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Neurologie générale

Publié le 11 déc 2007Lecture 8 min

Le nez peut-il aider à dépister les maladies du cerveau ?

F.LALLOUE*, P.THOMAS** * EA3842, Homéostasie cellulaire et pathologies, faculté de médecine, Limoges ** Service hospitalo-universitaire de psychogériatrie, CH Esquirol, Limoges
L’évaluation de l’olfaction pourrait avoir un intérêt dans le diagnostic clinique de la maladie d’Alzheimer et les syndromes apparentés. Explications avec Fabrice Lalloué et Philippe Thomas qui vous proposent un voyage guidé à travers le système olfactif et une exploration des principaux liens entre les fonctions olfactives et mnésiques.
De nouveaux outils d’investigation de la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés ont été développés au cours de ces dernières années. En particulier, la tomoscintigraphie d’émission monophotonique (TEMP) ou de positons (TEP) et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permettent désormais de dépister ou de confirmer un diagnostic d’Alzheimer en visualisant les principales modifications du métabolisme cérébral au cours de l’évolution de la pathologie (1). Bien que ces techniques soient hautement prédictives et discriminantes, le besoin s’est néanmoins fait sentir de disposer de nouvelles méthodes d’investigation moins coûteuses et non invasives. C’est ainsi que l’intérêt de certains chercheurs s’est porté sur un sens trop souvent négligé : l’olfaction. Clinique de l’olfaction : des progrès restent à faire L’observation des dysfonctionnements du sens olfactif pourrait jouer un rôle-clé dans le diagnostic clinique des troubles neurologiques et psychiatriques comme le suggèrent de nombreux auteurs (2,3). Ainsi, plus de 400 articles considèrent l’hypothèse d’un dysfonctionnement de ce système dans les syndromes démentiels. Plusieurs auteurs ont aussi souligné l’association entre troubles olfactifs et maladie de Parkinson ou maladie de Huntington (4,5). Il a également été montré qu’encas d’épisodes dépressifs majeurs, les performances olfactives des patients étaient significativement réduites par rapport à celles d’un groupe contrôle (6). Les liens étroits entre système olfactif et structures limbiques (hippocampe et amygdale, notamment) pourraient expliquer ces différentes observations. L’observation des dysfonctionnements du sens olfactif  pourrait jouer un rôle-clé dans le diagnostic clinique des troubles neurologiques et psychiatriques. Zoom sur le cerveau olfactif L’organisation anatomique des voies olfactives centrales représente une exception au regard des autres modalités sensorielles. En effet, ces voies n’effectuent pas de relais dans le thalamus contrairement aux voies sensorielles auditives, visuelles et tactiles. Le cheminement des odeurs Les cils olfactifs qui tapissent la cavité nasale permettent aux neurones olfactifs de capter les odeurs de notre environnement. Les axones et les neurones olfactifs établissent un premier relais au niveau des cellules mitrales du bulbe olfactif (BO) à l’intérieur de zones de connexion, nommées glomérules. Les axones portant les mêmes récepteurs de molécules odorantes se projettent dans un même glomérule (ou deux). Rappelons qu’il existe plus de 300 types de récepteurs olfactifs. Puis, les axones des cellules mitrales du BO établissent un contact direct avec le cortex olfactif primaire constitué de différentes aires cérébrales, à savoir le cortex piriforme et le cortex péri-amygdalien. Du cortex olfactif primaire, des axones se projettent ensuite sur la portion olfactive du cortex entorhinal, considérée comme le cortex olfactif secondaire. Ce dernier est relié à l’amygdale cérébrale, à l’hippocampe et à l’hypothalamus. Le cortex enthorhinal constitue par ailleurs la voie d’entrée des informations responsables des mécanismes de consolidation de la mémoire. Ainsi, le cortex entorhinal occupe un rôle central en tant que carrefour des modalités sensorielles olfactives, mais également comme voie d’entrée des informations dans le circuit de consolidation de la mémoire « hippocampique ». Tout changement pathologique au sein de cette région peut donc avoir un impact à la fois sur les voies olfactives et de la mémoire.   Principales voies olfactives centrales. Des liens étroits entre systèmes olfactif et limbique Les liens étroits entre tractus olfactif et structures limbiques, dont l’amygdale et l’hippocampe, ont été mis en évidence dans des modèles animaux de rats bulbectomisés. Il a notamment été montré que la destruction des bulbes olfactifs induisait une désorganisation en aval au sein du circuit reliant le bulbe olfactif, le cortex olfactif primaire et secondaire, et la région hippocampique. Ceci conduisait à des altérations des fonctions de mémorisation et de plasticité cérébrale, ainsi qu’au développement de symptômes comparables à ceux décrits lors de la dépression (7). L’épithélium olfactif, cible des changements neuropathologiques de la maladie d’Alzheimer ? Les résultats des travaux de T. Kovacs et coll. ont pour leur part démontré l’existence d’atteintes neuropathologiques du système olfactif au stade précoce de la maladie d’Alzheimer (stades 1-2 de Braak) (8,9). Rappelons que la dégénérescence neurofibrillaire (DNF) de la maladie d’Alzheimer peut être classée en 6 stades ou stades de Braak : - les stades 1-2 correspondent à une atteinte du cortex transentorhinal (dit « stade préclinique ») ; - les stades 3-4 correspondent à une atteinte du cortex transentorhinal et entorhinal (la moitié de la population neuronal du cortex entorhinal a dégénéré), dit stade « limbique » ou « clinique débutant » ; - aux stades 5-6, la dégénérescence s’étend à tout le néocortex : c’est le stade cortical dit « clinique ». S. Christen-Zaech et coll. ont ainsi mis en exergue une corrélation entre, d’une part, la densité des lésions de DNF des régions du cortex entorhinal et de l’hippocampe (CA1) et, d’autre part, des régions bulbaires chez des sujets atteints de maladie d’Alzheimer (10). Certains travaux suggèrent que l’extension des principales lésions de la maladie, ainsi que le développement d’anomalies structurales pourraient se faire selon une progression rétrograde rapide, dès les stades précoces, du cortex entorhinal vers le bulbe olfactif, puis vers l’épithélium olfactif. Des études conduites sur des modèles animaux de souris transgéniques surexprimant la protéine tau semblent confirmer l’hypothèse d’une progression rétrograde des lésions pathologiques. Les modifications neuropathologiques précoces au niveau du bulbe olfactif sont réelles et semblent spécifiques à la maladie d’Alzheimer. De nombreux auteurs ont étudié les lésions de l’épithélium olfactif de patients atteints de maladie d’Alzheimer ou de syndromes apparentés. Les principaux résultats démontrent que les cellules neuro-sensorielles de l’épithélium olfactif des patients développant la maladie sont le siège de lésions dues au stress oxydatif significativement plus importantes que chez les sujets contrôles, suggérant ainsi une altération précoce de l’olfaction chez les patients Alzheimer. Il a également été mis en évidence dans la muqueuse olfactive de patients ayant une maladie d’Alzheimer la présence de filaments pathologiques Tau, similaires à ceux observés dans les structures limbiques (8). Ainsi, les modifications neuropathologiques précoces au niveau du bulbe olfactif sontelles bien réelles, et semblent de plus spécifiques à la maladie d’Alzheimer. Ces changements vont engendrer chez le patient Alzheimer des troubles des performances olfactives dès le stade préclinique (stades 1-2 de Braak) au cours de la maladie d’Alzheimer. Troubles olfactifs et diagnostic précoce de maladie d’Alzheimer au sein d’une population MCI L’intérêt diagnostique des troubles olfactifs dans la maladie d’Alzheimer est parfaitement illustré par les travaux récents de A. Eibenstein et coll. (11) menés chez 29 patients ayant un Mild Cognitive Impairment (MCI) de type amnésique et chez un groupe de sujets témoins. Les fonctions olfactives étaient évaluées à l’aide du Sniffin’ Sticks Screening Test (SSST) qui nécessite l’identification de 12 odeurs distinctes. Le diagnostic de MCI était posé à partir des résultats du Clinical Dementia Rating, de la Geriatric Depression Scale et de la Mental Deterioration Battery. Les patients MCI présentaient un déficit significatif de leurs performances olfactives avec un score SSST moyen de 8,3 +/- 2,1 versus 10,8 +/- 0,9 chez les témoins (p < 0,001). La spécificité et la sensibilité du test olfactif, afin de discriminer les patients MCI des patients contrôles, étaient respectivement de 72,41% et de 84,38 %. Vingt patients MCI sur 23 présentaient une hyposmie ou une anosmie sans en avoir conscience. Le déficit concernant l’identification des odeurs constaté chez les patients MCI, ainsi que l’absence de prise de conscience de ce trouble pourraient indiquer le risque élevé de progression vers une maladie d’Alzheimer. À l’avenir… Les observations réalisées sur l’homme, mais également sur des modèles animaux reproduisant la maladie d’Alzheimer, apportent la preuve des liens étroits unissant les structures impliquées dans les fonctions olfactives et les fonctions mnésiques. De nouveaux axes de recherche se développent dans ce domaine, avec notamment la mise au point de tests olfactifs (ou de protocoles de biopsies de la muqueuse olfactive) réalisables en pratique quotidienne, afin de rechercher des lésions spécifiques de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce. À l’avenir, l’exploration du système olfactif pourrait ainsi faire partie des batteries de tests précliniques à réaliser chez les patients MCI.

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