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Alzheimer et Démences

Publié le 20 déc 2010Lecture 6 min

Égarements dans la démence

M. VLAICU BUSTUCHINA, Service de Neurologie, Hôpital Saint-Joseph et Pitié-Salpêtrière, Paris
Cette patiente âgée de 84 ans présente depuis 2002 une détérioration cognitive dans un contexte de maladie d’Alzheimer.
Parmi ses antécédents, on note en 2001 un infarctus du myocarde inféro-latéral et une hypercholestérolémie. En mai 2007, alors qu’elle était jusqu’alors parfaitement autonome, la patiente présente une aggravation brutale des troubles de mémoire, avec désorientation temporo-spatiale importante, troubles du langage et difficultés pour se déplacer. L’évolution est rapidement défavorable : en septembre 2007, la patiente ne marche plus et devient mutique. Elle ne s’alimente plus et présente des troubles de déglutition qui justifient l’hospitalisation en urgence. L’examen neurologique montre alors des signes pyramidaux et des myoclonies diffuses à la moindre stimulation. La malade crie au moindre mouvement. Il n’y a pas de syndrome extrapyramidal ni de signes cérébelleux. On note une incontinence urinaire et fécale. Les fonctions cognitives testées quelques mois avant son hospitalisation avaient montré un MMS à 3/30, mais cette fois, il est impossible de les évaluer. Le bilan biologique et la ponction lombaire sont normaux. Les anticorps antineuronaux anti-Hu, anti-Ri, anti-Yo sont négatifs dans le sérum et dans le LCR. La protéine tau, la protéine S-100, et le NSE (neuron specific enolase) n’ont pas été testés. La recherche de protéine 14-3-3 s’est relevée négative. L’EEG montre une surcharge lente de grande amplitude et de topographie mésiale, mais sans complexes périodiques. L’IRM met en évidence une dilatation ventriculaire globale et une atrophie cortico-sous-corticale prédominant sur le lobe temporal. Le SPECT décèle une hypoperfusion des lobes fronto-temporaux bilatérale. La patiente décède le 24 octobre 2007. Une autopsie est pratiquée.   Quel est votre diagnostic ? Pour cette patiente, le diagnostic évoqué initialement en 2003 était celui de maladie d’Alzheimer. Cependant, devant l’aggravation rapide de la démence, la présence de myoclonies, de signes pyramidaux et d’un état de mutisme akinétique dans la phase terminale de la maladie, le diagnostic évoqué lors de la dernière hospitalisation en 2007 est celui de maladie de Creutzfeldt- Jakob (MCJ). Mais les examens biologiques, électroencéphalographiques et radiologiques ante mortem n’amènent aucun élément en faveur de cette hypothèse. La protéine 14-3-3 n’a notamment pas été retrouvée dans le liquide céphalorachidien. Au cours de l’autopsie réalisée avec l’accord de la famille, des prélèvements ont été effectués sur plusieurs régions cérébrales (F2, T1, hippocampe, tête du noyau caudé, thalamus et corps mamillaires, calcarine, cervelet, substantia nigra) et différentes techniques immuno - histologiques ont été mises en oeuvre (anticorps anti- Aβ anticorps anti-tau, anticorps anti PrP).  L’analyse histologique révèle une spongiose associée à une gliose astrocytaire de la tête du noyau caudé (figure 1), le thalamus étant moins touché. Sur les prélèvements isocorticaux, il existe une spongiose associée à une gliose astrocytaire du cortex temporal (figure 2).   Figure 1. Coupe au niveau du noyau caudé. Coloration HE. Présence d’une spongiose et d’une gliose astrocytaires.     Figure 2. Coupe au niveau de la T1. Spongiose et gliose astrocytaires. Anti-tau. Ces lésions sont plus discrètes sur le prélèvement cortical frontal et occipital. Dans la région hippocampique, on note également une spongiose associée à une gliose astrocytaire du cortex entorhinal. Dans le cervelet, on note une discrète spongiose de la couche moléculaire. On retrouve par ailleurs de nombreuses lésions de dégénérescence sénile : dégénérescence neurofibrillaire, fibres tortueuses, plaques séniles neuritiques et amyloïdes, dépôts diffus de protéine Aβ. L’immunohistochimie anti-Aβ permet de mettre en évidence une angiopathie amyloïde sévère (figure 3). L’immunohistochimie anti-PrP montre des positivités synaptiques et quelques positivités au niveau des plaques séniles sur le prélèvement cortical (figure 4).   Figure 3. Coupe par le frontal F2. Anti-A bêta. Angiopathie amyloïde.     Figure 4. Cortex frontal (F2). Anti PrP.  L’examen anatomo-pathologique conclut ainsi à une maladie d’Alzheimer stade VI de Braak, associée à une angiopathie amyloïde sévère et à une maladie de Creutzfeldt-Jakob. La répartition des lésions est cortico- striatale. Il n’y a aucun argument en faveur d’une nouvelle variante de la MCJ. Commentaires Le diagnostic biologique ante mortem de la maladie de Creutzfeldt-Jakob repose actuellement sur la détection de marqueurs de destruction neuronale dans le LCR ; la recherche de la protéine 14-3-3 dans le LCR est aujourd’hui le test le plus employé en France du vivant du patient. Si la signification exacte de la présence de cette protéine reste inconnue, des études antérieures ont suggéré que, dans un contexte clinique évocateur, elle représentait un marqueur fiable de la maladie. D’autres protéines spécifiques du cerveau, telle que la protéine tau, peuvent également être retrouvées dans le LCR au cours de MCJ sporadiques. Mais si ces protéines, en particulier la protéine 14-3-3 et la protéine tau, constituent des marqueurs de la maladie à prion, leur sensibilité et leur spécificité restent cependant loin d’être idéales. En pratique, la présence de la protéine 14-3- 3 dans le LCR ne permet pas de différencier la MCJ d’autres causes de démence de progression rapide, et la question reste posée de la place à donner à d’autres marqueur, tels que la protéine tau, laquelle pourrait apparaître comme un marqueur diagnostique plus sensible. Dans le cas présenté ici, tous les tests de routine pre mortem pouvant orienter vers la maladie de Creutzfeldt-Jakob étaient négatifs. En absence de signes biologiques, d’anomalies électroencéphalographiques et d’IRM caractéristiques, le diagnostic de MCJ « possible » peut reposer sur la présence de signes neurologiques bien définis. Le classement des cas selon le degré de vraisemblance du diagnostic tient compte de critères cliniques précis, reconnus internationalement (critères de Masters) : présence ou non d’une démence, myoclonies, syndrome cérébelleux, syndrome pyramidal ou extrapyramidal, troubles visuels, mutisme akinétique. La maladie de Creutzfeldt- Jakob est déclarée possible s’il existe une démence associée à 3 des 5 autres signes cliniques ; probable, s’il existe une démence, 2 des 5 autres signes cliniques et un électroencéphalogramme caractéristique ; définie, s’il existe une démence, au moins 1 des autres signes cliniques avec ou sans électroencéphalogramme caractéristique et des lésions histologiques typiques. Cependant, si les données cliniques, les examens biologiques et l’imagerie peuvent aboutir au diagnostic possible ou probable de maladie de Creutzfeldt-Jakob, la certitude diagnostique ne peut être apportée que par l’examen du tissu nerveux central, à l’aide d’une biopsie ou lors de l’autopsie. Cette observation illustre la possibilité de MCJ sporadique avec dépistage négatif de la protéine 14-3-3, et souligne que l’examen neuropathologique reste encore la seule façon de poser le diagnostic avec certitude. L’association à la Maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique, de lésions anatomopathologiques de démence Alzheimer et d’angiopathie amyloïde est la deuxième particularité de ce cas clinique.

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