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Chirurgie

Publié le 24 juin 2009Lecture 7 min

L’alternative chirurgicale dans le tremblement essentiel de l’adulte

S. DERREY*, D. MALTÊTE**, N. CHASTAN***, *Service de neurochirurgie, **Service de neurologie, ***Service de neurophysiologie, Hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen
Le tremblement essentiel de l’adulte est une pathologie fréquente qui se caractérise par un tremblement d’attitude (ou postural), le plus souvent bilatéral et symétrique qui prédomine auxmembres supérieurs. Classiquement bien toléré, il peut aussi devenir pharmacorésistant et extrêmement invalidant, notamment lorsque le tremblement postural s’associe à un tremblement d’action.
Observation Mme P. âgée de 78 ans, droitière, sans antécédent, présentait depuis l’âge de 20 ans un tremblement postural intermittent et distal du membre supérieur droit. Stable jusqu’à l’âge de 65 ans, le tremblement est ensuite devenu bilatéral, permanent et prédominant au membre supérieur droit. En quelques années, la symptomatologie s’est aggravée avec l’apparition successive d’un tremblement des membres inférieurs, du chef et d’une voie chevrotante. Le tremblement, initialement postural, a commencé à parasiter tous les gestes de la vie quotidienne jusqu’à devenir aussi un tremblement d’action extrêmement sévère. L’absence de tous autres signes extrapyramidaux et l’existence d’une histoire familiale (mère et frère atteints d’un tremblement postural mineur) ont permis d’établir le diagnostic de tremblement essentiel (TE) chronique de l’adulte. Dans ce contexte de tremblement invalidant et pharmacorésistant, il était justifié de proposer à Mme P. un traitement chirurgical par l’implantation en condition stéréotaxique d’une électrode de stimulation cérébrale profonde (SCP) dans le noyau ventral intermédiaire du thalamus (VIM). Malgré le caractère bilatéral du tremblement, nous avons opté, compte tenu de l’âge de la patiente, pour une procédure unilatérale visant à traiter l’hémicorps droit. Les suites opératoires ont été simples et marquées par une disparition complète du tremblement de l’hémicorps droit dès 1,2 volt (amplitude 60 μs, 130 Hz) sans effet secondaire. À 6 mois de l’intervention, l’effet sur le tremblement était stable, avec toutefois une augmentation nécessaire de l’amplitude à 2,2 V. Quelques données générales   Le TE concerne en France entre 300 et 400 000 patients. C’est le plus fréquent des mouvements involontaires avec une prévalence qui varie selon les régions de 305 à 1 700/100 000 habitants et avec 2 pics de fréquence (15 ans et entre 50 et 70 ans). Dans 17 à 80 % des cas (1), il s’agit d’une affection héréditaire de transmission autosomique dominante, avec une pénétrance complète au-delà de 65 ans et une expression variable.   Le TE, qui sur le plan physiopathologique est lié à un désordre de la boucle cortico-cérébellocorticale dont l’un des relais se situe dans le VIM, répond sur le plan sémiologique à deux critères essentiels : il s’agit d’un tremblement des mains, de la tête et de la voix, sans autre manifestation neurologique associée. Un tremblement des mains, de la tête et de la voie sans autre manifestation neurologique associée. Figure 1. Séquence T1 gadolinium en coupe axiale. CA : commissure blanche antérieure, CP : commissure blanche postérieure. Le point rouge indique la cible VIM selon les coordonnées statistiques suivantes : latéralité (x) : à 11,5 mm de la paroi latérale du 3e ventricule, antéro-postériorité (y) : un quart de la distance CA-CP (26 mm) en avant de CP, soit 6,5 mm en avant de CP, verticalité (z) : plan CA-CP.   Favorisé par la fatigue, les émotions, le chaud, le froid, le TE peut être transitoirement contrôlé par la volonté, et est le plus souvent sensible à l’alcool. L’évolution peut être marquée par l’apparition d’un tremblement d’action qui peut devenir extrêmement invalidant et résistant au traitement médical (propranolol, primidone, clonazépam). Dans ce contexte, la stimulation chronique du noyau VIM du thalamus par une approche stéréotaxique est une technique efficace qui devient une alternative thérapeutique raisonnable qu’il faut proposer au patient. L’approche chirurgicale   Le rationnel de la cible VIM repose : – sur l’anatomie de la boucle cortico- cérébello-corticale qui présente le VIM comme l’un de ses relais ; – l’expérience des thalamotomies (chirurgie lésionnelle) qui apportait d’excellents résultats, avec néanmoins pour inconvénient d’être une technique irréversible et non modulable contrairement à la SCP ; – et les données électrophysiologiques2, avec l’enregistrement de cellules en rythme avec le tremblement, « tremor cells », au sein du thalamus.   Le mode de repérage du VIM doit se faire de manière indirecte grâce aux atlas de stéréotaxie (coordonnées statistiques), car les noyaux du thalamus ne sont pas individualisables sur les séquences IRM actuelles. Statistiquement, la cible VIM se situe en verticalité (z) à hauteur du plan des commissures antérieure (CA) et postérieure (CP), en latéralité (x) à 11,5 mm de la paroi latérale du 3e ventricule et, en antéro-postériorité (y), au quart de la distance CA-CP, en avant de CP (figure 1). Une visée indirecte de la cible grâce à un atlas stéréotaxique.   Plusieurs électrodes de test sont descendues simultanément vers la cible grâce aux données du repérage stéréotaxique. En l’absence de cible identifiable en IRM, un enregistrement électrophysiologique et une évaluation clinique peropératoire (figure 2) demeurent indispensables. Des effets indésirables de la stimulation (contracture pyramidale par stimulation de la capsule interne, par exemple) sont systématiquement recherchés, car ils contreindiquent la mise en place d’une électrode définitive. La combinaison d’un enregistrement électrophysiologique compatible avec le VIM, d’un effet positif sur le tremblement et de l’absence d’effet secondaire induit par la stimulation, permet de définir la cible fonctionnelle au sein du VIM, et de positionner l’électrode quadripolaire définitive qui est, dans un second temps, connectée à un générateur sous-cutané. En postopératoire, les paramètres de stimulation sont progressivement ajustés. Classiquement, la fréquence utilisée est de 130 Hz (haute fréquence) et la durée de stimulation de 60 μs. L’amplitude faible au démarrage (aux alentours de 1,2 V) est progressivement augmentée et dépasse rarement 3 V. Les résultats La stimulation chronique et à haute fréquence du VIM dans le TE est une technique très efficace (85 % d’amélioration), notamment lorsque le tremblement est distal et qu’il prédomine aux membres supérieurs (3). Figure 2. Examen clinique peropératoire : test de la spirale. A. Le patient dessine une spirale OFF stimulation. B. Amélioration significative de la spirale en mode de stimulation ON dès 0,25 mAmp. L’effet sur la qualité de vie demeure à long terme (au-delà de 7 ans), même si l’on peut voir apparaître des phénomènes de tolérance avec une réduction de l’effet sur le tremblement (4). Le tremblement du chef et la voix chevrotante ne sont quant à eux pas significativement améliorés à 1 an (3). Une amélioration de 85 % à 1 an. Le TE est classiquement bilatéral et asymétrique. Les procédures peuvent être uni- ou bilatérales selon la gêne que présente le patient et selon sa demande. Néanmoins, le patient doit être informé que la stimulation bilatérale du VIM peut-être à l’origine de troubles de l’équilibre et/ou d’une dysarthrie post-opératoire (5,6) qui peut perturber le réglage des paramètres de stimulation. Conclusion En pratique, on retiendra que le TE est une pathologie fréquente qui peut devenir extrêmement invalidante, notamment lorsque le tremblement d’attitude se combine à un tremblement d’action. Dans les formes pharmacorésistantes, la SCP uni- ou bilatérale du VIM est une alternative thérapeutique efficace qui offre aux patients une amélioration significative de la symptomatologie avec une amélioration durable de la qualité de vie. D’autres formes de tremblement (tremblement dans la sclérose en plaques, tremblement post-traumatique) peuvent être améliorés par la stimulation du VIM, mais avec en général une efficacité moindre.

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