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Parkinson

Publié le 11 mai 2010Lecture 10 min

La prise en charge des troubles du sommeil dans la maladie de Parkinson

V. COCHEN DE COCK, Unité des Troubles du Sommeil et de l'Eveil, CHU Gui-de-Chauliac, Montpellier
Des progrès considérables ont été réalisés dans la prise en charge de la maladie de Parkinson (MP) au cours des dernières années. Les traitements dopaminergiques et la stimulation cérébrale profonde permettent le contrôle des symptômes moteurs pendant de nombreuses années d’évolution de la maladie. Malheureusement, les symptômes non moteurs, parfois non dopaminergiques et parfois secondaires aux traitements dopaminergiques continuent à altérer la qualité de vie des patients. Un interrogatoire précis, un agenda de sommeil, un examen clinique et parfois un enregistrement du sommeil permettront d’authentifier ces troubles du sommeil, d’en explorer la cause et de les traiter au mieux.
Parmi ces signes non moteurs, les troubles du sommeil sont fréquents et souvent négligés. Pourtant, leur prise en charge a un retentissement considérable sur la qualité de vie des patients, qui souvent, ne rapportent même pas ces symptômes à leur médecin, les considérant comme inaccessibles à tout traitement et comme une fatalité associée à leur maladie. L’insomnie, les comportements oniriques et la somnolence diurne excessive peuvent avoir des causes variées dans la MP (1). L’insomnie L’insomnie se définit comme une difficulté chronique à s’endormir ou à rester endormi ayant un retentissement psychologique ou cognitif diurne. La plainte d’insomnie est retrouvée chez 60 % des patients parkinsoniens (2). Elle est le plus souvent caractérisée par une difficulté à maintenir le sommeil : le patient s’endort très facilement et très vite, mais se réveille très souvent au cours de la nuit et a un réveil matinal très précoce. La plainte d’insomnie est retrouvée chez 60 % des patients parkinsoniens. Le sommeil est fréquemment interrompu par l’inconfort lié à la maladie et ce, d’autant plus que la maladie est sévère. Les difficultés du patient à se retourner dans le lit, à ajuster ses draps, la douleur liée au maintien prolongé des appuis, aux crampes et aux dystonies nocturnes ou du petit matin favorisent cette insomnie de maintien du sommeil. Dans ce cas, la prise en charge consiste à rétablir une stimulation dopaminergique la plus continue possible, soit en rajoutant une prise de traitement dopaminergique la nuit, soit en utilisant un traitement par agoniste dopaminergique en libération prolongée ou en patch transdermique. Pourtant, chez certains patients, surtout en début de maladie, il semble que ce soit le traitement dopaminergique qui favorise l’insomnie. Le système dopaminergique est un système d’éveil, sa stimulation, chez des patients ayant encore une sécrétion endogène de dopamine, peut favoriser l’insomnie. Dans ce cas, on diminuera la prise dopaminergique du soir, voire on l’interrompra jusqu’à ce que la maladie l’impose à nouveau. La stimulation cérébrale profonde du noyau sous-thalamique est bénéfique dans les deux situations (3) : elle restaure une motricité correcte, continue tout au long de la nuit, probablement sans stimuler les systèmes d’éveil comme le font les traitements dopaminergiques oraux ou transdermiques. L’insomnie peut être favorisée par un syndrome des jambes sans repos, sensation désagréable touchant les membres inférieurs le soir ou la nuit au repos, soulagée par le mouvement. Ce syndrome est retrouvé chez 24 % des patients parkinsoniens (4). Sa prise en charge consiste en une supplémentation en fer lorsque les taux de ferritinémie sont bas (< 50 ng/ml), en l’utilisation d’agonistes dopaminergiques le soir à faible doses, de gabapentine et de ses dérivés, voire rarement d’opiacés (chez des patients sans hallucinations et sans démence). Lorsque le sommeil est perturbé par des mictions nocturnes trop fréquentes avec un volume d’urine important, un traitement par Minirin®, hormone antidiurétique à la posologie de 0,2 à 0,4 mg au coucher peut apporter un confort important au patient. Enfin, lorsque l’on ne retrouve pas de cause évidente à l’insomnie ou lorsque les composantes anxieuses ou dépressives sont au premier plan, un traitement par miansérine (5 à 10 mg) au coucher ou par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine le matin pourra être utile. La miansérine est particulièrement efficace dans l’insomnie de maintien du sommeil. Les comportements oniriques Les comportements oniriques sont des mouvements complexes, souvent violents, survenant pendant le sommeil paradoxal et correspondant à des mimes de rêves. On les observe chez 15 à 59 % des patients (5-6). Ils doivent être explorés en polysomnographie pour mettre en évidence l’absence de l’atonie musculaire normale du sommeil paradoxal, voire les mouvements du rêve et pour éliminer un syndrome d’apnées obstructives du sommeil qui peut parfois mimer des comportements oniriques (7). Les comportements oniriques doivent être explorés en polysomnographie. Des cas cliniques et des études en ouvert, de petite taille, ont montré que certains agents pharmacologiques aggravaient ou amélioraient les comportements oniriques. Tous les antidépresseurs peuvent faire éclore des comportements oniriques aigus qui cessent généralement à l’arrêt du traitement : inhibiteurs de la monoamine oxydase, tricycliques (clomipramine, amitriptyline), quadricycliques (miansérine, mirtazapine), inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (fluoxétine) ou de la noradrénaline (venlafaxine). La découverte de l’efficacité de la mélatonine sur les comportements oniriques a été fortuite : donnée à une dose de 3 mg au coucher à un homme de 64 ans parce qu’il se plaignait d’insomnie d’endormissement, elle a fait disparaître aussi ses comportements oniriques. Cette efficacité a été confirmée sur une étude en ouvert chez 5 sur 6 patients(6). De façon intéressante, la mélatonine restaure partiellement l’atonie musculaire. La dose efficace varie de 3 à 9 mg avec une synergie possible avec le clonazépam. Le mécanisme de ce bénéfice est inconnu. Le clonazépam a été utilisé avec succès dès les premières descriptions de comportements oniriques. Une fois de plus, son utilisation était fortuite : il avait été donné pour traiter des mouvements périodiques de jambes associés chez 3 des 4 premiers malades décrits. Une réponse complète ou significative est retrouvée chez 90 % des patients à une posologie variant entre 0,5 et 2 mg (et plus rarement jusqu’à 4 mg) au coucher (8). Il n’est malheureusement pas dépourvu d’effets secondaires, favorisant la somnolence diurne, les troubles cognitifs et les apnées du sommeil. Ici, l’abolition du tonus axial restait imparfaite, alors que les éléments phasiques (activité musculaire et mouvements des membres) étaient éliminés. Le clonazépam diminuerait aussi le contenu violent des cauchemars. Mélatonine et clonazépam agissent donc probablement par des voies différentes sur ce phénomène. Curieusement, les autres benzodiazépines n’ont pas d’effet aussi net sur les comportements oniriques. Certains auteurs ont proposé d’utiliser des agents dopaminergiques pour traiter les comportements oniriques, mais les études concernant ces phénomènes n’observent aucune influence de ces traitements sur leur survenue. Enfin, différentes thérapeutiques ont été testées sur de petits nombres de patients sans véritable effet : la carbamazépine, le donépézil et la quétiapine. En pratique, lorsque les comportements oniriques sont violents et entraînent un risque pour le patient ou son conjoint, ils justifient de sécuriser l’environnement du malade en plaçant le matelas sur le sol, en optant pour des lits jumeaux, en évitant les tables de nuit, en remplaçant les lampes de chevet par des appliques, et d’arrêter les traitements les favorisant (en particulier les antidépresseurs). Enfin, en l’absence de contreindication respiratoire, le clonazépam au coucher peut être débuté à 0,5 mg et augmenté par paliers de 0,5 mg toutes les semaines jusqu’à disparition des comportements violents. Somnolence diurne excessive La somnolence diurne excessive se définit comme une tendance anormale à somnoler ou à s’endormir dans certaines circonstances : en train de lire, au cours d’un repas, d’une réunion, passager d’une voiture, voire conducteur… Cette somnolence a un retentissement sur la vie familiale et/ou sociale du patient. Dans certains cas, elle a été à l’origine d’accidents de la voie publique. Ce risque justifie une surveillance régulière de cette somnolence chez les patients parkinsoniens. L’échelle d’Epworth (tableau ci-dessous) permet de la surveiller de façon simple. Elle interroge le patient sur sa propension à somnoler ou à s’endormir dans différentes circonstances. Un score supérieur à 10 à l’échelle d’Epworth indique une somnolence anormale. Un score supérieur à 7 a une sensibilité de 75 % (et une spécificité de 50 %) pour prédire la survenue d’un accident de voiture (9). La prévalence de cette somnolence diurne est élevée dans la maladie de Parkinson, puisqu’elle touche environ un tiers des patients. Elle peut prendre un aspect encore plus invalidant, celui d’attaques de sommeil sans prodromes. Ce phénomène a d’abord été décrit chez des patients traités par agonistes dopaminergiques non ergotés. Ces attaques de sommeil peuvent survenir en toute circonstance, y compris dans des situations stimulantes : en mangeant, en travaillant, debout dans un escalator un enfant dans les bras ou en conduisant une voiture (1 à 4 % des patients parkinsoniens). Un score > 10 sur l’échelle d’Epworth indique une somnolence anormale. Les mécanismes de cette somnolence sont complexes liés aux lésions de la maladie qui touchent, chez certains patients, les systèmes de contrôle de la veille et du sommeil, mais aussi aux traitements dopaminergiques. Enfin, elle peut être liée à des troubles ventilatoires nocturnes. Elle justifie un enregistrement du sommeil de nuit et des tests itératifs de latence d’endormissement qui permettront de confirmer la somnolence, d’en évaluer la sévérité et d’éliminer une cause ventilatoire. Si un syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) sévère (index d’apnées/hypopnées > 30 par heure de sommeil) est retrouvé, un traitement par pression positive continue nocturne devra être proposé. Toutefois, il ne faut probablement pas surestimer le rôle du SAOS dans la somnolence de la MP (10) et vouloir systématiquement appareiller des patients qui supporteront parfois mal le traitement et qui n’en tireront pas forcément un grand bénéfice (si la somnolence est liée à la MP elle-même). La première mesure pour lutter contre la somnolence est d’interrompre tous les traitements qui peuvent être sédatifs : benzodiazépines, antidépresseurs sédatifs, opiacés et de limiter le traitement par agoniste dopaminergique surtout si le patient identifie la prise de ce traitement comme facteur déclenchant (pic de somnolence 60 à 90 minutes après la prise). Le modafinil est un psychostimulant efficace chez un tiers des Parkinsoniens somnolents. Il semble donc utile de le tester soit de façon continue : 100 mg matin et midi, puis si c’est insuffisant, 200 mg matin et midi, soit de façon ponctuelle lorsque le patient doit conduire par exemple. De façon générale, les patients savent identifier des horaires de pics de somnolence. Il est donc important de les inviter à respecter ce besoin de sommeil en s’autorisant par exemple une petite sieste rafraîchissante qui peut ensuite limiter la somnolence dans les heures qui suivent. De nouvelles stratégies thérapeutiques sont en voie d’exploration concernant cette somnolence, basées sur des agonistes inverses des récepteurs à l’histamine H3, le sodium oxybate, les antagonistes des récepteurs à l’adénosine.   En pratique La prise en charge des troubles du sommeil dans la MP ne doit pas être négligée. Un diagnostic précis permet un traitement adapté qui améliore considérablement la qualité de vie des patients et de leur conjoint.

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