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Profession, Société

Publié le 11 jan 2015Lecture 13 min

Quand recourir à la Commission permanente des permis de conduire ?

A. BÉHIN, J.-M. LÉGER, Neurologues agréés, membres de la Commission départementale d’appel des permis de conduire de Paris
La nécessité d’acquérir des connaissances spécifiques et de faire preuve de certaines capacités psychomotrices pour conduire un véhicule automobile est reconnue depuis longtemps par la loi, puisque dès 1893, le préfet de police Louis Lépine rendait obligatoire l’obtention d’un « certificat de capacité » pour conduire à Paris. L’intensification du trafic automobile, le progrès des connaissances médicales et des exigences de plus en plus fortes en matière de sécurité routière ont conduit les autorités à se préoccuper des conséquences de l’état de santé sur l’aptitude de tout individu à conduire.
Une pathologie peut en effet obérer les capacités d’un individu de bien des manières : ainsi, elle peut entraîner un handicap permanent, posant la question d’un possible aménagement du véhicule, rendu plus facile par les progrès technologiques, ou ne générer qu’un risque potentiel, comme c’est le cas avec l’épilepsie, chez un patient qui présente habituellement un état de santé compatible avec la conduite automobile hors du risque de crises. Une maladie posera des problèmes différents selon qu’elle est présente avant l’acquisition du permis de conduire ou bien si elle survient chez un patient conduisant depuis de nombreuses années. C’est dire toute la complexité de l’évaluation médicale de l’aptitude à la conduite. Dans le cadre neurologique, la situation est encore souvent compliquée par l’association à des signes déficitaires évidents (hémiparésie, atteinte motrice d’origine neuropathique ou myopathique, ataxie, etc.) de manifestations plus subtiles, notamment cognitives, qui ne permettront d’apprécier pleinement les capacités du patient qu’après un examen d’aptitude relevant de centres spécialisés utilisant des simulateurs ou mettant le patient en conditions réelles de conduite.   Le cadre réglementaire   L’article R412-6 du code de la route indique que tout conducteur de véhicule doit se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent. L’examen d’un patient présentant un problème de santé sus ceptible de retentir sur de telles capacités relève d’une commission médicale permanente départementale établie par le préfet. Son organisation actuelle est définie par l’arrêté du 7 mars 1973, modifié par les arrêtés du 7 novembre 1975 et du 16 août 1994. La loi prévoit en fait deux commissions : • une commission primaire, constituée de médecins généralistes agréés, désignés pour une durée de 2 ans par arrêté préfectoral sur avis du médecin inspecteur départemental de la santé ; l’agrément est accordé après une formation médicale de 3 jours sur des thèmes liés à la sécurité routière, si les médecins candidats ne peuvent attester d’un diplôme comportant une formation spécifique à la sécurité routière ; • une commission d’appel,constituée au minimum de : – trois médecins généralistes agréés, choisis par le préfet et différents de ceux appartenant à la commission primaire. – trois médecins spécialistes appartenant aux principales disciplines médicales et chirurgicales, dont la neurologie. Après avis de la commission primaire, la plupart des cas relevant d’une pathologie neurologique vont être référés à la commission d’appel, dans la mesure où l’avis du spécialiste est indispensable pour statuer sur l’aptitude à la conduite. La liste (non exclusive) des affections médicales incompatibles avec l’obtention ou le maintien du permis de conduire ou pouvant donner lieu à la délivrance de permis de conduire de durée de validité limitée est définie par l’arrêté du 31 août 2010, qui remplace l’arrêté antérieur du 21 décembre 2005 en intégrant les données de la médecine acquises dans l’intervalle. La décision d’aptitude sera différente selon que le patient est conducteur d’un véhicule du groupe léger (permis A, A1, B, B1 et EB) ou d’un véhicule du groupe lourd (permis C, D, EC, ED et B professionnel), ce que définissent les tableaux placés en annexe de l’arrêté. Notons que la réglementation actuelle intègre les principaux éléments portés dans la directive européenne 91/439 CEE du 29 juillet 1991 relative au permis de conduire.   Quelles sont les pathologies neurologiques concernées par la législation ?   Les pathologies neurologiques font l’objet du tableau 4 de l’annexe de l’arrêté du 31 août 2010, où elles sont groupées avec les pratiques addictives et les maladies mentales. Elles comprennent : – les troubles neurologiques, comportementaux et cognitifs (titre 4.4 du tableau annexé à l’arrêté du 31 août 2010), avec les troubles cognitifs et psychiques et les troubles permanents de la coordination, de la force et du contrôle musculaire, où peuvent s’intégrer neuropathies, myopathies, sclérose en plaques, etc. ; – les traumatismes crâniens (4.5) ; – l’épilepsie (4.6) ; – les accidents vasculaires cérébraux (4.7). Se rattachent à la neurologie les troubles du sommeil (4.3) et les médicaments susceptibles d’obérer la capacité de conduite ou le comportement des conducteurs (4.2). On retrouve toutefois dans d’autres tableaux des éléments qui participeront à l’évaluation globale du patient ; par exemple, les anomalies de l’acuité (2.1.1) et du champ (2.1.2) visuels font l’objet de dispositions particulières. Notons, par ailleurs, que l’avis de la commission sera systématiquement sollicité chez des personnes ayant eu leur permis suspendu ou restreint pendant plus d’1 mois ou en cas d’annulation ; dans ce dernier cas, le sujet subira des tests psychotechniques avant de se présenter à la commission.   Quand doit-on recourir à la Commission des permis de conduire ?   Dès lors qu’une pathologie entre dans le cadre ci-dessus, le recours à la Commission permanente des permis de conduire est indispensable. Il appartient au patient de solliciter la commission établie dans le département où il est domicilié. Rappelons qu’en cas d’accident, sa responsabilité peut être mise en cause s’il n’a pas fait état de son état de santé réel actuel, et que les garanties de son assurance automobile pourront ne pas s’appliquer. Un tel état de fait ne manquera pas d’avoir des conséquences dramatiques si l’accident a entraîné un préjudice corporel ou matériel. Toutefois, c’est au neurologue traitant qu’il incombe d’informer le patient et de l’inciter à entreprendre cette démarche. Le défaut d’information du patient par le médecin pouvant lui être reproché, il importera donc de garder une trace écrite des recommandations faites au patient. Après l’avoir informé oralement, il conviendra d’adresser un courrier rappelant ce qui a été dit, en prenant soin d’en donner copie au médecin traitant, ce qui constituera une manière simple d’établir la preuve que l’information a bien été donnée.   Épilepsie et conduite   L’épilepsie constitue l’un des principaux motifs de recours à la Commission médicale. L’arrêté du 31 août 2010 considère logiquement que « les crises d’épilepsie [...] constituent un danger grave pour la sécurité routière lorsqu’elles surviennent lors de la conduite d’un véhicule à moteur». De fait, autoriser à conduire un patient présentant une épilepsie constitue une tolérance, justifiée en ce qui concerne les véhicules du groupe léger par l’évolution des connaissances, dans la mesure où nombre de patients sont parfaitement contrôlés sous traitement et où d’autres ne feront qu’une crise isolée. Dans le cas des véhicules du groupe lourd, la plus grande réserve reste de règle, la conduite n’étant possible que dans des cas exceptionnels. Un patient épileptique qui souhaite passer le permis de conduire en fera la déclaration lors de son inscription à son auto-école et sera convoqué par la Commission départementale pour un examen médical qui statuera sur son aptitude. En cas de diagnostic d’épilepsie chez un patient conducteur, son médecin l’informera de l’interdiction de prendre le volant jusqu’à l’avis de la Commission départementale, que le patient devra solliciter une fois l’épilepsie stabilisée et/ou contrôlée. Indépendamment de toute visite périodique, la commission sera de nouveau sollicitée après une période d’interdiction si les caractéristiques de l’épilepsie évoluent (nouvelle crise, aggravation de l’épilepsie, par exemple dans un contexte lésionnel, sevrage médicamenteux, etc.). Soulignant l’importance d’une identification précise du type de crise et du syndrome épileptique dont souffre un patient donné, l’arrêté du 31 août 2010 définit comme épileptique « une personne qui subit deux crises d’épilepsie ou plus en moins de 5 ans ». Il distingue aussi deux cas particuliers : la crise d’épilepsie provoquée, définie comme « une crise déclenchée par un facteur causal identifiable qui peut être évité », et la crise initiale ou isolée. Comme nous l’avons dit plus haut, l’aptitude à la conduite dépendra du type de permis : • pour les véhicules du groupe léger : – le permis de conduire d’un patient épileptique fait l’objet d’un examen médical périodique tant que le conducteur n’est pas resté 5 ans sans faire de crise. Au-delà, la délivrance d’un permis sans limitation de durée de validité pour raison médicale peut être envisagée (titre 4.6.1 de l’arrêté du 31 août 2010), – en cas de crise provoquée, si celle-ci est due à un facteur causal identifiable, peu susceptible de se reproduire au volant, la décision d’autoriser la conduite sera déterminée d’après l’avis d’un neurologue au cas par cas (titre 4.6.2), – en cas de première crise non provoquée ou de crise unique, l’aptitude à la conduite peut être prononcée après 6 mois sans crise, à condition qu’un examen médical ait été effectué (titre 4.6.3), – en cas de crises survenant exclusivement durant le sommeil ou sans effet sur la conscience ou la capacité d’action, le patient peut être déclaré apte si le schéma de crises reste observé durant une période d’1 an (titres 4.6.6 et 4.6.7) , – en cas de crise due à une modification ou à l’arrêt d’un traitement anticomitial ordonné par un médecin, une recommandation d’arrêt de la conduite durant 6 mois est licite. Si, après une crise survenant alors que le traitement médicamenteux a été modifié ou arrêté sur avis médical, un traitement antérieurement efficace est réintroduit, une période de 3 mois sans conduire doit être respectée (titre 4.6.8), – après une chirurgie de l’épilepsie, on interdira la conduite pour une période d’1 an (titre 4.6.9) ; • pour les véhicules du groupe lourd : – d’une manière générale, l’autorisation de conduire ne peut être accordée qu’à un patient bénéficiant d’un suivi médical approprié (comprenant EEG et examen neurologique), après un délai sans crise et sans aucun traitement anticomitial de 10 ans (titres 4.6.1 et 4.6.5). Ce délai peut être raccourci si les indicateurs pronostiques sont bons (...) après un avis médical approprié, notamment dans certains cas d’épilepsie juvénile ; – en cas de crise provoquée par un facteur causal identifiable et peu susceptible de se reproduire au volant, l’aptitude sera déterminée après l’avis d’un neurologue, au cas par cas (titre 4.6.2.) ; – en cas de première crise non provoquée ou de crise unique, le patient pourra être déclaré apte, toujours après l’avis d’un neurologue, après 5 ans sans crise et sans traitement (titre 4.6.3) ; – en cas de « lésion intracérébrale structurelle », la conduite est interdite jusqu’à ce que le risque d’épilepsie soit au maximum de 2 % par an. La décision prise par les médecins de la Commission départementale se fondera en grande partie sur le rapport d’un neurologue, si possible le neurologue traitant. Il convient de souligner le caractère essentiel de ce document, qui détaillera au mieux le diagnostic précis de l’épilepsie, son traitement, l’observance de celui-ci, la date et les circonstances de la dernière crise et les résultats des données paracliniques (EEG, IRM cérébrale) et permettra une évaluation du risque de récidive.   Handicap et conduite   Quelle que soit sa nature, un handicap peut entraîner une limitation des capacités à la conduite et justifie donc de se poser la question de l’aptitude de chaque patient à prendre le volant. La situation diffère quelque peu selon qu’il s’agit d’un handicap fixé (par exemple séquelle de poliomyélite ou d’accident vasculaire cérébral) ou évolutif (par exemple chez un patient atteint de myopathie) ; dans ce dernier cas, le patient sera réévalué périodiquement, selon un rythme qui dépendra de son âge et de l’évolutivité de sa pathologie. Un problème à part reste celui des pathologies comportant une dimension cognitivo-comportementale, en particulier les démences. En dehors de cas d’incapacité patente, la décision de la commission devra se fonder sur un bilan neuropsychologique détaillé et, si possible, sur une évaluation de la conduite par un centre agréé, ainsi que sur l’interrogatoire de l’entourage, permettant de connaître les conditions réelles de l’utilisation du véhicule (en ville ? à la campagne ? sur un trajet connu ?). Les progrès techniques ont permis de concevoir de nombreux dispositifs permettant d’adapter un véhicule à des personnes souffrant d’une infirmité d’ordre moteur. En dehors de quelques situations simples (voiture automatique chez un patient présentant un déficit modéré des membres inférieurs) ne requérant pas d’avis complémentaire, une évaluation pluridisciplinaire, réalisée dans un centre spécialisé, permettra de définir précisément les besoins du patient, mais aussi d’établir avec lui un véritable programme de mise en oeuvre des recommandations, dont le coût dépasse souvent les possibilités du patient et justifie la mise en oeuvre de financements spécifiques. La décision de la commission départementale se fondera largement sur le rapport de cette évaluation. Comme dans le cadre de l’épilepsie, l’autorisation de conduire un véhicule du groupe lourd ne sera délivrée qu’exceptionnellement.  

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