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Alzheimer et Démences

Publié le 13 jan 2011Lecture 9 min

Quel bilan devant une démence du sujet jeune ?

C. THOMAS-ANTÉRION*,**, V. LARRAILLET***, C. EXTIER*** *Unité de Neuropsychologie-CM2R, CHU Nord, Saint-Étienne **CAJ-L’Adapt-Rhône, Lyon ***Équipe mobile de gériatrie, CH de Lamentin

Les diagnostics des démences chez le sujet jeune sont souvent difficiles. L’entretien familial et l’examen neurologique sont des moments importants de ce diagnostic. Ils guideront les demandes d’examens biologiques très spécialisés ou génétiques. L’IRM permet également souvent de préciser dans quel cadre étiologique on se trouve (vasculaire, infectieux, métabolique, etc.). Dans tous les cas, la PL doit être systématique.

Les « démences du sujet jeune » sont définies par un âge de début inférieur à 65 ans. La démarche diagnostique comporte dans un premier temps un entretien, un examen neurologique complet et un bilan neuropsychologique (1). L’entretien s’intéresse bien sûr au mode d’installation et aux difficultés ; il recherche surtout des arguments en faveur d’une maladie génétique à transmission dominante ou récessive. Cette enquête familiale doit être soigneuse. Il convient de poser d’emblée des questions ouvertes : y a-t-il dans la famille des maladies neurologiques, des troubles psychologiques, des « personnes qui marchent avec difficulté » ?, etc. On est alors parfois surpris de l’abondance des réponses. Il faut toujours penser à l’effet de censure dans les petites familles (peu/pas de malades car pas/peu d’apparentés) ou si les proches sont décédés avant l’âge de survenue théorique de la maladie supposée. Certaines causes génétiques peuvent s’exprimer par des tableaux cliniques différents dans une famille et/ou avoir une pénétrance incomplète à 65 ans. Il faut savoir – et savoir dire aux patients – qu’actuellement les gènes de la maladie d’Alzheimer (MA) présénile (1 000 familles « génétiques » en France) sont retrouvés, si on les recherche (sujets avec un apparenté direct au moins atteint), dans plus de 80 % des cas. L’entretien et l’examen permettent parfois d’orienter assez vite le diagnostic vers une pathologie dégénérative, traumatique, vasculaire, inflammatoire, infectieuse ou toxique. Il est inutile, coûteux et vain de penser faire un bilan exhaustif ; la clinique permet de décider les choix à faire. La nécessité d’un examen neurologique soigneux et de connaître les pathologies métaboliques, auto-immunes ou inflammatoires des sujets jeunes, suggère de toujours demander un avis neurologique pour ces patients. Nous recommandons ici l’excellent article de synthèse en langue française, et ciblé sur la démarche diagnostique de Hannequin et coll. (2009) (1). Le bilan de base Il comporte un bilan neuropsychologique, une exploration biologique de base et une imagerie cérébrale. Le bilan neurospychologique doit comprendre (comme il est classique) une expertise de la mémoire (sérielle et logique) dans ses différents canaux (verbal et visuel), et ses différents modes de restitution (rappel et reconnaissance). Parallèlement, il convient d’évaluer les fonctions exécutives, l’attention, les fonctions instrumentales et le raisonnement conceptuel. La mesure du QI est parfois utile. Dans ce cadre, l’entretien doit préciser la gêne occasionnée dans la vie quotidienne. Le comportement et l’humeur sont également appréciés. L’apparition de signes de démence avant 65 ans est une des rares situations où l’EEG peut avoir un intérêt dans le cadre des démences. L’imagerie IRM doit être d’emblée réalisée avec toutes les séquences appropriées : FLAIR, T2, T2* et diffusion (DWI). Cet examen oriente vers les diagnostics vasculaires, métaboliques, inflammatoires (1). L’IRM permet de visualiser des anomalies de la substance blanche et des noyaux gris. Il convient de rappeler, par exemple, qu’un hypersignal en T2 (DWI > T2) du caudé et du putamen, ainsi que des hypersignaux corticaux (DWI, T2, FLAIR) du cerveau ou du cervelet peuvent faire suspecter une maladie de Creutzfeldt-Jakob. Ces données d’imagerie sont plus ou moins faciles à analyser et il faut être habitué à la lecture de ces examens difficiles et, bien entendu, pouvoir collaborer avec un neuroradiologue. L’apparition de signes de démence avant 65 ans est une des rares situations où l’EEG peut avoir un intérêt dans le cadre des démences. Il est, par exemple, normal dans une démence fronto-temporale (DFT) et informatif dans une encéphalopathie (métabolique ou infectieuse).   Enfin, l’analyse du LCR doit être systématique. Toutefois, son indication est guidée par la clinique et des recherches spécifiques doivent être réalisées en fonction du contexte (par exemple : infectieux, paranéoplasique ou métabolique, etc.). Les principales étiologies Les études épidémiologiques sont rares et difficiles à comparer du fait des différences méthodologiques. Plus les patients sont jeunes, moins les maladies dégénératives sont fréquentes. Kelley et coll. (2008)(2) ont analysé récemment 235 cas débutant avant 45 ans. Les causes dégénératives représentaient 31,1 % des cas (dont seulement 1,7 % de maladie d’Alzheimer), les maladies inflammatoires et autoimmunes, 21,3 % et les maladies métaboliques, 10,6 %. Les maladies dégénératives Une suspicion de MA avant 65 ans avec antécédent familial doit nécessairement reposer sur une information génétique (encadré 1). Dans ce cadre, la précocité de l’âge justifie la réalisation d’une PL et la recherche de marqueurs biologiques. La difficulté est que certaines formes atypiques de la maladie sont associées à une paraplégie spastique et des anomalies de la substance blanche, une angiopathie amyloïde cérébrale sévère (il faut savoir y penser chez des sujets ayant des antécédents d’hématomes cérébraux personnels ou familiaux), un syndrome extrapyramidal précoce, un phénotype de démence frontale ou une ataxie précoce. Les dégénérescences lobaires frontotemporales (DLFT) surviennent volontiers avant 65 ans (mais il existe des cas plus tardifs) (3). Les lésions neuropathologiques sont variées concernant les protéines impliquées (Tau, ubiquitine, TDP-43) et leur distribution. Les phénotypes sont multiples, y compris au sein d’une même famille, ce qui exige d’être très précautionneux quant aux questions posées. La transmission de type autosomique dominante est fréquente : 18 % dans la cohorte française (3) et jusqu’à 50 % dans les séries de la littérature. Il reste beaucoup d’inconnu. À l’heure actuelle, un sujet avec des antécédents familiaux peut être prélevé pour une exploration génétique : les mutations recherchées par ordre de fréquence sont les mutations PGRN (Progranuline) puis MAPT (Microtubule Associated Protein Tau) et, enfin, des mutations plus rares. Mais les porteurs de mutations PGRN peuvent répondre aux critères cliniques de DLFT, MA ou démence cortico-basale (DCB) ! Il faut penser à la maladie de Huntington du fait de la diversité des phénotypes (chorée, démence, sémiologie psychiatrique), particulièrement si on a la notion d’antécédents psychiatriques ou neurologiques dans la famille, mais pas seulement (encadré 2). Il existe de très nombreuses autres causes de démences associant démence et mouvements anormaux. Les démences vasculaires du sujet jeune L’imagerie cérébrale permet ici le diagnostic. La clinique et l’enquête familiale sont nécessaires pour affiner l’étiologie. Il faut connaître le CADASIL (Cerebral Autosomal Dominant Arteriopathy with Subcortical Infarcts and Leukoencephalopathy) et chercher devant une clinique évocatrice des mutations du gène NOTCH3, y compris dans des formes supposées de novo. L’angiopathie amyloïde cérébrale doit être évoquée devant des microsaignements ou des hématomes récidivants. Un certain nombre de gènes peuvent être impliqués dont APP et PSEN1. L’angiopathie amyloïde cérébrale doit être évoquée devant des microsaignements ou des hématomes récidivants. Les maladies inflammatoires et auto-immunes Les caractéristiques de l’IRM font discuter différents diagnostics. Certains d’entre eux concernent des patients ayant une pathologie connue, par exemple une SEP ; pour d’autres cas, il s’agit de manifestations neurologiques rarement inaugurales. Faire un catalogue serait fastidieux. À chaque maladie (neurolupus, Gougerot- Sjogrën, Behçet, sarcoïdose, encéphalopathie de Hashimoto, maladie coeliaque, etc.) correspondent des examens biologiques qui sont indispensables au diagnostic (1). Une mention spéciale doit être faite pour l’encéphalite limbique. La clinique associe des troubles de mémoire épisodique, des crises d’épilepsie, souvent précédés par une modification de l’humeur. Il peut exister un syndrome cérébelleux, extrapyramidal ou du tronc cérébral. Des hypersignaux temporaux internes en T2 et FLAIR sont parfois visibles, et le LCR est inflammatoire. Cette encéphalite limbique peut être paranéoplasique ou non (encadré 3). Les maladies infectieuses De nombreuses causes virales, bactériennes ou fongiques peuvent être impliquées. La maladie de Lyme et la neurosyphilis doivent être recherchées largement. La maladie de Whipple est une cause exceptionnelle mais curable ; il faut savoir l’évoquer. Les maladies métaboliques Ces maladies doivent être recherchées surtout avant 45 ans (5). En brosser les tableaux cliniques évocateurs est difficile. Il faut globalement traquer un retard psychomoteur, des symptômes survenus dès l’adolescence notamment des troubles psychiatriques, des difficultés scolaires, une histoire familiale suggérant une possible transmission récessive (consanguinité), une atteinte associée du système nerveux périphérique et une atteinte d’autres organes. Certains signes peuvent mettre sur la piste de diagnostics spécifiques : splénomégalie et trouble de la motilité oculaire (Niemann-Pick de type C) (encadré 4), anomalie du cristallin (homocystinurie), diarrhée chronique, épilepsie et cataracte (xanthomatose cérébro- tendineuse), surdité (mitochondriopathie), etc. La maladie de Kufs (céroïde lipofuscinose de type 4) associe atrophie corticale et souscorticale postérieure, épilepsie occipitale et agnosie visuelle (évoquant un syndrome de Benson). L’IRM est souvent déterminante en objectivant une leucoencéphalopathie. Les métabolismes des métaux sont évoqués devant une anomalie de signal des noyaux gris centraux (4). Les anomalies de la chaîne respiratoire (mutations de l’ADN mitochondrial ou nucléaire) sont dans certaines séries la première cause de maladies métaboliques. La collaboration avec des neuropédiatres peut s’avérer précieuse devant ces dossiers difficiles.

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