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Neuropathie

Publié le 18 sep 2011Lecture 7 min

Comment traiter les douleurs neuropathiques du sujet âgé ?

J.-F. DOUBRÈRE, CETD, Hôpital Saint-Antoine, Paris
Dans 30 % des cas, les douleurs neuropathiques sont insuffisamment contrôlées. L’abord thérapeutique ne se résume pas aux médicaments, qui peuvent en outre poser des problèmes de tolérance. La prise en charge délicate des douleurs neuropathiques est abordée ici par le prisme de quatre situations cliniques courantes dans l’avancée en âge.
Liées à une lésion ou à un dysfonctionnement du système nerveux central ou périphérique, les douleurs neuropathiques nécessitent pour être diagnostiquées une analyse sémiologique très précise qui peut être résumée à l’aide de l’échelle DN4. Une douleur, dont la cotation dans cette échelle ne dépasse pas 4, n’est pas une douleur neuropathique et ne doit pas être traitée comme telle. Par ailleurs, elles sont souvent mixtes en gériatrie. Enfin, la douleur neuropathique ne va pas nécessairement être soulagée d’emblée. Il convient de s’inscrire dans le cadre d’un véritable parcours thérapeutique qui va nécessiter un accompagnement de qualité de la part du médecin. Les quatre vignettes cliniques qui suivent l’illustrent.   Une douleur postzostérienne Cette patiente de 75 ans, coronarienne et en bon état général, a fait un zona intercostal D5 il y a 3 mois. Elle a subi une période douloureuse intense il y a 1 mois. Elle va maintenant mieux, mais persistent quand même une allodynie pendant la toilette et quelques décharges électriques diurnes. Que faire ? Avant tout, ne pas se précipiter : cette dame n’est pas très handicapée. Elle veut peut-être juste savoir ce qui lui arrive, comment les troubles vont évoluer et pour combien de temps. Des explications étiologiques et pronostiques simples, l’évaluation de l’intensité de la douleur et de son retentissement sur sa qualité de vie suffisent dans un premier temps. On propose une réévaluation à 6 semaines, sans se précipiter sur les médicaments. Si la patiente veut une prescription, on peut envisager une thérapie locale par patch de lidocaïne : Versatis® ou Emla®. En cas de persistance à 6 semaines, une neurostimulation transcutanée pourra être proposée. L’idée générale est de ne pas se précipiter à proposer un traitement trop lourd. Ce n’est qu’en cas de persistance avec demande importante de soulagement que l’on s’orientera vers un traitement médicamenteux.   Une douleur thalamique Ce patient hypertendu et diabétique de 78 ans a été victime voici 6 mois, d’un AVC ischémique capsulothalamique gauche qui date de 6 mois. La récupération motrice a été satisfaisante avec un périmètre de marche de 400 m. Une dysurie, avec résidu postmictionnel plus important que ne le veut la taille et la localisation de son adénome prostatique, persiste sans trop le gêner. Mais il est surtout invalidé par des brûlures de tout l’hémicorps, quasi permanentes, augmentées de plus par la marche (comme cela arrive souvent) et perturbant nettement le sommeil. Il n’y a pas de décharge électrique.   Que faire ?  Tout d’abord évaluer : – l’intensité de la douleur +++ : ici l’évaluation numérique simple se situe entre 4 dans les moments les meilleurs et 7 dans les pires ; – l’état thymique +++ : le patient est ici déprimé avec un retentissement certain sur ses activités ; – l’autonomie : elle pourrait être meilleure en l’absence de douleur.  Apprécier l’aptitude à faire face On repère l’existence ou non de stratégies dites de « coping » pour faire face (encadré 1). Moins le patient fait face, plus il aura probablement besoin de médicaments.  Expliquer les objectifs des traitements médicamenteux • Mieux contrôler la souffrance en augmentant le seuil de tolérance à la douleur. • Faire absolument disparaître les décharges électriques surtout la nuit, souvent imprévisibles et difficiles à gérer. • Prévenir que pour autant le traitement n’abolira pas toutes les sensations anormales, telles que les dysesthésies. • Maintenir la fonction, l’utilisation de l’hémicorps paralysé, qui sinon risque d’être sousutilisé du fait de la douleur et des allodynies.  Choisir dans une liste restreinte de molécules Le praticien va « puiser » dans une liste assez restreinte pour initier une monothérapie. Son choix se pose entre deux classes thérapeutiques : - antidépresseurs tricycliques : imipramine (Anafranil®) et surtout amitriptyline (Laroxyl®) ; c’est la classe la plus active mais malheureusement souvent mal tolérée chez les patients âgés ; - anticomitiaux : gabapentine (Neurontin®) ou prégabaline (Lyrica®) ; ceux sont les plus étudiés, les plus récents et ils possèdent une bonne sécurité d’emploi. En cas de contre-indication, d’intolérance ou d’inefficacité, le choix est étendu à trois types de possibilités : - antidépresseurs type inhibiteurs mixtes de la recapture : venlafaxine (Effexor®) ou duloxétine (Cymbalta®) ; - anticomitial : carbamazépine (Tegretol®) ; - analgésiques : tramadol ou opiacé. Les règles de prescription sont les règles habituelles comme pour tout psychotrope chez les sujets âgés : - préférentiellement de demi-vie courte ; - dose progressivement croissante, adaptée à la fonction rénale ; - attente suffisante d’un délai d’efficacité : 3 à 6 semaines ; - simplification de l’ordonnance ; - gestion des effets secondaires ; - en cas d’arrêt, diminution progressive pour éviter un syndrome de sevrage.  Savoir faire la ronde des médicaments si nécessaire L’expérience montre qu’aussi bien pour les tricycliques que pour les autres médicaments antiépileptiques, il y a des patients qui sont répondeurs à certaines classes et pas à d’autres, et vice versa. Ainsi, on ne peut pas présager d’un échec à la gabapentine parce que le patient n’a pas réagi à la prégabaline, et vice versa. Ce n’est tant la recherche d’un médicament d’efficacité supérieure qu’il convient de faire, mais plutôt la ronde des médicaments pour trouver le meilleur choix pour un patient donné.   Une douleur postopératoire de genou persistante Cette femme de 80 ans en bon état général a été opérée avec un succès fonctionnel d’une prothèse du genou il y a 8 mois. Elle se plaint de douleur au niveau de son genou opéré persistant la nuit et s’accentuant à la marche. Le chirurgien orthopédiste est satisfait du résultat opératoire. Le questionnaire DN4 retrouve un score à 6/10. Que faire ? Il convient d’appliquer les différentes options thérapeutiques, locales, médicamenteuses, ainsi que les thérapies physiques. Si tous ces essais, bien que menés avec méthode, s’avèrent sans succès, il ne faudra pas hésiter à proposer les opiacés en se basant sur les recommandations de Limoges (encadré 2) en sachant prévenir la patiente de l’aléa thérapeutique, du changement de praticien et de la surenchère médicamenteuse pouvant s’avérer plus délétère qu’utile.   Une douleur persistante d’escarre cicatrisé Cette résidente en EHPAD, fragile, a fait une escarre talonnière lors d’un épisode d’alitement, qui est maintenant cicatrisée depuis 5 mois. La douleur l’empêche de se chausser et elle ne supporte même plus le contact. Elle a dû réduire ses activités. Mise sous codéine il y a 1 mois, elle a été peu soulagée et vient de faire un fécalome important. Le questionnaire DN4 retrouve un score à 7/10 qui confirme le diagnostic de douleur neuropathique. Que faire ? La discussion de la thérapeutique médicamenteuse la plus adaptée ne doit surtout pas omettre une prise en charge non médicamenteuse, fondamentale ici : - tout d’abord, l’écoute ! - ensuite viennent les mesures du quotidien, telles la qualité des soins de base (installation, hygiène), les techniques de relaxation, la proposition d’activités dérivatives qui vont la distraire de sa douleur ; - la prescription d’emplâtres anesthésiants de lidocaïne ou de patchs : Versatis® ou Emla® ; - enfin, l’utilisation de techniques locales, telles la physiothérapie de douleurs tendineuses secondaires ou encore la neurostimulation transcutanée. Ce sont là des méthodes actives, faisant intervenir le contact avec les soignants et… sans effet secondaire...

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