publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Alzheimer et Démences

Publié le 19 déc 2010Lecture 8 min

Alzheimer : quels médicaments en développement ?

Laurence Hugonot-Diener, CMRR Paris Sud (Broca) et Medforma
Après la mise au point de traitements symptomatiques, les recherches dans la maladie d’Alzheimer (MA) s’orientent vers le développement de médicaments capables de modifier l’évolution naturelle de la maladie en agissant sur les mécanismes physiopathologiques sous –tendant cette affection.
Rappelons que 2 lésions histopathologiques caractérisent la MA : les plaques séniles et les dépôts neurofibrillaires intracellulaires (DNF). Les plaques séniles sont des dépôts extracellulaires de protéine ß amyloïde. Le composant principal des dépôts amyloïdes est le peptide insoluble amyloïde bêta (Aß). Ce peptide hydrophobe neurotoxique, qui s’agrège dans la plaque sénile, est dérivé du clivage enzymatique anormal d’une protéine transmembranaire, la protéine amyloïde (APP pour Amyloid Precursor Protein). La forme Aß1-42 est plus sujette à l’agrégation que la forme plus courte et moins hydrophobe, Aß1-40. La forme toxique du peptide Aß est issue du clivage de l’APP par les enzymes ß et Υ-sécrétases. A l'inverse des plaques séniles, les DNF se situent à l'intérieur des neurones. Ce sont des agrégats de filaments anormaux constitués, entre autres, d'une forme hyperphosphorylée de la protéine tau qui prend alors l'aspect de paires de filaments hélicoïdaux. Les stratégies envisagées visent à agir sur l’APP afin d’éviter la formation de plaques séniles, ou sur la protéine tau, soit en corrigeant l’hyperphosphorylation anormale, soit en empêchant son agrégation. Une méthodologie spécifique Les médicaments en développement doivent utiliser une méthodologie spécifique recommandée par l’EMEA (European Medicines Agency) (1). Pour cibler les sujets qui pourraient bénéficier de ces nouveaux traitements, il importe d’inclure des patients à un stade très précoce ou prodromal de la maladie selon les nouveaux critères proposés par B. Dubois et coll. Les médicaments qui visent cette nouvelle indication « modification du cours de la maladie » (non obtenue encore à ce jour) doivent non seulement modifier l’évolution des processus pathologiques mais aussi améliorer les symptômes de la maladie. Il est prévu que les études se déroulent en deux étapes. Ces dernières devront en premier lieu montrer l’existence d’un ralentissement de l’évolution de la maladie sur le plan clinique. Puis, en cas de résultats positifs, des preuves attestant d’une moindre progression de l’atrophie cérébrale devront être apportées en se basant sur différents biomarqueurs et/ou sur la neuro-imagerie. Plus de 700 essais cliniques… Une centaine de molécules sont actuellement en cours de développement en recherche clinique dans la maladie d’Alzheimer (MA). Plus précisément, 733 essais cliniques sont en phases I, II et/ou III, dont un certain nombre évalue des molécules qui seraient susceptibles de modifier l’évolution de la maladie. La moitié des essais cliniques actuellement en cours (phase I à III) évaluent des agents anti-amyloïdes. Ces derniers visent à limiter la production, l’accumulation ou la toxicité du peptide ß-amyloïde (voir figure 1 : les voies d’action des médicaments anti-amyloïdes à l’étude : schéma adapté par L. Hugonot-Diener d’après A. Delacourte.) De la lésion au médicament. GRAL 2008). Dans ce cadre, sont étudiés l’immunisation contre l’Aß, ou piste dite « des vaccins », et des médicament modulant l’action des sécrétases : inhibition de la ß et Υ-sécrétase et stimulation de l’α-sécrétase. Une approche alternative à l’inhibition des sécrétases est l’inhibition de l’agrégation de l’Aß en oligomères neurotoxiques. Sont également en cours de développement.des agents inhibiteurs de l’agrégation Tau (TRx0014), des agents neuroprotecteurs (antioxydants, oméga 3, curcumine, anti-inflammatoires, ..), des agents neurorestoratifs (facteurs de croissance,..) et des anticholinergiques (agonistes nicotiniques,……). Enfin, les thérapies hormonales constituent également une voie de recherche. Des résultats prometteurs pour l’EHT 0202 L’EHT 0202 (Exonit) a un mécanisme d'action innovant par rapport aux traitements actuels de la MA : il stimule la voie de l’α-sécrétase favorisant ainsi la transformation de la protéine APP en sAPPα, fragment soluble de l’APP aux propriétés procognitives et neuroprotectrices. La stimulation de la voie α-sécrétase se faisant au détriment de la production du peptide amyloïde Aβ, EHT 0202 pourrait réduire potentiellement la formation des plaques Aβ toxiques. Les études de Phase I ont attesté de la bonne tolérance d’EHT 0202 chez des volontaires sains jeunes et âgés. Les études précliniques ont montré qu‘EHT 0202 protège les neurones corticaux contre le stress induit par l’Aβ42 et que cette neuroprotection est associée à l’induction du sAPPα. Des propriétés procognitives de ce produit ont également été mises en évidence dans plusieurs modèles animaux de troubles de la mémoire liées à l’âge et d’amnésie induite par la scopolamine. Les résultats de Phase IIa complémentaires ont été présentés au CTAD et ils sont conformes aux premières données présentées au 13ème Congrès de la Fédération Européenne des Sociétés de Neurologie à Florence en Italie (2). La sécurité d’emploi et la bonne tolérance d’EHT 0202 sont confirmées. De plus, l’observance du traitement par les patients est excellente (>95 %). Il a également été montré que les taux sanguins moyens d’EHT 0202 et de ses principaux métabolites restent stables au cours du temps, suggérant qu’aucun changement du profil de sécurité d’emploi de la molécule, en rapport avec les taux plasmatiques, ne devrait se produire sur une plus longue durée d’administration. La meilleure réponse au traitement observée dans la sous-population ApoE4 positive a été confirmée par différents critères d’évaluation (en particulier sur l’ADAS-Cog). En revanche, aucune variation statistiquement significative n’a été observée avec les autres échelles d’efficacité (NTB, CDR-SB, Zarit, NPI, CGI), probablement du fait de la petite taille et de la durée limitée de l’étude. Ces premiers résultats permettent le passage d’EHT 0202 en Phase II b. A suivre… Où en est-on avec dimebon ? Pour sa part, le dimebon, qui a beaucoup fait parler de lui en 2008 (3), est actuellement en phase III dans 4 essais chez des patients ayant une MA légère à sévère, sous différentes formes galéniques (per os ou en solution percutanée). Dans le travail publié dans le Lancet (3), dimebon semblait être à la fois efficace et bien toléré dans le traitement symptomatique des formes légères ou modérées de la MA. Rappelons qu’il s’agissait d’une étude multicentrique randomisée, menée à double insu contre placebo, qui a inclus 183 patients atteints d’une forme légère ou modérée de la maladie ; les scores du MMSE (mini-mental state examination) étant compris entre 10 et 24. Dans un groupe (n=89), le dimebon a été administré par voie orale, à raison de 60 mg/j en 3 prises espacées, versus un placebo dans l’autre groupe (n=94). Les autres médicaments utilisés dans le traitement des démences n’étaient pas autorisés. Le traitement par dimebon durant 26 semaines a  permis d’améliorer nettement les résultats de l’ADAS-cog par rapport au placebo (p<0,0001). Par ailleurs, la tolérance du médicament s’est avérée satisfaisante. Les événements indésirables les plus fréquents étaient une sécheresse buccale (14 %) et des troubles dépressifs (14 %) ; ceci au terme de 26 semaines de traitement. Enfin, dans une étude récente de phase 1, randomisée en double aveugle versus placebo, cette molécule a été bien tolérée en association avec une dose fixe de donezepil à raison de 10 mg/jour chez des patients atteints d’une MA à un stade léger à modéré (n=24) (4). Les effets cliniques du dimebon, prescrit au départ dans l’allergie en vertu de ses propriétés anti-histaminiques, ont été observés dans une vaste gamme de maladies. Dans la MA, le dimebon semble agir par des mécanismes d’action multiples. Huit mécanismes d’action ont été rapportés, dont deux d’entre eux bloqueraient l’action toxique des protéines bêta-amyloïdes neuro-toxiques. Mais, nous ne disposons pas encore de bases solides pour comprendre de quelle façon le dimebon agit à l'échelle biochimique ou cellulaire. Au total, selon la synthèse sur ce produit présenté au CTAD (5), dimebon a donné de bons résultats en phase I et II. Cependant, cette molécule ne semble avoir qu’un effet symptomatique, avec une amélioration de la cognition, des aptitudes fonctionnelles et du comportement dans les mêmes proportions que les AchE. Comme pour ces derniers, l’amélioration se maintient tant que les patients sont sous traitement, mais disparaît à l’arrêt de celui-ci.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème