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Thérapeutique

Publié le 29 juin 2013Lecture 11 min

Nouvelles recommandations sur les traitements de la spasticité

A. YELNIK, Groupe Hospitalier Saint-Louis-Lariboisière-F. Widal, Paris ; Université Paris Diderot

Dans sa définition stricte, la spaticité n'est qu'un élément du phénomène d'hyperactivité musculaire, avec notamment la dystonie spastique, la cocontraction et les syncinésies. Comment évaluer chacun de ces troubles et quelles réponses thérapeutiques y apporter ? Le point avec Alain Yelnik.

Le terme « spasticité » est souvent employé pour désigner l’ensemble des manifestations d’hyperactivité musculaire observées dans la plupart des lésions du système nerveux central touchant les voies motrices. Nous emploierons le plus souvent celui d’hyperactivité musculaire plus approprié. Celle-ci ne doit jamais être dissociée des troubles de la commande motrice et réalise avec eux les tableaux de parésie spastique. Chaque pathologie présente des caractéristiques propres, mais la démarche thérapeutique est toujours la même. Le traitement lui-même vise les conséquences de l’hyperactivité musculaire qui ne mérite pas toujours de traitement.   Qu’est-ce que la spasticité ?   • La spasticité est définie(1) par l’exagération du réflexe d’étirement musculaire. Ce phénomène est en fait rarement gênant en lui seul, sauf lorsqu’il se manifeste par des trépidations déclenchées lors du mouvement, notamment lors de la marche au niveau du triceps ou parfois par les mobilisations passives lors de la toilette, l’habillage ou la simple posture qu’elles rendent inconfortable. La spasticité ainsi définie n’est qu’un des éléments des phénomènes d’hyperactivité musculaire avec la dystonie spastique, les cocontractions et les syncinésies principalement, mais ce terme est souvent employé pour décrire globalement tous les phénomènes d’hyperactivité musculaire associés. • La dystonie spastiquetelle qu’elle avait déjà été décrite par Denny-Brown, est l’élément le plus facilement reconnaissable d’hyper activité musculaire de repos sans facteur déclenchant. Elle imprime certaines postures caractéristiques, notamment chez l’hémiplégique après AVC, avec l’attitude en rotation interne d’épaule, coude au corps, flexion du coude, pronation, flexion de poignet et des doigts du membre supérieur, par exemple. La dystonie spastique apparaît également lors du mouvement par la contraction anormalement prolongée de certains groupes musculaires. • Les cocontractions spastiques sont également fréquentes, définies par une activité musculaire anormale des antagonistes du mouvement volontaire, ainsi ralenti et altéré. Il s’agit du trouble le plus gênant chez le patient qui présente une motricité volontaire correcte. Au membre supérieur par exemple, la cocontraction des fléchisseurs de coude, lors des tentatives d’extension, empêche l’approche de l’objet à saisir, ainsi que la cocontraction des fléchisseurs de doigts et de poignet lors de l’ouverture de la main. À la marche, la cocontraction des fléchisseurs et extenseurs de hanche et de genou contribue notamment au fauchage caractéristique. • Les syncinésies sont une autre forme d’hyperactivité musculaire, définies par l’existence de mouvements anormaux déclenchés par un mouvement volontaire. Au total, la parésie spastique est caractérisée par la perte de sélectivité du mouvement. Il est important de connaître la variabilité de ces symptômes. L’attitude globale du corps, et notamment la position de la tête par rapport au tronc, influence cette hyperactivité, habituellement d’autant plus marquée que le sujet est en position debout et en mouvement. La fatigue, le stress, la température extérieure, le moment de la journée et certains facteurs nociceptifs influencent également grandement cette hyperactivité musculaire. Comment évaluer l’hyperactivité musculaire et ses conséquences ?   Mesurer l’hyperactivité musculaire et ses conséquences à un niveau segmentaire Il est utile avant tout examen de regarder la motricité volontaire, spontanée que peut effectuer le patient. On mesurera ensuite les amplitudes de chaque articulation. Les amplitudes dites passives effectuées par l’examinateur sont mesurées d’abord à vitesse lente (appelée V1), puis à vitesse rapide (V3) afin de mesurer l’angle d’apparition du réflexe d’étirement, selon le score de Tardieu, qui tient compte de cet angle d’apparition de la spasticité et de l’importance de celle-ci. Le score d’Ashworth, classique et largement utilisé, ne permet pas de distinguer ce qui reviendrait à la spasticité ellemême ou à des modifications structurales du muscle avec rétraction. S’il est utilisé, il faut au minimum préciser la vitesse d’étirement à laquelle est apparue la réaction notée. La motricité volontaire sur chaque segment articulaire est ensuite examinée en notant l’amplitude complète du mouvement possible, sa vitesse de réalisation, la capacité d’effectuer des mouvements alternés rapides ou lents. La capacité de sélectivité du mouvement est soigneusement notée pour chaque groupe musculaire. Le testing musculaire utilisé en neurologie périphérique n’a pas sa place dans l’évaluation des troubles de motricité d’origine centrale pour diverses raisons : impossibilité de sélectivité des contractions des différents groupes musculaires, variabilité au cours même d’un examen selon la position du corps, etc. L’examen s’attache à rechercher l’existence de rétractions musculaires qu’il n’est pas toujours facile de distinguer d’une hyperactivité musculaire sévère. La réalisation de blocs moteurs est alors très utile : pendant la paralysie transitoire d’un tronc nerveux ou de ses branches sélectives, il est possible de mesurer l’existence de rétractions et d’avoir un aperçu de la qualité de la motricité antagoniste et du retentissement sur la fonction de marche ou de préhension. Les blocs les plus souvent réalisés concernent les nerfs du pectoral majeur, musculocutané, ulnaire, médian, obturateurs et les branches du nerf tibial postérieur.   Évaluer les conséquences fonctionnelles de l’hyperactivité musculaire Schématiquement, deux grandes situations cliniques sont rencontrées : • Patient présentant une paralysie sévère Les rétractions musculaires et la dystonie spastique peuvent imprimer des positions articulaires anormales avec inconfort, gêne à la toilette, à l’habillage, à l’installation au fauteuil, aux fonctions sphinctériennes, douleurs, etc. Le retentissement fonctionnel doit donc être mesuré, d’une part, selon le point de vue du patient et, d’autre part, selon le retentissement pour les soignants et les aidants. Certaines échelles spécifiques ont ainsi été proposées pour mesurer la charge de soins. Il peut arriver que cette hyperactivité musculaire ait un rôle fonctionnel, l’hyperextension du membre inférieur permettant la marche malgré un déficit sévère de la commande motrice, l’hyperflexion du membre supérieur permettant le port de charges. • Patient présentant une bonne ou assez bonne motricité L’évaluation peut porter sur la qualité de la commande motrice, sur la fonction réalisée ou plus globalement sur l’autonomie. Les scores mesurant globalement l’autonomie comme l’index de Barthel ou la mesure d’indépendance fonctionnelle sont le plus souvent trop grossiers pour évaluer l’efficacité des traitements de l’hyperactivité mus culaire. L’évaluation de la motricité elle-même, avec l’échelle de Fugl Meyer en particulier, est utile. L’appréciation et l’évaluation de la fonction peuvent faire appel à différents scores comme le Rivermead Motor Assessment, le Frenchay Arm Test, le Motor Activity Log pour le membre supérieur. Pour le membre inférieur, l’évaluation porte essentiellement sur la marche qui peut être mesurée en quantité, en vitesse et en confort. Une évaluation instrumentale, notamment avec une analyse cinématique, est parfois nécessaire en particulier lorsqu’un traitement chirurgical est envisagé.   Évaluation des autres conséquences L’hyperactivité musculaire est souvent responsable de douleurs par les contractions musculaires prolongées, mais aussi les positions anormales, voire des lésions tendineuses et articulaires. Enfin, l’esthétique peut être un objectif de traitement de l’hyper activité musculaire.   Les traitements de l’hyperactivité musculaire   Le traitement ne doit donc être considéré que lorsque l’analyse a conduit à affirmer la gêne occasionnée par l’hyperactivité musculaire et à fixer des objectifs thérapeutiques précis. Pour cela, il faut avoir répondu à 3 questions : l’hyperactivité musculaire est-elle gênante et en quoi l’est-elle ? Est-elle la cause principale de la gêne ou seulement l’une de ses composantes et quelles sont celles-ci ? La gêne peut-elle être réduite par un traitement focalisé à certains groupes musculaires ou estelle liée à une hyperactivité diffuse ? Des réponses dépendent l’indication et les choix thérapeutiques. Avant tout traitement spécifique, il faudra prendre soin d’éliminer ce que l’on qualifie d’épine nociceptive : infection urinaire, lithiase, constipation, hémorroïdes, fracture, ongle incarné, etc. Toute stimulation nociceptive pouvant en soi déclencher ou aggraver la spasticité notamment chez les blessés médullaires. Il est indispensable de définir avec le patient des objectifs personnalisés au traitement, sur lesquels portera l’évaluation.   La kinésithérapie La kinésithérapie est toujours indispensable. Elle seule permet le plus souvent d’éviter les rétractions musculaires. Malheureusement, elle ne suffit habituellement pas pour traiter l’hyperactivité musculaire sur le long terme. Le renforcement moteur, lorsqu’il est possible, notamment dans les périodes de récupération post-traumatique ou post-AVC, contribue à la diminution de la spasticité des antagonistes et en fait partie. Enfin, il faut apprendre au patient des exercices d’auto-étirements, d’auto-postures et d’entretien moteur chaque fois que cela est possible. Traitements médicamenteux • Les médicaments per os Il n’y a malheureusement pas assez d’études scientifiques et lors qu’elles existent, celles-ci sont anciennes. Le baclofène et la tizanidine ont montré une certaine efficacité pour réduire l’hypertonie musculaire, mais il n’y a pas de certitude sur l’efficacité fonctionnelle. Le dantrolène sodique n’a pas bénéficié de telles études. En pratique, l’utilisation de ces traitements per osest différemment recommandée selon les pathologies. Après un AVC récent, ces traitements sont déconseillés compte tenu de leurs effets secondaires et de leurs probables effets néfastes sur la plasticité cérébrale. À distance des lésions aiguës et dans les affections démyélinisantes, ces traitements per os sont souvent utilisés avec une relative efficacité. L’association de plusieurs d’entre eux n’est pas recommandée. • La toxine botulinique Il y a de nombreuses études attestant de l’efficacité de la toxine pour réduire l’hyperactivité musculaire spastique. Il y a encore peu d’études montrant un véritable bénéfice fonctionnel. En France, seule la toxine botulinique A est actuellement disponible (Botox®, Dysport®, Xéomin®). Elle peut être utilisée en traitement de première intention lorsque l’objectif est focal ou multifocal et, en particulier, en suite d’AVC. Les AMM prévoient chez l’adulte la possibilité d’utiliser la toxine botulinique A dans toutes les présentations de spasticité qu’elle qu’en soit l’étiologie, mais toutes les marques n’ont pas exactement les mêmes AMM. Le service médical rendu est considéré comme important. Chez l’enfant, elle est considérée comme le traitement de première intention. Les unités des différentes toxines ne sont pas des unités internationales et il n’y a pas d’équivalence reconnue. Les doses à injecter, relativement importantes dans ces traitements, s’appuient sur les recommandations en vigueur et l’expérience des thérapeutes. L’injection se fait en intramusculaire et nécessite pour la plupart des muscles un repérage par électrostimulation. Le repérage par électromyographie est moins adapté à la spasticité, notamment lorsque la paralysie est sévère. Le repérage par échographie est en cours d’évaluation scientifique est apporte certainement un bénéfice pour des groupes musculaires aux repères anatomiques et à la morphologie modifiée par l’ancienneté des troubles neurologiques. Les effets indésirables décrits dans la littérature sont : un syndrome botulinique survenant dans les jours ou semaines suivant l’injection, avec parfois une altération diffuse de la force musculaire résiduelle, des risques de troubles de déglutition, voire de rétention urinaire. Les cas mortels rapportés chez l’enfant dans la littérature l’ont été lors de gestes importants, associant une anesthésie générale chez des jeunes atteints de polypathologies. Un délai de 2 à 3 mois est recommandé entre les injections. Le renouvellement des injections doit être rigoureusement basé sur l’évaluation de l’efficacité de celles-ci, avec les modifications éventuelles de doses et de localisation de l’injection qui peuvent s’imposer. Cette évaluation doit être réalisée 3 à 6 semaines après l’injection. Il n’est pas recommandé d’injecter un patient sous anticoagulants à doses efficaces. Il n’a pas été rapporté d’effet délétère lors d’utilisation à long terme. Néanmoins, d’autres thérapeutiques plus durables, notamment chirurgicales doivent être envisagées si la répétition des injections est nécessaire. L’inefficacité répétée du traitement doit le faire abandonner, même en l’absence d’alternative thérapeutique. • Alcool et phénol Alcool et phénol agissent par neurolyse du tronc nerveux lui-même ou intramusculaire. Ils sont encore uti lisés car efficaces et peu onéreux. Le seul véritable effet secondaire est le risque de causalgies, ce qui les fait réserver aux nerfs à faible contingent sensitif. Ces injections ont l’avantage de permettre d’étendre le traitement à de très nombreux sites chez une même personne, ce qui n’est pas pos sible avec la toxine botulinique compte tenu des doses maximum facilement atteintes. Il n’est pas recommandé de procéder à plusieurs alcoolisations d’un même tronc nerveux, l’alternative chirurgicale étant alors recommandée. • Baclofène intrathécal Autant le baclofène per os est très peu efficace, car le passage de la barrière hématoméningée est limité, autant il est particulièrement efficace en intrathécal direct. La diffusion du baclofène peut alors être pratiquée par la pose neurochirurgicale d’un cathéter avec une pompe à diffusion continue. Ce traitement est réservé aux spasticités sévères gênant les postures, le nursing, le repos, mais parfois aussi interférant avec l’autonomie, voire la marche. Un ou plusieurs tests par injections en ponction lombaire ou implantation d’un site transitoire doivent être effectués auparavant. Les risques de surdosage avec troubles de vigilance et respiratoires doivent faire pratiquer ces tests par des équipes spécialisées (première dose de 50 μg chez l’adulte jusqu’à une dose maxi mum de 150 μg). Les risques se condaires, infectieux et de déplacement de cathéter doivent faire peser les indications prudemment. Les meilleures indications du baclofène intrathécal sont la spasticité du blessé médullaire et de la sclérose en plaques, plus rarement après un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien. • Chirurgie Les techniques neurochirurgicales ont pour objectif d’atténuer l’hyperactivité musculaire. Le plus souvent, il s’agit de neurotomie effectuée par section partielle de 3/4 ou 4/5 d’un tronc nerveux. La chirurgie orthopédique peut avoir plusieurs objectifs : l’allongement d’un muscle et/ou d’un tendon, la fixation d’une articulation instable (arthrodèse), la réinsertion tendineuse de certains muscles pour en modifier le rôle fonctionnel. Le recours aux interventions chirurgicales doit être souvent envisagé, au mieux lors de consultations médico-chirurgicales spécialisées, particulièrement lorsque l’hyperactivité musculaire est sévère, lorsqu’il y a des rétractions fonctionnellement gênantes ou une instabilité du membre inférieur par anomalie de position du pied à la marche, par exemple.

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