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Congrès

Publié le 25 mar 2019Lecture 8 min

De la synapse à la loi…

Gérard LAMBERT, Paris

En rapportant au cours d’une émission en direct les communications de la 1re Journée nationale de psychiatrie légale, section médico-légale de l’AFPBN et celles du 31e congrès de l’European College on Neuropsychopharmacology, le Docteur Nidal NABHAN ABOU (Psychiatre expert près la cour d’appel de Rennes) et le Professeur Olivier GUILLIN (Chef de service, Centre Hospitalier du Rouvray) ont balayé un large champ de la psychiatrie.

Premier épisode psychotique Le Pr Guillin a rapporté une étude(1) qui sur 3 ans a suivi 160 patients ayant présenté un premier épisode psychotique. Les patients ont été inclus dans un programme de prise en charge précoce avec instauration d’un traitement répondant aux recommandations en vigueur. Ce travail a montré qu’au terme d’un suivi de 3 ans, 21,7 % d’entre eux étaient en rémission fonctionnelle. Ce chiffre, qui correspond globalement à 1 patient sur 5, est une donnée importante car il est souvent sous-estimé par les équipes soignantes et les familles. Le niveau de motivation du patient était le facteur prédictif le plus important pour la rémission fonctionnelle. Une autre étude(2), d’une durée de 10 ans, s’est intéressée aux facteurs de la résistance au traitement définie par une diminution de moins de 50 % de l’intensité des symptômes en 6 à 8 semaines de traitement. Sur une cohorte de 323 patients ayant présenté un premier épisode psychotique, 23 % (n = 74) présentaient une résistance au traitement, dont 84 % d’entre eux l’étaient dès l’initiation du traitement. Cette résistance « précoce » explique pourquoi certaines recommandations, notamment australiennes et néozélandaises, insistent sur le fait que les molécules réservées aux patients résistants doivent être prescrites dans la première année, au plus tard au cours de la deuxième année, suivant le diagnostic. Les prédicteurs de la résistance étaient : le diagnostic de schizophrénie, un âge précoce de survenue, le délai avant traitement (DUP) et l’intensité des symptômes négatifs. Qualité de vie et symptômes négatifs Chez les patients stabilisés, quels sont les facteurs qui altèrent le plus la qualité de vie ? C’est la question à laquelle a voulu répondre une étude transversale(3) conduite auprès de 544 patients (74,1 % d’hommes, d’âge moyen 32,3 ans, avec 10,6 ans d’ancienneté de la maladie en moyenne) ayant une schizophrénie stabilisée par le traitement. Dans cette enquête, 82,3 % de ces patients rapportaient un traumatisme vécu durant l’enfance. La qualité de vie est fortement corrélée à l’existence de ces traumatismes et à la présence de symptômes négatifs, qui entravent les relations amicales et perturbent toute sensation d’accomplissement et de bien-être. Les symptômes négatifs sont polymorphes(4) et se manifestent sur plusieurs plans : troubles cognitifs, pauvreté du langage, apathie, expression et ressenti limité des affects, alogie, anhédonie et trouble des interactions sociales. Il convient toutefois de distinguer les symptômes négatifs primaires de ceux qui peuvent être consécutifs à plusieurs causes, appelés les symptômes négatifs secondaires : induits par les antipsychotiques (événements indésirables tels que les syndromes extrapyramidaux) ; secondaires à des symptômes positifs persistants ; liés à la dépression ; en rapport avec l’environnement pauvre et peu stimulant dans lequel ces patients vivent, que cela soit en milieu hospitalier ou en dehors. Neuroscience Based Nomenclature et facteurs environnementaux Le Pr Guillin s’est fait l’écho d’un symposium consacré à la « Neuroscience Based Nomenclature » (NBN). Cette nomenclature, introduite depuis 2015, étudie les antipsychotiques d’un point de vue pharmacologique(5). Dans cette optique, il n’est pas logique de parler d’antipsychotique de première ou seconde génération (ou typique/atypique), mais de les qualifier en fonction de leur mode d’action : inhibiteurs spécifiques des récepteurs dopaminergiques D2, 5-HT2A, de la recapture de la norépinéphrine par son transporteur, etc. Au cours de ce symposium, un accent particulier a été mis sur les applications en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Une autre session a rapporté l’interconnexion entre les facteurs de risque environnementaux et la survenue d’une schizophrénie(6). L’exposition au cannabis peut avoir une influence sur l’apparition des symptômes positifs, mais elle est aussi responsable d’une diminution de l’épaisseur corticale, et donc d’un effet structural. L’urbanicité est souvent citée comme un facteur de risque, mais la présence d’espaces verts serait-elle un facteur positif ? Une équipe(7) a cherché à répondre à cette question, en évaluant la densité populationnelle dans les quartiers d’une ville entre 1965 et 2017. Il a été observé pendant cette période que l’apparition des cas de schizophrénie était corrélée à la densité de ces zones. Les chercheurs ont également montré que plus la densité populationnelle est faible, plus la capacité à reconnaître des émotions sur des visages est importante et engage moins les zones impliquées dans cette tâche cognitive. Contractualisation des rapports sexuels Le Dr Nabhan Abou a rapporté les points forts d’une session de la 1re Journée nationale de psychiatrie légale de l’AFPBN consacrée à l’âge de la maturité sexuelle et à la contractualisation des rapports sexuels(8). Une contractualisation suppose une information et un contrat entre deux partenaires libres. La prostitution en est l’exemple type, de même que les aidants sexuels avec, dans ce deuxième cas, irruption d’affects dans la relation. Dans la vie de tous les jours, il est considéré qu’il existe une présomption de capacité à consentir. Pour les tribunaux, la notion de viol est reliée à celle de contrainte, de violence et de stigmates physiques de l’agression. Pourtant, la psychiatrie nous apprend que la victime est souvent hébétée, sidérée et qu’elle peut ainsi être dans l’incapacité de se défendre. Il y a quelques mois une affaire a défrayé la chronique. À Pontoise, un homme de 28 ans qui avait eu un rapport sexuel pénétrant avec une fillette de 11 ans, s’est vu traduire en correctionnel et non aux assises au regard du fait qu’il n’y avait eu ni violence, ni menace, ni contrainte, etc. La notion de consentement est très floue chez l’enfant, il est difficile d’en tracer les limites. Suite à l’émotion provoquée par cette affaire, une nouvelle loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a été adoptée en août 2018(9). Elle stipule que la différence d’âge entre l’auteur et la victime mineure suffit pour caractériser la contrainte morale ou la surprise (art. 222-22-1 du Code pénal). De même, lorsque les faits concernent une mineure de 15 ans ou moins, il y a de facto abus de la vulnérabilité d’une victime ne disposant pas du discernement pour ces actes (art. 222-22-2 du Code pénal). La section SEVEN(10) Cette session inédite a invité 7 internes en psychiatrie à présenter leur travail en 7 minutes et en 7 diapositives. Parmi ces interventions, Mariana Samuel (Nice) a livré les résultats de son enquête sur l’expertise concernant l’abolition du discernement en cas de consommation de cannabis(11). En France, la loi stipule que les personnes sous l’emprise de stupéfiants sont pénalement responsables de leurs actes. L’auteure a collecté 497 expertises réalisées dans la région PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur) qu’elle a analysées de façon rétrospective. La plupart de ces expertises (74 %) ont conclu à un discernement non modifié mais dans 20 % des cas, le discernement était altéré et il a été jugé aboli dans 6 % des cas étudiés correspondant à des états psychotiques aigus, avec une importante dépendance aux toxiques. Raphaëlle Jouin (Rennes) s’est intéressée au parcours meurtrier de Francis Heaulme(12), qui a sévi dans diverses régions de France : PACA (Provence-Alpes-Côte d’Azur), Ardennes, Nord-Pas-de Calais, Maine et Loire. Les victimes, étaient des hommes, des femmes et des enfants qui ont subi des sévices d’une violence extrême : crânes fracassés à coup de pierre, strangulation, coups de tournevis post-mortem et même relations sexuelles post-mortem. En 1994, un syndrome de Klinefelter (XXY) a été diagnostiqué chez Francis Heaulme. À partir de ce cas, l’auteure s’est interrogée sur le profil type des psychopathes, notamment sur leur niveau d’intelligence et leur libido. En fait, il n’est pas nécessaire d’être « intelligent » pour être psychopathe et Francis Heaulme n’est pas prototypique des tueurs en série. Surtout, le passage à l’acte n’est pas conditionné par la libido. Le passage à l’acte a également des composantes motivationnelles et émotionnelles qui ne sont pas conditionnées par les taux d’hormones sexuelles. Ce constat pose le problème de la castration sexuelle dans la prévention de la récidive.    Milieu carcéral et injonction de soins Le ministère de l’Intérieur et celui de la Justice ont relevé plus de 8 000 agressions entre détenus en 2017, dont 4 000 à l’encontre des surveillants. Ont été également notifiés 19 homicides depuis 2011, des chiffres sans doute sous-estimés. La population carcérale est une population vulnérable, dans laquelle s’applique le modèle stress-vulnérabilité du fait de la privation de liberté, de la promiscuité, de la perte d’identité et d’un sentiment de perte de contrôle sur sa propre vie. Une étude rétrospective réalisée par Margot Guillotte (Montpellier)(13) à la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Montpellier) a analysé 130 accidents violents, hétéro-agressifs dans 90 % des cas et concernant 520 détenus. Les auteurs de ces incidents ont souvent des antécédents d’incarcération, en général pour des motifs de violence aux personnes. La prévalence des troubles psychiatriques étant élevée en prison, l’auteure a retrouvé chez ces personnes : 46 % d’épisodes dépressifs majeurs caractérisés sur la vie entière et 12 % de troubles bipolaires. Deux tiers des détenus concernés présentaient une addiction et un tiers un trouble de la personnalité antisociale. Julie Bernard (Angers) a analysé plus de 500 dossiers d’injonction de soins, une mesure établie depuis 20 ans(14). Elle a mis en évidence que les sujets ayant eu une injonction de soins étaient plus à risque que ceux qui n’en avaient pas eu. Ce résultat paradoxal relève d’un biais lié au fait que les personnes ayant une injonction de soins sont à haut risque de récidive. De plus, les suivis psychiatriques sont réalisés par des psychiatres généralistes en CMP, qui ne sont pas spécialisés dans la prise en charge des auteurs de violences sexuelles. Des alternatives sont possibles : un accompagnement cognitivo-comportemental et des associations néphalistes telles que les « Sexholics Anonymous » aux États-Unis. Mais surtout, la prise en charge doit être spécialisée et pluridisciplinaire. La pleine conscience derrière les barreaux Le travail qui a reçu le prix décerné à l’issue de cette session SEVEN est celui d’Emmanuelle Dusacq (Montpellier) qui a eu l’idée de faire entrer en milieu carcéral la mindfulness, autrement dit la pleine conscience, avec l’objectif de réduire le stress(15). À la maison d’arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Montpellier), elle a formé deux groupes de détenus : un groupe témoins comparé à 13 patients qui ont suivi un programme de mindfulness-based stress reduction (MBSR) sur 8 semaines, 10 d’entre eux étant parvenus au terme de cette initiation. Elle a constaté des progrès sur le plan qualitatif avec une amélioration de la relation à soi, aux autres, une meilleure empathie, confiance en soi et plus de régulation émotionnelle. Sur le plan quantitatif, elle a mis en évidence une diminution de la douleur morale et de l’anxiété, mais aucun effet sur la consommation de toxiques, ainsi que celle de psychotropes. PSY-195-11/18-AUT << RETOUR  

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