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Sclérose en plaques

Publié le 31 déc 2012Lecture 9 min

SEP et vaccins : l'état des lieux

S. MREJEN, C. PAPEIX, département de Neurologie, hôpital de la Salpêtrière, Paris
Les vaccins représentent l’une des plus grandes avancées de la médecine en termes de vies sauvées et de morbidité évitée. Il est donc primordial que, comme les autres, les personnes atteintes de SEP puissent en bénéficier. Ceci est d’autant plus souhaitable que les infections, dont certaines sont évitables par des vaccins, sont connues pour augmenter le risque de survenue et la sévérité des poussées.
Si dans leur ensemble les vaccins actuels sont remarquablement efficaces et sûrs, ils peuvent néanmoins avoir, comme tout produit de santé, des effets indésirables. Ces derniers peuvent être liés à l’antigène vaccinal lui-même, mais aussi à toute autre substance contenue dans le vaccin, qu’il s’agisse d’un adjuvant, d’un conservateur ou d’un éventuel contaminant.   Implantation des vaccins dans la SEP Le caractère dysimmunitaire de la SEP et la nécessaire réaction immune provoquée par les vaccins font que ces derniers sont souvent suspectés de favoriser des poussées de SEP, voire de causer la maladie elle-même. Ce sujet a récemment fait l’objet d’une métaanalyse(1) et d’un article de revue(2). Les principales théories étayant ces hypothétiques risques sont le mimétisme moléculaire (partage d’épitopes entre une substance contenue dans le vaccin et un constituant de l’hôte) et l’activation bystander (activation de cellules autoréactives par une stimulation non spécifique). Lorsqu’un événement démyélinisant se produit après une vaccination, un certain nombre de questions se posent : • S’agit-il d’un événement inaugural ou d’une rechute ? S’il s’agit d’un premier événement, correspond- il à une poussée de SEP ou à une encéphalomyélite aiguë disséminée (EMAD)? L’EMAD, une autre affection démyélinisante, succède en effet parfois à une vaccination. Dans sa forme classique, elle évolue de façon monophasique et comporte en IRM des lésions multiples d’âge identique. Le risque de survenue de cette complication est, cependant, bien moindre que ce qu’il serait avec l’infection correspondante (exemple du vaccin rougeoleux et de la rougeole) et a considérablement diminué depuis que la quasi-totalité des vaccins sont dépourvus de tissu nerveux. • Si ce premier événement démyélinisant correspond bien au début clinique d’une SEP, le vaccin a-til réellement causé la maladie ou l’a-t-il seulement révélée ? En effet, la SEP ayant une phase infraclinique prolongée (pouvant durer des années, voire toute une vie), le vaccin peut avoir seulement révélé une maladie jusquelà silencieuse, en favorisant l ’émergence de la première poussée ou d’un phénomène d’Uhthoff (blocage temporaire de la conduction nerveuse sous l’effet d’une augmentation de la température corporelle). Il est possible aussi que ce premier événement soit survenu par hasard dans les suites de la vaccination. • S’il s’agit d’une rechute de SEP, des questions similaires se posent : n’est-ce qu’un phénomène d’Uhthoff ou s’agit-il d’une authentique poussée ? S’il s’agit bien d’une poussée, a-t-elle été déclenchée par le vaccin ou est-elle survenue par hasard au décours de la vaccination ? La question la plus pertinente est donc celle de la causalité éventuelle entre poussées de SEP et vaccins. À ce titre, il n’y a pas de différence fondamentale entre la première poussée et les suivantes dans la mesure où, répétons-le, la SEP a souvent une phase infraclinique prolongée.   Vaccinations des patients atteints de SEP Il existe deux grands types de vaccins : les vaccins vivants (atténués) et les vaccins non vivants (tableau). Ces derniers peuvent être inactivés, recombinants ou anatoxiniques. Les vaccins vivants sont réputés plus immunogènes que les vaccins non vivants du fait de la réplication microbienne et ils seraient pour cette raison plus susceptibles que les seconds de favoriser la survenue d’une poussée chez les patients SEP. Par ailleurs, du fait de leur potentiel infectieux, les vaccins vivants sont généralement contre-indiqués en cas de traitement immunosuppresseur, classique (mitoxantrone, cyclophosphamide, azathioprine, méthotrexate, mycophénolate mofétil) ou sélectif (natalizumab, fingolimod). Pour cette raison, les patients non immunisés contre la varicelle doivent être vaccinés contre cette maladie suffisamment tôt avant de débuter un traitement immunosuppresseur (seconde injection vaccinale au moins un mois avant le début du traitement). Le risque infectieux des vaccins vivants n’existe pas avec les traitements immunomodulateurs (interféron β ou acétate de glatiramère). Les vaccins non vivants peuvent par nature être administrés sans risque infectieux en cas de traitement immunosuppresseur (classique ou sélectif), mais ils pourraient être moins immunogènes sur ce terrain et donc moins efficaces. Il peut alors être utile de réaliser une sérologie après la vaccination afin de s’assurer de son efficacité. Les traitements immunomodulateurs par interféron β ou acétate de glatiramère ne semblent pas diminuer l’immunogénicité des vaccins, qu’ils soient vivants ou non.     Les risques de chaque vaccin Vaccin contre l’hépatite B Rappelons que l’hépatite B est une maladie gravissime (risque de décès par cirrhose hépatique, carcinome hépatocellulaire ou hépatite fulminante), très répandue dans le monde et évitable grâce à ce vaccin efficace (et recombinant). La polémique est née en France dans les années 1990 au cours d’une campagne de vaccination massive ayant ciblé les nourrissons et les enfants d’âge scolaire, mais aussi les jeunes adultes. Un cer tain nombre de cas de SEP se sont en effet déclarés dans cette dernière sous-population de vaccinés sans que l’on sache à ce moment s’il s’agissait d’une coïncidence (puisque c’est l’âge habituel où la SEP débute dans la population générale) ou d’une conséquence(3). De nombreuses études épidémiologiques ont été menées pour répondre à cette question. Leurs résultats convergent vers l’absence de relation de causalité entre ce vaccin et la survenue d’une SEP(4,5) ou de poussées(6,7), que ce soit chez l’adulte(4,6) ou chez l’enfant(5,7). Il n’y a donc pas lieu de le déconseiller ni aux personnes atteintes de SEP, ni à leurs apparentés (en particulier leurs enfants), ni à la population générale.   Vaccin antitétanique Une revue systématique de la littérature consacrée à ce vaccin a conclu à un effet protecteur vis-àvis de la SEP : il diminue d’un tiers le risque de développer cette maladie(8). De plus, chez les patients ayant une SEP, ce vaccin n’augmente pas le risque de poussées et pourrait même le diminuer, particulièrement lorsqu’il est associé au vaccin diphtérique ou poliomyélitique(6).   Vaccin antidiphtérique Il existe quelques éléments de preuve en faveur d’un effet protecteur de ce vaccin anatoxinique sur le risque de développer une SEP(1). Il pourrait également diminuer le risque de poussée lorsqu’il est associé au vaccin antitétanique(6).   Vaccin antipoliomyélitique Ce vaccin inactivé n’a pas d’effet sur le risque de développer une SEP1. Il pourrait diminuer le risque de poussée lorsqu’il est associé au vaccin antitétanique(6).   Vaccin contre la fièvre jaune La métaanalyse récente consacrée aux vaccinations et au risque de SEP conclut que les preuves sont insuffisantes pour accréditer un quelconque rôle de ce vaccin vivant sur le risque de développer une SEP1. Le vaccin contre la fièvre jaune a fait l’objet d’une étude récente de type « self-controlled case series » afin d’évaluer son risque éventuel de déclencher une poussée de SEP(9). Elle a comparé chez 7 patients ayant une SEP récurrente-rémittente le taux annualisé de poussées pendant la période dite « à risque » (définie comme débutant une semaine après la vaccination et s’achevant 5 semaines plus tard), à ce même taux durant la période « non à risque ». Une multiplication par 12 du risque de poussées y a été trouvée. En conséquence, la décision ou non d’administrer le vaccin aux patients SEP devant se rendre en zone d’endémie amarile (Afrique subsaharienne, Amérique du Sud) devrait se fonder sur une mise en balance soigneuse du risque de poussées et de la probabilité d’exposition au virus de la fièvre jaune.   Vaccin contre la grippe saisonnière Le risque de développer une SEP n’est pas augmenté par ce vaccin inactivé(1). Une étude contrôlée, en double aveugle contre placebo, a suivi pendant 6 mois 104 personnes atteintes de SEP récurrente-rémittente (RR) afin d’évaluer le risque de poussées qui pourrait être associé à ce vaccin. Elle n’a pas mis en évidence de différence significative du taux de poussées entre vaccinés et non vaccinés(10). Une autre étude, rétrospective celle-ci, ayant porté sur 180 personnes atteintes de SEP RR, a estimé le risque de poussées, dans les 6 semaines, à 33 % après la grippe contre 5 % après la vaccination grippale(11). Ce vaccin peut donc être recommandé en cas de SEP.   BCG Ce vaccin vivant ne paraît pas associé à une augmentation du risque de développer une SEP1. Son éventuel effet sur le risque de poussées n’a pas été suffisamment étudié.   ROR (rougeole, oreillons, rubéole) Une méta-analyse récente conclut à l’absence de modification du risque de SEP en cas de vaccination préalable par ce triple vaccin vivant(1). En revanche, l’effet du ROR sur l’évolution de la SEP n’a pas été suffisamment étudié.   Vaccin antityphoïdique Ce vaccin polyosidique ne modifie pas le risque de développer une SEP(1). Son effet sur l’évolution de la SEP n’a pas été suffisamment étudié.   Vaccin contre l’encéphalite à tiques Il n’y a pas de données sur ce vaccin inactivé et le risque de SEP. Il ne semble pas avoir d’influence sur l’activité de la maladie(2).   Autres vaccins Il n’existe pas suffisamment de données concernant le risque de SEP, ni celui de poussées de la maladie pour les vaccins suivants : varicelle, papillomavirus humains, coqueluche, rage, pneumococcies, méningococcies, Hæmophilus influenzæ B, encéphalite japonaise, hépatite A, leptospiroses, grippe H1N1, choléra et rotavirus.

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