiqué et éventuellement répété tant qu’un diagnostic de certitude n’a pas été obtenu. Ce bilan neuroradiologique doit être orienté vers la recherche d’une compression des voies optiques, dont la présentation clinique est parfois atypique avec une évolution insidieuse pouvant en imposer pour une cause toxique. L’étude du liquide céphalo-rachidien ne doit pas être systématique dans un contexte de neuropathie optique toxique. Mais elle trouve sa place lorsqu’une étiologie inflammatoire ou tumorale doit être éliminée. Enfin, citons quelques examens ophtalmologiques parfois utiles pour éliminer une pathologie rétinienne : l’OCT (tomographie en cohérence optique) qui permet d’étudier l’aspect de la papille optique et de mesurer l’épaisseur des différentes couches de la rétine soit dans la région de la macula, soit au niveau des fibres optiques péripapillaires ; l’électrorétinogramme standard et multifocal qui teste le fonctionnement électrique de la rétine. Un bilan neuroradiologique doit être pratiqué orienté vers la recherche d’une compression des voies optiques.  Étiologies des neuropathies optiques toxiques Lorsque la découverte d’une neuropathie optique toxique est fortuite, le bilan systématique doit s’attacher à éliminer moins les autres étiologies ophtalmologiques de déficit visuel que les autres neuropathies optiques. Le délai entre le début de l’intoxication et l’apparition des troubles visuels peut constituer un élément d’orientation, mais il dépend sans doute de facteurs personnels et notamment de prédispositions génétiques. D’autres circonstances de découverte simplifient parfois l’enquête étiologique. Ainsi, une neuropathie optique toxique peut être suspectée lors de la surveillance de patients recevant des traitements « à risque » sur lesquels nous reviendrons, ou soumis à des environnements considérés comme dangereux. Deux grandes étiologies, l’une par substances chimiques et l’autre iatrogène, doivent être évoquées comme responsables de neuropathies optiques toxiques pures. Causes toxiques pures Nous traiterons plus loin des causes mixtes au cours desquelles les facteurs nutritionnels, en particulier vitaminiques, favorisent la survenue d’une neuropathie optique chez des patients exposés à des toxiques (3) (tableau).   Liste non exhaustive de médicaments susceptibles de donner une neuropathie optique toxique par action directe sur le nerf (A) ou par le biais d’une hypertension intracrânienne (B). A : amiodarone, éthambutol, digitaline, isoniazide, maléate de perhexiline, chloroquine, IMAO, ciclosporine A, vincristine, cisplatine, méthotrexate, 5-fluoro-uracyl, interféron, vigabatrin, disulfiram. B : tétracycline, lithium, acide nalidixique, corticostéroïdes.  Dérivés halogénés des hydrocarbures aliphatiques : dichlorométhane, trichlorométhane, tribromométhane, dichloro-1-2-éthane, dibromo-1-2-éthane, trichloro-1-1-1-éthane, dichloro-1-1-éthylène asymétrique, dichloro-1-2-éthylène, trichloréthylène, tétrachloréthylène, dichloro-1-2-propane, chloropropylène, chloro-2-butadiène-1-3  Hydrocarbures aliphatiques halogénés : dichlorométhane, trichlorométhane, tribromométhane, triiodométhane, tétrabromométhane, chloroéthane, 1,1-dichloroéthane, 1,2-dichloroéthane, 1,2-dibromoéthane, 1,1,1-trichloroéthane, 1,1,2-trichloroéthane, 1,1,2,2-tétrabromoéthane, pentachloroéthane, 1-bromopropane, 2-bromopropane, 1,2-dichloropropane, trichloroéthylène, tétrachloroéthylène, dichloro-acétylène, trichlorofluorométhane, 1,1,2,2-tétrachloro - 1,2-difluoroéthane, 1,1,1,2-tétrachloro - 2,2-difluoroéthane, 1,1,2-trichloro - 1,2,2-trifluoroéthane, 1,1,1-trichloro - 2,2,2-trifluoroéthane, 1,1-dichloro - 2,2,2-trifluoroéthane, 1,2-dichloro - 1,1-difluoroéthane, 1,1-dichloro - 1-fluoroéthane.  Sulfocarbonisme professionnel  Causes iatrogènes De nombreuses substances peuvent être incriminées. Ces différentes substances sont toutes responsables de neuropathies optiques, soit de forme antérieure avec atteinte papillaire, soit de forme rétrobulbaire. Nous ne ferons qu’évoquer quelques-uns de ces traitements. L’implication des anti-oncogènes est souvent difficile à établir et nécessite d’avoir éliminé l’existence d’une métastase osseuse ou méningée de la tumeur primitive en répétant les bilans neuroradiologiques et les ponctions lombaires. Classiquement, les neuropathies optiques liées aux anti-oncogènes ne sont pas observées au décours de la première cure. La mise en évidence d’autres signes de toxicité de ces substances, soit au niveau neurologique, soit au niveau cardiaque ou général est un argument de poids en faveur de leur rôle dans l’apparition de l’atteinte toxique du nerf optique. Le disulfiram est utilisé pour ses propriétés antabuses dans les cures de sevrage alcoolique. Néanmoins, ce médicament est luimême parfois responsable de neuropathies optiques rétrobulbaires pouvant en imposer pour d’authentiques atteintes alcooliques. Il faut connaître cette possibilité lorsque l’état visuel du patient continue à se dégrader alors qu’il affirme avoir arrêté toute intoxication, ce que peut confirmer le bilan biologique.  Causes toxiques accidentelles Les différentes législations du travail dans les pays occidentaux ont permis de limiter la fréquence des neuropathies optiques dues aux toxiques industriels manipulés lors des activités professionnelles. De plus, certaines de ces neuropathies optiques peuvent être reconnues comme maladie professionnelle en fonction de la législation propre de chaque pays. Mais, les travailleurs clandestins constituent une population particulièrement exposée aux risques toxiques industriels. Ils ne bénéficient que de moyens de protection souvent insuffisants et d’aucun dépistage efficace. Il faut en rapprocher les patients qui manipulent dans le cadre de leurs loisirs des produits à risque. Ils ne bénéficient pas non plus d’une protection et ils méconnaissent généralement les risques de produits manipulés. Causes toxiques et nutritionnelles  Carences alimentaires L’intrication des causes toxiques et nutritionnelles a été décrite à l’occasion de neuropathies optiques observées en temps de guerre (7). Ces déficits nutritionnels peuvent aboutir à des pathologies ophtalmologiques multiples (kératites, rétinopathies…) et neuro-ophtalmologiques. Il faut en rapprocher l’« épidémie » de neuropathie optique associée à des neuropathies périphériques observées à Cuba au début des années 1990. Les nombreux travaux menés pour comprendre les mécanismes de cette épidémie ont également pointé le rôle de la malnutrition secondaire aux problèmes économiques rencontrés dans ce pays et une prise excessive de tabac et d’alcool (8). Il est intéressant de noter à l’inverse le rôle de facteur protecteur vis-à-vis de ces neuropathies optiques d’un taux sérique élevé en caroténoïdes, principalement en lycopène, ou d’un régime riche en protéines animales ou en vitamines du groupe B (Barnouin, 2000 ; 1995). En effet, le lycopène, d’origine végétale, est une substance antioxydante dont l’efficacité est supérieure à celle de tout autre caroténoïde. Des régimes riches en d’autres puissantes substances antioxydantes intracellulaires, telle que la riboflavine, un co-facteur de la régénération du glutathion, ont également été associés à une diminution du risque de survenue de neuropathie optique.  Alcool frelaté Nous avons déjà évoqué les intoxications par ingestion de méthanol qui est généralement responsable d’une neuropathie optique survenant de manière foudroyante et dont le pronostic reste réservé. Cette intoxication est par ailleurs gravissime au plan général puisqu’elle s’accompagne, outre de nausées et vomissements, de troubles de la conscience pouvant conduire au coma et imposant un traitement en réanimation tant sur le plan général que fonctionnel visuel.  L’intoxication alcoolo-tabagique Elle constitue le modèle le plus classique de ces neuropathies optiques mixtes, toxiques et carentielles, dans lesquelles interviennent les déficits vitaminiques (1). Elle réalise une névrite optique rétrobulbaire caractéristique, d‘évolution lente avec une dyschromatopsie d’axe « rougevert » et, lors du relevé du champ visuel, la présence d’un scotome coeco-central dit « en bouchon de champagne » (6). Mais, si ces intoxications conjointes alcoolo - tabagiques réalisent une étiologie fréquente en France, des neuropathies optiques peuvent également être observées lors d’intoxications tabagique ou alcoolique isolées. L’aspect clinique et paraclinique de l’une et l’autre présentent quelques différences. Ainsi, les intoxications tabagiques sont responsables de neuropathies optiques volontiers asymétriques, associées à des troubles accommodatifs, alors que les intoxications alcooliques sont responsables de neuropathies optiques de formes rétrobulbaires tout à fait caractéristiques. Les mécanismes physiopathogéniques de ces intoxications alcoolotabagiques sont complexes et plusieurs facteurs interviennent probablement. En effet, la nicotine a sans doute une action délétère propre. Mais, l’implication des cyanides, présents dans la fumée de cigarettes, est également largement évoquée quoique son rôle direct n’ait jamais pu être démontré chez l’animal. Nous avons déjà évoqué le rôle protecteur de la riboflavine par son effet de régénération des systèmes antioxydants impliqués dans la détoxification du tabac. La prise d’alcool est également responsable de perturbations des mécanismes antioxydants. L’implication de déficits vitaminiques et notamment des vitamines du groupe B (B1, B6 et B12), est reconnue comme facteur associé de même que les déficits en folates, en cystéine et en protéines. L’arrêt précoce de toute intoxication est indispensable pour pouvoir espérer une récupération visuelle. Mais la baisse d’acuité visuelle survient de manière très insidieuse et n’est généralement pas constatée suffisamment tôt par le patient. De plus, dans le cadre des intoxications alcoolotabagiques, l’arrêt du tabagisme et de la prise d’alcool est souvent difficile à obtenir, le patient ayant souvent une mauvaise compliance au traitement. Enfin, une vitaminothérapie, éventuellement guidée par des dosages, constitue un complément important à cet arrêt de l’intoxication. C’est pourquoi la prescription d’une vitaminothérapie intensive peut permettre d’améliorer la fonction visuelle d’un patient continuant à fumer. Des neuropathies optiques peuvent également être observées lors d’intoxications tabagique ou alcoolique isolées.  Neuropathies optiques par antituberculeux Deux médicaments antituberculeux sont classiquement responsables de neuropathies optiques et une surveillance régulière doit être instaurée lors de leur prescription. Cette surveillance doit inclure l’adaptation de la dose de ces traitements au poids des patients. Or celui-ci peut varier du fait de l’amélioration de l’état général et de la reprise d’un régime alimentaire plus équilibré. Il est recommandé de pratiquer un bilan ophtalmologique clinique et paraclinique avant l’instauration du traitement, 3 semaines après le début de celui-ci puis tous les 2 mois. L’isoniazide est responsable de neuropathies optiques qui constituent un bon exemple d’association de mécanismes toxiques et de déficits nutritionnels. En effet, les mécanismes d’atteinte du nerf optique mettent en jeu les déficits en vitamine B6 (pyridoxine). Le traitement préventif par administration de cette vitamine diminue, sans le supprimer, complètement le risque d’atteinte du nerf optique. De plus, l’existence d’un éthylisme augmente le risque de survenue de neuropathie optique. L’utilisation conjointe d’éthambutol et un âge supérieur à 30 ans constituent également des facteurs de risque d’atteinte des nerfs optiques. Les neuropathies optiques toxiques et nutritionnelles par isoniazide sont plus précoces que celles survenant sous éthambutol. Elles affectent également peu le sens chromatique. L’arrêt précoce du traitement permet généralement de recouvrer une acuité visuelle normale. L’éthambutol est responsable d’une neuropathie optique dont le mécanisme n'est pas formellement démontré. Cependant, la plupart des auteurs considèrent que l'éthambutol aurait un effet chélateur vis-à-vis du zinc, nécessaire à l’action du cytochrome oxydase. Cette neuropathie optique qui apparaît dans les semaines suivant la mise en route du traitement n’a aucun caractère spécifique en dehors d’une perturbation précoce du sens chromatique et des potentiels évoqués visuels. Sa survenue dépend de la dose prescrite, qui doit être adaptée au poids des patients, ainsi qu’à certains facteurs personnels tels qu’une insuffisance rénale. Le traitement repose avant tout sur l’adaptation du traitement au cas par cas et sur la surveillance. Néanmoins, certains auteurs recommandent un traitement préventif par prescription de sulfate de zinc dont on a vu l’implication dans la survenue de cette neuropathie. À la phase d’intoxication, l’arrêt du traitement permet également d’obtenir une récupération visuelle. Nous reviendrons plus loin sur le traitement des neuropathies nutritionnelles pures ou associées à la prise de toxique. Notons d’un point de vue pratique, qu’en cas de neuropathies optiques survenant chez un patient prenant ces deux derniers traitements, il faut, par ordre de fréquence, tout d’abord interrompre l’éthambutol. L’absence d’amélioration de la symptomatologie visuelle doit amener à arrêter l’isoniazide.  Autres traitements Le vigabatrin, utilisé dans le traitement des formes résistantes d’épilepsies, est responsable d’une neuropathie toxique et nutritionnelle pouvant se compliquer de baisse d’acuité visuelle sévère dans environ 30 % des cas. Cette atteinte est d’autant plus fréquente que le patient est plus âgé et qu’il existe une intoxication tabagique associée. L’atteinte du champ visuel, quand celle-ci peut être évaluée, permet de diagnostiquer cette intoxication à un stade précoce et d’arrêter le traitement. Le déficit campimétrique associe un rétrécissement concentrique des isoptères et un scotome dans les 30 ° centraux de l’hémichamp nasal. L’altération des potentiels évoqués visuels également précoces, constitue une alternative intéressante pour le suivi ophtalmologique des patients trop jeunes pour répondre de manière fiable aux tests psycho-visuels. Diagnostic différentiel La reconnaissance d’autres affections des voies optiques ou de pathologies rétiniennes pouvant donner des tableaux voisins est d’une grande importance, puisque certaines d’entre elles nécessitent un traitement spécifique parfois urgent. C’est dire toute l’importance du bilan paraclinique déjà évoqué. Pathologies des voies optiques et de la rétine d’autres natures  Les pathologies ophtalmologiques pures Qu’il s’agisse de rétinopathies ou de maculopathies, elles constituent des diagnostics différentiels plus théoriques que réels (9). Le contexte de survenue de ces atteintes rétiniennes et leur aspect clinique, paraclinique et évolutif est différent. Ainsi, l’examen attentif du fond d’oeil permet souvent de retrouver des lésions caractéristiques ou du moins très évocatrices d’une pathologie de la rétine et de rétablir le diagnostic. De plus, les toxiques et les traitements responsables de maculopathies ou de rétinopathies ne sont pas les mêmes que ceux pouvant entraîner des atteintes du nerf optique. Enfin, les techniques d’investigations modernes déjà citées (PEV, OCT, ERG et ERGmf…) permettent généralement de trancher entre une atteinte rétinienne et des voies optiques.  Les autres pathologies des voies optiques Le glaucome constitue une étiologie particulièrement fréquente de neuropathie optique chronique qui peut en imposer pour une atteinte chronique des voies optiques, qu’elle soit toxique ou d’autre nature. Le glaucome pose des problèmes diagnostiques non dans sa forme classique au cours de laquelle il existe une hypertonie oculaire, mais dans sa forme à pression normale. Mais, l'aspect excavé de la papille, caractéristique de la neuropathie optique glaucomateuse et les anomalies campimétriques arciformes permettent la plupart du temps de rétablir le diagnostic. Nous en rapprocherons les autres causes de neuropathie optique, en particulier inflammatoires ou vasculaires, en se souvenant que celles-ci sont habituellement d’installation beaucoup plus brutale. Par contre, ces deux diagnostics doivent être évoqués devant une acuité visuelle basse et une papille optique plus ou moins atrophique lorsque la chronologie de l’atteinte ne peut pas être clairement précisée. L’existence d’une infiltration tumorale ou d’une compression des nerfs optiques ou du chiasma reste un diagnostic différentiel essentiel qu’il faut évoquer et rechercher par un bilan neuroradiologique, au mieux une IRM et une étude du liquide céphalorachidien. Ce bilan neuroradiologique peut être répété en cas de doute ou tant qu’il n’est pas apporté la preuve d’une cause toxique. Il faut en rapprocher les hypertensions intracrâniennes qui peuvent se compliquer d’atrophie optique. Nous insisterons sur les neuropathies optiques héréditaires quoique leurs manifestations initiales soient souvent plus brutales. Cependant, ces neuropathies optiques héréditaires, notamment les atrophies optiques dominantes, peuvent revêtir différents modes de présentation et en imposer pour un glaucome sans tension ou une atteinte d’origine toxique et/ou nutritionnelle (10). C’est dire l’intérêt de rechercher des cas identiques dans la fratrie en sachant qu’il existe des variations individuelles dans l’intensité du déficit visuel. La prise de certains aliments ou l’existence de certaines intoxications, alcooliques ou tabagiques, peuvent compliquer le diagnostic étiologique entre cause toxique, nutritionnelle et/ou héréditaire. En effet, certains auteurs ont suspecté que la consommation d’alcool ou de tabac pourrait constituer un facteur déclanchant dans l’apparition d’une neuropathie héréditaire de Leber. Plusieurs études ont été menées dans la littérature dont les résultats sont contradictoires. Il semble que ces différents facteurs ne soient que des « déclencheurs ». Il n’agisse qu’en augmentant la consommation énergétique cellulaire déjà fragilisée par l’existence d’une mutation de l’ADN mitochondrial. Il existerait un stade variable pour chacun audelà duquel le système n’arrive plus à faire face à cette surconsommation énergétique aboutissant à une sidération des voies optiques antérieures. Ce stade serait parfois réversible permettant une récupération spontanée plus ou moins importante et un éventuel retour à l’état initial. Mais, il évoluerait en général par des phénomènes d’apoptose vers une atrophie optique. La consommation d’alcool ou de tabac pourrait constituer un facteur déclanchant dans l’apparition d’une neuropathie héréditaire de Leber. Causes nutritionnelles pures Il existe d’authentiques neuropathies optiques apparaissant à la suite d’un régime déséquilibré. Ainsi, des neuropathies optiques ont été rapportées chez des patients suivant un régime végétalien strict sans supplémentation vitaminique. Certains régimes amincissants non contrôlés ou non validés ont également été responsables de carences protéiques, vitaminiques et/ou en antioxydants apportés par l’alimentation et se sont compliqués de souffrance des nerfs optiques. Le tableau clinique est alors celui d’une baisse d’acuité visuelle sans anomalie du fond d’oeil. Néanmoins, l’interrogatoire permet parfois de retrouver des étiologies associées, au premier rang desquelles la prise de toxiques. Plus rarement, les déficits vitaminiques sont secondaires à différentes pathologies, qu’il s’agisse de déficit en vitamine B1 au cours du béribéri ou de déficit en vitamine B12 au cours de l’anémie de Biermer, ou de pathologies intestinales responsables de malabsorption. Mécanismes des neuropathies optiques Les mécanismes des neuropathies optiques toxiques pures ou associées à des facteurs nutritionnels ne sont certainement pas univoques. Plusieurs substances ont été incriminées tels que la riboflavine, le glutathion, les cyanides ou le zinc. Mais, il semble que, dans bien des cas, le point commun de toutes ces neuropathies optiques soit la perturbation des mécanismes participant à la correction du stress oxydatif. L’existence d’un stress oxydatif implique une production de grandes quantités de radicaux libres. Il existe des arguments permettant d’évoquer le rôle de ces radicaux libres dans la modulation des phénomènes d’apoptose des cellules ganglionnaires à l’origine de certaines atrophies optiques. Les mécanismes antioxydants sont complexes et mettent en jeu un grand nombre des substances agissant comme piégeurs de radicaux libres hydrosolubles ou liposolubles, ou comme cofacteurs de ces réactions. Nous avons vu que le taux de certains de ces facteurs antioxydants, ou un apport suffisant de ceux-ci, jouent un rôle protecteur permettant d’éviter la survenue de neuropathies optiques malgré la prise de toxique (2). Traitement Le pronostic visuel de ces neuropathies optiques est variable et dépend des possibilités de traitement. Ce pronostic est généralement favorable avec une récupération à peu près complète lorsque le traitement est instauré dès les stades précoces de la maladie. Mais, des séquelles peuvent exister. Le traitement comporte plusieurs volets. Le premier est la suppression de la prise du toxique, associée si besoin à la correction des éventuels déficits vitaminiques ou nutritionnels. Les circonstances multiples qui aboutissent à l’apparition de ces anomalies ne permettent pas toujours d’obtenir un régime équilibré. Lorsque la neuropathie optique est installée, l’apport de vitamines du groupe B (toujours précédé par des dosages plasmatiques), de vitamine PP et d’antioxydants permet parfois d’obtenir une récupération visuelle (2). Cet apport en vitamine doit être suffisamment intense. C’est la raison pour laquelle il est recommandé d’avoir d’abord recours à la voie intramusculaire. Les doses habituellement recommandées sont 1 000 mg/j de vitamine B1, de vitamine B6, de vitamine B12 et de vitamine PP. Il peut être associé 400 μg/j d’acide folique.

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