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Alzheimer et Démences

Publié le 16 jan 2011Lecture 7 min

Quand penser à la maladie d’Alzheimer ?

M. VERNY, CHU Pitié-Salpêtrière, Paris
As-tu pensé aujourd’hui à rechercher les troubles cognitifs ? » Telle est une des questions que tout médecin suivant régulièrement ses patients âgés pourrait se poser. Ce, afin d’être en mesure de pouvoir repérer précocement une maladie d’Alzheimer…
Quelles circonstances révélatrices ? Plainte mnésique Contrairement à ce qui a été dit pendant longtemps, il faut toujours se méfier du caractère bénin d’une plainte mnésique dans les tranches d’âge élevées. La plainte mnésique est potentiellement suspecte, d’autant plus que le patient est âgé. Elle nécessite impérativement de pouvoir en parler avec son patient. Un bilan effectué dans un second temps permettra, au mieux de le rassurer, au pire de mettre en place un suivi, pas nécessairement d’ailleurs dans le registre de la maladie d’Alzheimer (MA). Dans certains cas, la plainte mnésique exprime en fait un manque du mot isolé, responsable d’une forme de MA différente de la forme mnésique : l’aphasie primaire progressive qui pourra secondairement évoluer vers une MA. Troubles neuropsychiques  Syndrome confusionnel Il peut révéler l’existence d’une MA, soit avérée non repérée avec un syndrome démentiel, soit débutante à l’occasion d’un facteur déclenchant intercurrent. Tout syndrome confusionnel, une fois résolu, doit bénéficier d’une évaluation cognitive. L’enjeu est de détecter une MA prodromale, c'est-à-dire avant la phase démentielle.  Troubles du comportement Les troubles non productifs sont dominés par le repli. L’apathie est souvent une des premières manifestations comportementales de la MA avérée avec un syndrome démentiel débutant. Pour nombre d’auteurs, elle est reliée à un trouble du fonctionnement exécutif dont on sait maintenant qu’il est très précoce. Plus les patients sont âgés, plus la composante dysexécutive semble importante, et les atteintes instrumentales (aphasie, apraxie, agnosie) tardives. Les troubles productifs vont éventuellement révéler un syndrome démentiel jusqu’ici sous-évalué voire méconnu, à un stade soit modéré soit déjà évolué. Il convient ici de bien distinguer une problématique comportementale pure (irritabilité, agressivité) de manifestations d’allure psychiatrique (délire, hallucinations). Il n’est pas exceptionnel que ces troubles surviennent dans le cadre d’un syndrome confusionnel. Circonstances apparemment éloignées  Chutes à répétition Lorsque le bilan spécifique de chutes répétées n’est pas contributif, il convient de ne pas méconnaître une MA ayant pu passer inaperçue jusqu’ici, et donc interroger le fonctionnement cognitif. La MA s’accompagne, en effet, de modifications fines au plan de la marche et/ou de l’équilibre pouvant aboutir à des chutes à répétition à un stade pas nécessairement avancé. Des suivis de cohorte récemment publiés ont montré une forte corrélation entre les éléments moteurs du syndrome de fragilité (force de préhension, etc.) et l’existence de lésions neuropathologiques de MA. D’autre part, les chutes peuvent d’autant plus survenir qu’il existe des comorbidités ayant fragilisé l’équilibre.  Altération de l’état général De même, un amaigrissement isolé notable, sans cause organique évidente malgré une exploration suffisante, doit faire explorer le fonctionnement cognitif. L’amaigrissement peut compliquer la MA à des stades avancés. Mais il peut aussi la révéler à un stade précoce, sans que le mécanisme soit bien élucidé. Le processus neuropathologique pourrait agir comme décompensant une certaine fragilité préalable du comportement alimentaire. Deux questions cliniques fondamentales Dépression et/ou démence ? Tout d’abord, il ne faut pas confondre le ralentissement dépressif avec l’apathie propre au syndrome dysexécutif. Ce préalable étant posé, la dépression doit être systématiquement évoquée devant chacun des troubles évoqués ci-dessus. Mais non tant comme diagnostic différentiel que comme facteur associé aggravant les symptômes. À la question classique « dépression ou démence ? », il convient de préférer la formule : « dépression et démence ». La dépression constituée, certes évidente avec un amaigrissement, existe mais n’est pas si fréquemment révélatrice. Il s’agit plus souvent d’une dépression modérée débutante se résumant volontiers à des éléments dépressifs dans la séméiologie. Quoi qu’il en soit, une évaluation neuropsychologique suffisamment précise permet quand même de faire la part des choses. En tout cas, plus le praticien se pose la question, plus c’est précisément suspect ! Faut-il détecter des troubles cognitifs ? La question peut se poser notamment chez un patient réputé autonome qui prend des médicaments à marge thérapeutique étroite et dont soit un oubli, soit une prise indûment répétée pourrait lui être préjudiciable. Mais elle est délicate quand ni le patient, ni son entourage ne formulent de demande. À défaut de systématiquement proposer, il faut systématiquement y penser ! Autant, dans le cadre d’une hospitalisation motivée par un problème clinique aigu, il est logique de proposer au patient une évaluation cognitive simple inclue dans un bilan global. Autant, dans le cadre d’un suivi ambulatoire, une telle proposition au patient peut apparaître intrusive et donc contestable d’un point de vue éthique. Tout médecin traitant d’un patient âgé doit en fait avoir en permanence à l’esprit l’éventualité d’un possible trouble cognitif sous-jacent. L’expérience clinique du praticien joue ici un rôle important. La situation d’évaluation, en particulier cognitive, doit correspondre à une interrogation du médecin qui a eu l’attention éveillée par quelques bizarreries cliniques lors de son suivi. Cela lui permettra, dans le cadre d’une relation de confiance, d’aborder le sujet de façon franche et directe avec son patient. En d’autres termes, de susciter la plainte. S’il fait ainsi preuve de tact, d’habileté et de diplomatie, il est rare qu’il soit perçu comme intrusif et qu’il se heurte à un refus. Dans ces conditions, les patients admettent assez bien l’idée de l’évaluation, même quand il existe un certain degré d’anosognosie. Maladie d’Alzheimer : quelles particularités gériatriques ? Un certain nombre de règles générales s’appliquent à la pratique gériatrique. La MA n’y échappe pas… Particularités séméiologiques L’association trouble mnésique- atteinte exécutive est plus fréquente, le déficit instrumental étant beaucoup plus tardif. D’où une grande difficulté de repérage de la MA, surtout si l’on admet qu’il est normal de perdre la mémoire quand on est vieux ! Associations pathologiques Elles entrent en compte, qu’il s’agisse de : - lésions associées intracérébrales : environ 50 % des patients âgés atteints de MA avec syndrome démentiel ont en fait des formes mixtes (corps de Lewy ou atteinte vasculaire associés principalement) ; - pathologies systémiques, notamment cardiovasculaires associées (insuffisance cardiaque, HTA, etc.), avec retentissement sur le fonctionnement cognitif. Avec comme corollaire : - une plus grande difficulté de caractérisation étiologique d’un trouble cognitif ; - une probabilité de diagnostiquer une MA pure d’autant plus faible que la tranche d’âge est élevée ; - une expression clinique plus précoce de lésions neuropathologiques caractéristiques de la MA, bien que peu nombreuses ou importantes. Notion de réserve d’organe Pour tout organe ou système, il existe une réserve qui décroît avec l’avancée en âge et se traduit par la défaillance de ce dernier en dessous d’un seuil de l’ordre de 30-40 % de son fonctionnement maximal antérieur. Au même titre qu’un pic de masse osseuse acquis dans l’enfance est protecteur, un niveau socio-culturel élevé permet une résistance plus satisfaisante à l’agression cognitive, même si une fois la maladie déclarée (au sens du syndrome démentiel), l’évolution n’est pas nécessairement meilleure…

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