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Congrès

Publié le 10 jan 2018Lecture 7 min

Riche rentrée pour l’épileptologie

Gérard LAMBERT, Paris

Dès le lendemain du 32e International Epilepsy Congress, qui s’est tenu à Barcelone du 2 au 6 septembre, le Pr Louise TYVAERT (Nancy) et le Pr Stéphane AUVIN (Paris) ont rapporté les communications les plus marquantes au cours d’une émission diffusée en direct.    

Le Pr Stéphane Auvin (Paris) a souligné que la session du président était dédiée à la classification des crises et des syndromes, qui venait consacrer plusieurs années d’efforts(1).  Cette classification, qui a fait l’objet de statement papers, distingue les crises focales, généralisées et inconnues. Pour les crises focales, elle différencie celles à composante motrice ou non, et pour les crises généralisées, elle inclut les absences, les crises myocloniques, atoniques et tonico-cloniques. Une nouvelle catégorie fait son apparition, les épilepsies focales et généralisées combinées. Comme l’a remarqué le Pr Louise Tyvaert, l’un des objectifs de cette classification est de pouvoir être compréhensible par le patient et de faciliter ainsi le colloque singulier du médecin avec son patient. Étiologies Parmi les étiologies des épilepsies, une session a été consacrée aux tumeurs primitives du cerveau, en particulier les tumeurs gliales(2). Il s’agit d’une épilepsie souvent pharmaco-résistante, avec un lien entre la fréquence des crises et la nature tumorale. Il n’existe à l’heure actuelle aucune recommandation qui pourrait guider le praticien dans la prise en charge de ces épilepsies liées à ces tumeurs. Sur le plan de la physiopathologie, il a été montré qu’il existe une augmentation de la concentration du glutamate dans l’espace intersynaptique(3), lié notamment à la surexpression de canaux permettant le relargage de ce neuromédiateur au niveau de la cellule tumorale. Ces concentrations élevées de glutamate accroissent l’excitotoxicité des neurones et induisent à terme la mort neuronale. En parallèle, l’activité épileptique promeut le relargage de glutamate. Cette signalisation glutamatergique autocrine favorise en retour la croissance des gliomes et l’invasion cellulaire. Il est noté que les tumeurs sont caractérisées par une concentration plus élevée en glutamate dans la zone péritumorale. Il est proposé d’utiliser des antagonistes non compétitifs des récepteurs glutamatergiques pour agir sur le tissu péritumoral. Autre étiologie, le stress, auquel plusieurs sessions ont été consacrées(4). Le Pr Stéphane Auvin a constaté que le stress est le facteur le plus souvent cité par les patients comme facteur déclenchant des crises(5). Une étude(6) conduite chez 153 enfants âgés de 6 à 16 ans a montré que 51 % d’entre eux rapportaient un lien entre le stress et la survenue d’une crise et 39 % une augmentation de la fréquence des crises. Sur le plan neurobiologique, il existe une corrélation entre un pic de cortisol abaissé et la survenue de crises chez les patients qui déclarent avoir des crises sensibles au stress(7). Chez ces derniers, il existe une corrélation linéaire entre les anomalies interictales EEG et les variations du taux de cortisol. Au vu de ces résultats et des rapports systémiques établis avec la sécrétion des hormones liées au stress, on peut voir le stress non plus seulement comme un facteur déclenchant des crises mais aussi comme une cause. Par une modification de l’axe hypotalamo-hypophysaire, le stress chronique pourrait influer sur le développement cérébral et favoriser ainsi l’épileptogenèse. Le Pr Tyvaert a rapporté les résultats négatifs de l’étude contrôlée SMILE(8), qui a comparé des patients ayant appris des exercices de relaxation à mettre en œuvre quand ils sentaient venir une crise à des patients contrôles ; aucune différence n’a été mise en évidence sur la fréquence des crises. Dans une autre étude(9), les auteurs ont observé le stress parental en comparant des mères ayant des enfants épileptiques à celles ayant des enfants sans épilepsie. Cette étude a mis en évidence une interaction parent-enfant significativement pathologique chez les mères d’épileptiques, avec une différence significative par rapport aux mères de l’autre groupe. Comorbidités Parmi les nombreuses comorbidités qui ont été évoquées au cours de l’IEC, les plus fréquemment citées étaient : le stress, l’autisme, le suicide et les troubles cognitifs. La relation est souvent bidirectionnelle, ces facteurs étant à la fois conséquence et facteur de risque de survenue d’une crise. La question du suicide a été évoquée au regard de l’alerte émise par la Food and Drug Administration (FDA) en 2008 sur un risque multiplié par 3 chez les patients sous antiépileptiques (AEDs)(10). Une étude(11) rapportée par le Pr Tyvaert a mis en évidence que si les patients épileptiques ont en effet un risque de suicide multiplié par trois, il est multiplié par 20 chez ceux qui présentent une comorbidité psychiatrique associée. De plus, l’évaluation de 18 AEDs a montré que pour 13 d’entre eux, le risque de suicide était augmenté d’un facteur < 3(12). Les troubles de la cognition en lien avec des anomalies intercritiques sont connus de longue date, et une équipe parisienne(13) a montré qu’une fréquence élevée de pointes dans la région frontale était associée à une diminution du QI, ainsi qu’à des dysfonctions exécutives. Un travail(14) sur l’électroencéphalogramme par résonance magnétique fonctionnelle (EEG RMf) a mis en évidence que chez les patients ayant des anomalies intercritiques avec retentissement cognitif, le réseau épileptique était connecté au default mode network (association de structures importantes dans l’attention et l’éveil), ainsi qu’aux structures profondes, notamment thalamiques. Cannabis : ne pas confondre THC et TBD Sur le plan thérapeutique, des études sur les cannabinoïdes sont rapportées depuis quelques années dans tous les congrès. Le Pr Auvin a rappelé qu’il faut distinguer deux grands types de cannabinoïdes : le THC (tétrahydrocannabinol), qui fait l’objet de tous les débats pour son usage récréatif et peut être proconvulsivant, et le CBD (cannabidiol), une molécule neuromodulatrice. La plupart des médicaments sont composés essentiellement de CBD, bien que quelques développements soient réalisés avec un mélange CBD/THC. Deux grands essais thérapeutiques en add on ont été réalisés, l’un dans le syndrome de Dravet(15), l’autre dans le syndrome de Lennox-Gastaut(16). Dans le premier, 20 mg/kg de CBD ont permis de diminuer de 39 % la fréquence des crises comparé au placebo qui entraîne une baisse de 13 %, et la différence était significative. Les effets secondaires les plus fréquents ont été la somnolence et la perte d’appétit. Des résultats comparables ont été rapportés pour la deuxième étude dans le syndrome de Lennox-Gastaut. Il est important de noter que le CBD interagit avec des AEDs, en particulier le clobazam, dont le taux plasmatique moyen est multiplié par 5(17). La question d’une efficacité indirecte des cannabinoïdes est donc posée, elle devrait recevoir une réponse grâce aux analyses de sous-groupes en cours. Dans une étude australienne, les auteurs ont rapporté que 15 % de leurs patients adultes avaient essayé le cannabis pour évaluer son effet sur les crises et que 13 % des parents l’avaient testé sur leurs enfants épileptiques(18) ; seulement 6 % d’entre eux s’en étaient procurés dans le cadre d’une prescription médicale. Le Pr Louise Tyvaert a souligné l’importante fréquence des épilepsies auto-immunes. Une métaanalyse hollandaise(19) a montré que 80 % des encéphalites auto-immunes présentaient des épilepsies associées souvent à des types de crises dystoniques facio-brachiales ; les états de mal étaient plus observés chez les patients avec anticorps anti-GABA B. Ces patients étaient libres de crises en moyenne 11 jours après la prescription d’un immunomodulateur comme un stéroïde ou une immunoglobuline ; en revanche, la prescription d’un AED ne faisait céder les crises qu’après 40 jours en moyenne. Médecine personnalisée Le Pr Stéphane Auvin s’est fait l’écho de deux grandes sessions de ce congrès qui ont évoqué la médecine personnalisée(20). L’idée est d’identifier l’anomalie génétique d’un patient, et d’intégrer cette dernière dans un système biologique, notamment une souris, des cellules humanisées ou un zebrafish afin de tester différents AEDs sur ces systèmes. En pratique, il existe déjà des exemples, et notamment les mutations (TSC1 et TSC2) impliquées dans la sclérose tubéreuse de Bourneville qui affectent la voie mTOR. Dans un essai randomisé(21) versus placebo, deux doses d’évérolimus ont été testées en add on dans cette indication afin d’obtenir des taux plasmatiques soit entre 3 et 7 ng/ml, soit entre 9 et 15 ng/ml ; ce traitement a fait la preuve d’une efficacité significativement augmentée par rapport au placebo. Il faut citer le prix remis par le journal Epilepsia au Dr Stéphanie Baulac(22) et à son équipe qui ont montré que chez certains patients avec épilepsie familiale focale ou dysplasie corticale focale, le complexe GATOR (GATOR 1 et GATOR 2) était impliqué en amont de la voie mTOR. On peut élargir cependant la notion de médecine personnalisée au-delà de la génétique et considérer l’ensemble des données dont on dispose sur un patient : EEG, imagerie cérébrale, activité électrophysiologique, données protéomiques, etc. Pour intégrer l’ensemble de ces données, il faut avoir recours à des ordinateurs capables d’analyser ces big data. Dans une étude(23) marseillaise, les auteurs ont analysé la zone épileptique de chaque patient en imagerie cérébrale, puis ils ont appliqué un modèle mathématique sur ces informations en intégrant la structure cérébrale propre du sujet afin de modéliser la propagation des crises. Cette méthode a permis de mettre en évidence des zones non apparentes en imagerie qui, après exérèse chirurgicale, donnaient de meilleurs résultats qu’une intervention sur les seules régions révélées par l’imagerie. Le Pr Stéphane Auvin a conclu en signalant que plusieurs sessions ont rapporté diverses applications pour iPhone, axées notamment sur la prévention des crises et des SUDEP (ou MSIE : mort subite et innatendue dans l’épilepsie), des montres connectées, des plateformes internet de partage ou encore des réseaux sociaux qui peuvent être vecteurs de support, mais aussi de stigmatisation. << RETOUR EPI-036-09/17

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