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Parkinson

Publié le 06 déc 2009Lecture 7 min

Intérêt du dépistage précoce des fluctuations motrices et non motrices chez le parkinsonien

J.-P. AZULAY, Service de Neurologie et Pathologie du Mouvement, Pôle de Neurosciences Cliniques, Hôpital Universitaire de la Timone, Marseille
Les fluctuations motrices et non motrices sont des complications extrêmement fréquentes de la maladie de Parkinson au bout de quelques années de traitement. Différents outils permettent aujourd’hui de dépister et de traiter ces manifestations précocement. Outre le bénéfice qu’en tire le patient et l’évitement de certaines errances diagnostiques autour de manifestations non rattachées à l’affection, cette prise en charge précoce permettrait de retarder l’évolution vers des complications plus invalidantes, en particulier retardant les dyskinésies dont la précocité de survenue est liée à la pulsatilité du traitement de substitution dopaminergique.
Au cours de la maladie de Parkinson, après une phase d’équilibration de la maladie où les apports exogènes compensent le déficit dopaminergique de façon harmonieuse, apparaissent les complications tardives liées au traitement et à la maladie. Il s’agit des dyskinésies et des fluctuations dont le délai moyen d’apparition est de 6,5 ans. Selon les données de l’étude Elldopa, après 9 mois de traitement par lévodopa (200 mg 3 fois par jour), 30 % des patients présentaient des fluctuations de fin de dose et 16 % des dyskinésies (1). Dans une autre étude réalisée au moyen d’un autoquestionnaire, 57,1 % des patients sont fluctuants dès la première année de traitement par lévodopa (2). Les fluctuations : un phénomène moteur et non moteur Les fluctuations sont autant liées à des caractéristiques de la maladie : – sévérité de la dénervation dopaminergique striatale ; – diminution de la synthèse, du stockage et des capacités de capture de la L-Dopa ; qu’aux traitements : – doses et durée de la dopathérapie, pulsatilité du traitement. Elles se définissent comme une réapparition de la symptomatologie parkinsonienne dans le courant du nycthémère entre des périodes d’équilibration satisfaisante (figure).  Profil des fluctuations au cours d’une journée. Ces fluctuations peuvent être motrices ou non motrices. Les fluctuations motrices (FM) sont plus connues et faciles à identifier que les fluctuations non motrices (FNM). Il peut s’agir de fluctuations de fin de dose, prévisibles et survenant en fin de période de traitement, alors que l’état « on-off » survient très brutalement et indépendamment des prises de traitement. Les FNM, associées ou non aux FM, peuvent être classées en 3 catégories : – dysautonomiques dont les plus fréquentes sont : sueurs, dyspnée, troubles digestifs ; – mentales (cognitives/psychiatriques), surtout fatigue, anxiété, lenteur ; – sensitives ou douloureuses. Elles sont habituellement plus difficiles à diagnostiquer et souvent sous-estimées. T. Witjas et coll. (2002), au moyen d’un questionnaire structuré, ont trouvé des FNM chez 100 % des patients présentant des FM. Ces FNM étaient responsables d’une gêne plus importante que les FM dans un tiers des cas. Afin de mieux adapter les stratégies de traitement dopaminergique continu et de retarder l’apparition de ces complications motrices, il convient de les reconnaître le plus précocement possible et, si possible, de comprendre leurs facteurs de risque de développement. Détecter tôt les fluctuations, mais comment ? L’interrogatoire permet de lister – mais de manière non systématique – les symptômes parkinsoniens fluctuants, le score moteur (cf. infra) de l’échelle UPDRS ne donne qu’une évaluation ponctuelle de l’état du patient. La chronologie des fluctuations par rapport aux prises médicamenteuses peut, quant à elle, se faire dans certains cas à l’aide d’un agenda patient. L’ensemble de ces outils, excepté l’agenda patient, ne permet pas de faire le lien entre la disparition du symptôme parkinsonien et la prise de traitement. Des questionnaires dirigés existent comme celui proposés par Witjas et coll. (3) pour les signes non moteurs, mais ne sont pas adaptés à la routine clinique. Un autoquestionnaire à la recherche de 32 symptômes moteurs et non moteurs rempli par le patient (avec ou sans aide) a été évalué dans l’étude PRECOCE4. Il a facilité la détection des fluctuations chez 49 % des patients. Des FM et des FNM ont été observées respectivement chez 44 % et 15 % des patients, 21 % présentant à la fois des FM et des FNM. M. Stacy et coll. (2), au moyen du même questionnaire en langue anglaise, avaient comparé en aveugle la détection des fluctuations par l’autoquestionnaire à celle obtenue par l’évaluation clinique et la question 36 de l’UPDRS (« y a-t-il des périodes off dont on peut prédire le moment après une prise médicamenteuse ? »). Des fluctuations ont été observées chez 57,1 % des patients par l’autoquestionnaire, 43,9 % des patients par le score moteur de l’UPDRS et par 29,4 % des patients selon l’appréciation du médecin. Dans l’étude PRECOCE, en outre, l’utilité de l’autoquestionnaire a été jugée bonne ou très bonne chez un pourcentage élevé (88 %) de patients avec FNM4, cela étant vraisemblablement expliqué par la difficulté à détecter les FNM avec les outils actuellement mis à la disposition des cliniciens en routine. Détecter tôt, mais pourquoi ? Dans l’étude PRECOCE, cette détection précoce des fluctuations a conduit les médecins à modifier leur traitement chez 76 % des patients fluctuants : ajout d’entacapone chez 39 %, augmentation de la L-Dopa chez 19 %, fractionnement de la L-Dopa chez 16 %, ajout d’un agoniste dopaminergique ou ajout d’une forme LP de L-Dopa chez 8 % (4). Ces adaptations thérapeutiques sont nécessaires et ce, le plus précocement possible, pour plus d’une raison. • Les fluctuations non diagnostiquées sont sources d’inconfort et de perte de qualité de vie pour le patient, même à un stade précoce. • Ces fluctuations peuvent être prises pour des manifestations indépendantes de la maladie entraînant des investigations inutiles et pénibles, et des mesures thérapeutiques inefficaces. Ainsi, une douleur, une fatigue, des symptômes urinaires, digestifs ou cardiaques peuvent être améliorés par l’adaptation des traitements antiparkinsoniens. Exemple classique, une dystonie de off en 2e partie de nuit est souvent interprétée comme des crampes par le malade et également le médecin généraliste, alors qu’il s’agit de contractures douloureuses liées au manque de substitution dopaminergique en 2e partie de nuit. • L’équilibration du traitement et la correction précoce de ces manifestations vont passer par des stratégies de stimulation dopaminergique moins pulsatile, pour tendre vers le modèle d’une stimulation dopaminergique dite « continue ». On sait que ces stratégies retardent l’apparition des complications motrices, mais que, même après leur apparition, certaines manifestations sont au moins partiellement réversibles ou en tout cas évoluent moins vite (5,6). Ces points doivent faire d’ailleurs parfois l’objet d’une explication et de discussions avec les patients qui cherchent à économiser des ressources thérapeutiques en « oubliant » par exemple une prise dans la journée ; ils vivent toujours une augmentation des doses de substitution dopaminergique comme un élément objectif d’évolution de leur maladie, ce qui est une source d’angoisse. Stratégies thérapeutiques : tendre vers une stimulation dopaminergique continue La première stratégie concerne l’initiation du traitement qui repose encore chez le sujet de moins de 70 ans sur les agonistes dopaminergiques en monothérapie de première intention, la lévodopa étant introduite en cas d’inefficacité ou d’intolérance des agonistes. Les nouvelles pharmacocinétiques des agonistes qui couvrent le nycthémère en une seule prise renforcent cette caractéristique de stimulation dopminergique plus continue que la lévodopa (ropinirole LP seul agoniste en une prise commercialisé actuellement en France ; pramipexole LP et rotigotine en patch, qui devraient l’être bientôt). Il a été démontré pour plusieurs agonistes que la stratégie d’initiation précoce retardait les complications motrices tardives, et en particulier les dyskinésies. Au stade d’apparition des fluctuations, les stratégies consistent en l’introduction des agonistes s’ils ne sont pas encore prescrits, du fractionnement de la lévodopa (généralement passage de 3 à 4 prises du fait d’un effet de fin de dose en 2e partie d’aprèsmidi), ajout à la lévodopa d’un inhibiteur de la COMT (catéchol- O-méthyltransférase) : entacapone en première intention et tolcapone en cas d’échec ou d’intolérance de l’entacapone du fait du risque hépatique. À un stade plus évolué, il faut se tourner vers des stratégies de contrôle continu plus agressives, soit par perfusion sous-cutanée continue d’apomorphine, par infusion intraduodénale d’un gel liquide de lévodopa (duodopa), soit par la réalisation d’une stimulation cérébrale profonde, essentiellement des noyaux sous-thalamiques.

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