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Alzheimer et Démences

Publié le 16 fév 2009Lecture 6 min

Les particularités cliniques des malades d’Alzheimer

L. PLOTON, Université de Lyon
Sensibles à leur environnement matériel et humain, les malades d’Alzheimer, au-delà de leurs déficiences, sont doués d’étonnantes capacités faisant parler à leur propos d’intelligence affective.
Illustration : Alois Alzheimer Tout d’abord, ils souffrent d’une altération progressive de la mémoire et d’atteintes variables des connaissances et des facultés acquises et/ou développées par apprentissage, telles que la parole*, mais aussi l’ensemble des aptitudes psychomotrices (s’habiller seul, s’alimenter, se laver, marcher…). Avec la progression de la maladie… Ces difficultés invalidantes sont associées à une atteinte des opérations mentales, telles que les capacités d’abstraction, de conceptualisation et de compréhension des sujets complexes. Mais elles vont surtout de pair avec des défaillances croissantes de l’attention, de la perception du temps, de l’orientation dans l’espace, des capacités d’anticipation, de la maîtrise du sens figuré, de la reconnaissance des objets et des images en tant que telles. Ils peuvent, à un stade clinique avancé, avoir perdu la capacité de penser avec des mots** et de se représenter ce qui n’est pas présent. On parle à ce propos de retour à un mode de pensée préverbale et de perte de la permanence de l’objet. Pour eux, une porte close se ferme sur l’inconnu et un absent est comme disparu, voire mort. Dans le même registre, il peut y avoir chez eux confusion entre une chose et sa représentation en image. On peut ainsi voir un malade s’adresser à un personnage qui parle à la télévision ou figurant sur un poster. Le même, par contre, peut avoir des difficultés pour reconnaître sa propre image sur une photo et, dans la vie quotidienne, pour nommer des personnes familières***. Besoins de réassurance et d’étayage Psychologiquement, à ce stade, les malades concernés sont l’objet d’un sentiment de vide psychique et sont facilement en proie à un sentiment d’abandon avec une perception dévalorisée d’eux-mêmes. Cela étant, leur demande principale est une demande implicite de réassurance dans le registre maternel. Mais leur tendance à induire ce type de transaction ne signifie en aucun cas qu’ils doivent être assimilés à des enfants. Ce sont des adultes en perte de repères qui ont besoin d’être étayés et rassurés. Sans doute est-ce pourquoi les transferts de responsabilité, avec la demande de sécurité, constituent de fait la tâche primaire de l’institution. Mais encore faut-il se garder des dérives sécuritaires qui paradoxalement étouffent toute vie au motif de la préserver.   VIVRE AUTREMENT… D’après J. MÉNARD Lors des Journées mondiales pour la maladie d’Alzheimer de septembre dernier, l’ancien directeur général de la santé, responsable du plan Alzheimer, le Pr Joël Ménard, qui a rappelé n’être ni gériatre ni neurologue, a évoqué la nécessité de faire un travail sur les différentes méthodes et dispositifs qui peuvent permettre d’aborder la maladie (recherches) et son accompagnement (formations, établissements, transports), autrement et également plus efficacement que cela n’est fait actuellement. Il a récusé fermement le concept de mort « civile ». Il s’agit pour lui de vivre autrement. Il s’est aussi interrogé sur le concept de projet et la signification qui lui est donné en établissement. Le projet est un dessein fait par des personnes en activité, qui peuvent jouer avec la notion d’un avenir, qui, responsables de leur vie, peuvent faire des choix et s’inscrire dans une société. En institution, ce sont les professionnels qui font les projets pour les patients, des « projets thérapeutiques », « des projets de vie ». On se focalise sur le futur pour ne pas se coltiner avec le présent et son principe de réalité. Les projets ne sont-ils pas faits par les soignants mais pour les soignants, pour leur devenir à eux auprès des patients, sans tenir compte de leur vie ? Il faut être dans le présent, construire de la vie au quotidien, heure par heure, et rendre visible le travail fait. Sinon, on se trouve dans une situation paradoxale d’élaborer un projet tout en mutilant le présent. Elisabeth FLOCHLAY Fondation de Rothschild, Paris Principales difficultés posées Les principales difficultés qu’ils posent, concernent leur propension :   à devenir confus et à vouloir partir en proie à la conviction inébranlable qu’ils ont une tâche prioritaire (leur mère ou leurs enfants qui les attendent…) ;   à réagir par des comportements d’agitation « dite pathologique » à leur vécu d’abandon ou aux situations qu’ils ne peuvent comprendre ou admettre ;   à poser problème du fait de phénomènes anxieux, notamment en relation avec la question de la mort (J. Maisondieu, 1989), ce qui a pu conduire à l’hypothèse qu’ils induisent des façons de faire, inconsciemment préservatrices, en tendant à annuler autour d’eux le temps qui passe. Dans cette ligne, de nombreux auteurs attirent l’attention sur le fait, qu’outre les déficits cognitifs entraînant une altération de la perception du temps, il existerait chez les malades d’Alzheimer un rapport psychologique au temps de nature problématique, associé à la faculté de perturber la capacité de penser des intervenants (C. Caleca, 2006). On parle à ce propos de phénomènes « d’attaque à la pensée » (H. Searles, 1977). D’étonnantes capacités préservées Cela dit, il est important de souligner que les malades concernés gardent des performances précieuses dans un certain nombre de domaines. C’est ainsi qu’il y a chez eux une forme de préservation de différents aspects de la mémoire implicite. Concrètement, cela les conduit, par exemple, à une étonnante capacité à identifier quelle est la porte qui conduit à la sortie d’une institution et à la franchir habilement. Réceptifs à l’empathie et au climat affectif, tout porte à croire que les malades d’Alzheimer sont sensibles aux atmosphères, au cadre, aux motivations et aux façons de faire avec eux. Il demeure ainsi chez eux d’étonnantes possibilités de compréhension globale et d’expression comportementale qui conduisent, à leur propos, à parler d’intelligence affective.   *Ils ne disposent plus de la fonction anti-stress de la parole (mettre des mots sur des émotions). **Cette absence de discours intérieur correspond à une forme de retour du fonctionnement psychique à un stade préverbal. ***Y compris leurs enfants. Et, même s’ils continuent à se conduire de façon adaptée vis-à-vis de ceux-ci, l’effet psychologique de ce handicap est traumatique pour eux.

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