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Alzheimer et Démences

Publié le 16 jan 2008Lecture 8 min

Qu’est-ce que la démence sémantique ?

P. DE BERTRAND PIBRAC, Centre Bellevue, Bourges
Pendant longtemps, la question a été de savoir si la démence sémantique et l’aphasie primaire progressive fluente étaient distinctes ou similaires. Depuis peu, il est prouvé que l’aphasie primaire progressive fluente et la démence sémantique ne sont qu’une seule et même entité.
Le terme de démence sémantique a été introduit par J.S. Snowden et coll. pour désigner un tableau résultant de l’atteinte sélective de la mémoire sémantique (encadré) avec perte des connaissances sur les objets, les choses, les lieux et les personnes et évoluant ultérieurement vers un tableau démentiel.   Qu’est-ce que la mémoire sémantique ?   La mémoire sémantique est « un système mnésique spécifique qui se distingue du système épisodique en ce sens qu’il stocke des informations détachées de leur contexte d’apprentissage indépendant des recherches repères spatio-temporelles pour former une connaissance générique connue à toute une culture. Ce stock sémantique présente l’ensemble des connaissances sur le mot : le langage et ses codes, les objets, les calculs, les faits historiques, mais aussi tout ce qui définit la culture ce qui est propre aux intérêts et expertise tout un chacun ». (Valérie Hahn-Barma). Le stock sémantique se distingue donc de ce que l’on appelle la mémoire épisodique qui est un élément bien précis avec des dates, des circonstances permettant de bien se rappeler tel ou tel événement. Description classique L’aphasie primaire progressive fluente a été décrite pour la première fois par M.M. Mesulam avec les critères suivants : • apparition insidieuse et évolution progressive du manque de mots, d’une difficulté à dénommer un objet ou à comprendre les mots lors d’un discours spontané ou lors d’une évaluation formée du langage ; • activités quotidiennes seulement limitées, en relation avec le trouble du langage, et cela au moins durant les deux premières années suivant son apparition. • apathie, désinhibition, oubli des événements récents, troubles visio-spatiaux, déficits de la reconnaissance visuelle, altération sensitivomotrice, absents pendant les deux premières années après le début de la maladie. Ce critère est établi par l’évaluation des activités quotidiennes et l’évaluation neuropsychologique ; • acalculie ou apraxie idéomotrice pouvant toutefois être présentes pendant les deux premières années ; les préservations ou les déficits constructifs très légers peuvent être observés mais ne perturbent pas les activités quotidiennes ; • autres domaines cognitifs pouvant être affectés après les premières années, mais l’expression langagière reste toujours la fonction la plus altérée tout au long de l’évolution, s’aggravant plus rapidement que les autres domaines ; • absence de cause spécifique d’aphasie (accident vasculaire cérébral, tumeur) confirmée par l’imagerie médicale. Démence sémantique naissante : tableau clinique Des troubles du langage et du comportement Habituellement, il s’agit d’une personne d’une soixantaine d’années, sans antécédents particuliers sur le plan familial, qui consulte en général de son propre chef. Elle présente des troubles du langage qui sont fréquemment inauguraux et évoluent depuis environ 2 ans. Les troubles portent essentiellement sur une perte du sens des mots : la personne ne sait plus ce que veut dire « plat » et ne reconnaît plus les objets. Quand on lui demande, par exemple, de prendre un couteau, c’est la cuillère qu’elle prend. Cette atteinte sémantique entraîne une réduction du répertoire alimentaire : le patient ne mange plus que quelques plats bien sélectifs parce qu’en fait il ne comprend plus le nom des différents aliments dans un magasin. On note en général une modification de sa personnalité et de son comportement, avec en particulier une certaine tendance à l’égocentrisme. À cela s’ajoute un syndrome dépressif reflétant bien la conscience des troubles. Par ailleurs, il existe aussi, en règle générale, un comportement stéréotypé et ritualisé. Des troubles cognitifs particuliers   Malgré ces difficultés, la mémoire épisodique est préservée. Le sujet sait ce qu’il doit faire à telle ou telle date, il n’y a pas d’erreur au niveau des rendez-vous, il ne semble pas exister de perte de l’autonomie. Généralement, le sujet évoque ses expériences personnelles récentes, dont il se souvient en principe très bien, mais présente d’énormes troubles de la mémoire ancienne.   L’écoute montre un discours fluent mais peu informatif. Il n’existe pas de dysarthrie, pas d’erreur grammaticale ni syntaxique, mais la conversation est souvent entrecoupée par des pauses dues au manque de mots, éventuellement des paraphasies sémantiques et de nombreuses circonlocution, car il manque au patient un certain nombre de mots. Des mots très simples le font buter : ainsi, quand on lui demande sa date de naissance, ce n’est pas sa date de naissance qu’il ne sait plus, mais ce que signifie le mot naissance. La répétition en revanche est normale.   La lecture et l’écriture de mots irréguliers mettent en évidence de nombreuses erreurs et le patient utilise plutôt la voix phonologique. Exemple, il écrira « onion » pour désigner oignon et « fame » pour signifier une femme.  Quant à l’utilisation de la fluence verbale catégorielle, elle est strictement effondrée. Par exemple, la personne a beaucoup de mal à reconnaître des animaux ou des villes, etc. Les troubles sémantiques sont sévères tant sur l’entrée visuelle (reconnaître un stylo montré) que sur l’entrée verbale (qu’est-ce qu’un stylo ?), et sur l’entrée tactile (reconnaître un stylo à la palpation). Trois diagnostics différentiels Le premier diagnostic différentiel auquel pense tout médecin est évidemment la maladie d’Alzheimer débutante (tableau 1). Les deux autres diagnostics différentiels possibles sont l’aphasie primaire progressive non fluente (tableau 2) et la démence fronto-temporale débutante qui survient à un âge identique (tableau 3).   Quels examens effectuer ? Les tests L’apparition du test de la batterie rapide de dénomination commune (bard), mise en place par B. Croisile ; elle devrait être proposée systématiquement en association avec les tests de consultation clinique tout à fait traditionnels (MMS, horloge, cinq mots de DUbois, IADL).   LA BATTERIE RAPIDE DE DÉNOMINATION (BARD)   La BARD comporte 10 dessins (lit, arbre, maison, ciseaux, peigne, fleur, scie, brosse à dents, balai, raquette) présentés sur deux feuilles de papier A4. Les sujets doivent dénommer les dessins les uns après les autres. Aucun indice pour faciliter leur réponse n’est donné. En revanche, si le sujet décrit d’abord l’usage ou le sens de l’objet pour faciliter sa recherche du nom, nous comptons comme juste sa réponse ultérieure, même si elle est un peu retardée. Nous ne retenons pas comme juste une réponse donnée en plus de 15 secondes. La passation totale de la BARD se fait en peu de temps : moins de 15 secondes chez les sujets normaux et chez la plupart des patients avec une forme légère de MA, alors que les patients ayant de réelles difficultés de dénomination mettent plus de temps. B. Croisile. Utilisation de la BARD chez 639 patients d’une consultation mémoire. La Revue de Gériatrie, tome 32, n° 5 mai 2007   La batterie rapide d’évaluation frontale (BREF) et la fluence verbale sont de maniement simple également. Tout ces tests (tableau 4) permettraient d’adresser, sans perdre de temps, le patient susceptible d’avoir une démence sémantique à un neuropsychologue puis à un centre mémoire.   L’imagerie Trois examens complémentaires sont de pratique courante : le scanner, l’IRM, la scintigraphie. Dans tous les cas, il est nécessaire de bien préciser ce que l’on cherche ainsi que les régions anatomiques susceptibles d’être altérées : notamment la région temporale externe gauche ainsi qu’un début d’atteinte frontale rapidement pathologique dans la démence sémantique. Deux examens sont très utiles mais en fait peu utilisés en pratique courante car difficiles d’accès : le PET-Scan et l’IRM fonctionnelle. Dans la démence sémantique, la région temporale externe inférieure gauche est pathologique tandis que la région temporale interne hippocampique (atrophiée dans la maladie d’Alzheimer) est normale (tableau 5).   Aucun traitement vraiment actif Les anticholinestérasiques ne sont pas indiqués. Les antidépresseurs de type IRS sont en règle utilisés. 

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