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Neuropathie

Publié le 07 avr 2008Lecture 8 min

Reconnaître les compressions du nerf médian au coude

J.-L. PELLAT*, E. SENBEL**, *Institut de la main et du membre supérieur, Clinique Monticelli, Marseille **Électromyographie, Marseille
Les compressions du nerf médian au coude sont de loin moins fréquentes (100 fois moins) que celles du nerf médian au poignet. Mais elles méritent tout de même d’être bien connues du fait des complications qu’elles peuvent engendrer en l’absence de traitement.
On peut distinguer deux syndromes : le syndrome du pronator teres et le syndrome du nerf interosseux antérieur. Bien que ces deux syndromes aient des symptomatologies différentes, ils se rapprochent dans leurs étiologies et dans leurs signes électromyographiques. Par exemple, ils peuvent se retrouver dans le cadre de mouvements répétitifs. Sur le plan historique, on doit à Duchenne de Boulogne la description, en 1872, du premier cas de paralysie isolée du long fléchisseur du pouce et, à Seyffarth, celle du syndrome du pronator teres en 1951. Rappels anatomiques Le nerf médian a pour origine les racines C6-C7 par la racine externe du tronc secondaire latéral et C8-D1 par la racine interne du tronc secondaire médial du plexus brachial. Il chemine ensuite dans le bras au niveau de la gouttière bicipitale interne, puis au niveau du tiers inférieur. Il se trouve sur le versant médial du tendon bicipital et se superficialise en passant au travers de l’expansion aponévrotique du biceps. Le nerf médian ne donne des branches motrices ou sensitives qu’à partir de la gouttière bicipitale avec des branches pour les muscles épitrochléens (pronator teres, palmaris longus, flexor carpi radialis) et le fléchisseur commun superficiel. Il court ensuite sur le pronator teres où il donne naissance au nerf interosseux antérieur (6 cm en aval de l’épicondyle) (figure 1). Celui-ci passe ensuite sous l’arcade aponévrotique du fléchisseur commun superficiel (figure 2). Figure 1. Nerf médian avec ses branches de divisions et le nerf interosseux antérieur (pronateur teres en arrière-plan). Figure 2. Arcade aponévrotique du fléchisseur commun superficiel. Ce nerf interosseux antérieur innerve le long fléchisseur du pouce, une partie du fléchisseur commun profond (2e ± 3e doigt), puis distalement le carré pronateur où il se termine avec des branches sensitives à destinée de l’articulation du poignet. Étiologies des compressions du nerf médian au coude Elles sont nombreuses, mais souvent l’apparition des symptômes se fait de façon spontanée. On évoque alors des prédispositions anatomiques. Les sites de compressions peuvent se retrouver au niveau des trois traversées qui sont : - l’expansion aponévrotique du biceps (lacertus fibrosus) ; - l’un des chefs du pronator teres qui joue le rôle de billot ; - l’arcade aponévrotique du fléchisseur commun superficiel. D’autres raisons anatomiques ont été invoquées pour expliquer certaines compressions : - une apophyse sus-épitrochléenne ; - le ligament tendu entre cette apophyse et l’épitrochlée (ligament de Struthers) ; - des muscles surnuméraires (palmaire profond, court palmaire) ; - des anomalies musculaires (muscle de Gantzer : chef cubital surnuméraire du muscle long fléchisseur du pouce) ; - des arcades vasculaires. Des causes traumatiques ont été rapportées (fracture supracodylienne de l’humérus, fracture de Monteggia, luxation du coude), de même que des causes tumorales. Une paralysie du nerf interosseux antérieur peut entrer dans le cadre d’un syndrome de Parsonage et Turner, mais s’associe le plus souvent à une atteinte motrice plus proximale. Le syndrome du pronator teres Son diagnostic est difficile et la confusion est aisée avec une compression à un autre étage (cervical ou poignet). Anamnèse La symptomatologie apparaît le plus souvent après des efforts et, en particulier, des mouvements répétitifs en prono-supination. Fait marquant, elle s’atténue voire disparaît au repos et, en particulier, la nuit. Cette chronologie permet la distinction avec le syndrome du canal carpien. La symptomatologie apparaît le plus souvent après des mouvements répétitifs en prono-supination. On retrouve des douleurs au niveau de l’avant-bras, une fatigabilité importante et des paresthésies dans le territoire du nerf médian à la main (pouce, index, médian et moitié radiale de l’annulaire). Cette symptomatologie s’installe progressivement et de façon insidieuse. Dans les antécédents du patient, on retrouve souvent une chirurgie du canal carpien sans grand succès. Examen clinique La palpation profonde du tiers antérieur de l’avant-bras peut déclencher une vive douleur voire plus rarement des paresthésies. Dans la moitié des cas, on retrouve un signe de Tinel en regard de la compression. La symptomatologie peut apparaître après plusieurs mouvements de prono-supination. M. Spinner a décrit trois tests dynamiques : - flexion du coude et supination contre résistance ; - pronation de l’avant-bras contre résistance ; - flexion de l’interphalangienne proximale du médius contre résistance. Ces tests déclenchent des paresthésies voire des douleurs. On ne retrouve pas de signes cliniques évoquant un syndrome du canal carpien (sauf compression à deux étages). Électromyogramme Du fait du caractère dynamique de la compression, cet examen est délicat et il ne faut pas hésiter à le répéter en cas d’examen négatif et d’une clinique très évocatrice. L’examinateur doit s’attarder à explorer les conductions sensitivo-motrices proximales, mais aussi distales au niveau du canal carpien. Une atteinte des muscles thénariens externes, associée à une conduction motrice normale à travers le canal carpien doit évoquer une compression proximale. Une diminution isolée de l’amplitude de la réponse sensitive distale, sans neuropathie sous-jacente est évocatrice. On s’attachera particulièrement à rechercher un bloc de conduction entre la stimulation au bord interne du bras et le pli du coude lors du recueil au court abducteur du pouce, ainsi qu’à une dénervation des muscles sous-jacents à la compression (palmaris longus, flexor carpi radialis, fléchisseur commun superficiel, muscles dépendant du nerf interosseux antérieur) à l’avant-bras et à la main. Le syndrome du nerf interosseux antérieur À l’opposé, ce syndrome se caractérise par une atteinte essentiellement motrice avec une atteinte du long fléchisseur du pouce, du carré pronateur et du fléchisseur commun profond de l’index et du médius. Anamnèse Le déficit moteur apparaît le plus souvent brutalement, précédé de vagues douleurs dans le tiers proximal de l’avant-bras. Ce déficit moteur n’est pas associé à des troubles sensitifs. Le motif de consultation est soit le déficit moteur, soit le plus souvent l’apparition d’une maladresse et d’une faiblesse musculaire. En effet, la symptomatologie varie de la paralysie complète à la parésie et de l’atteinte isolée du long fléchisseur du pouce à l’association avec la paralysie du fléchisseur profond de l’index. Le motif de consultation est le plus souvent l’apparition d’une maladresse et d’une faiblesse musculaire. Examen clinique L’atteinte motrice domine le tableau. On retrouve un déficit de flexion active de l’interphalangienne du pouce et de l’interphalangienne distale de l’index. Le déficit moteur du carré pronateur est très difficile à mettre en évidence cliniquement (faiblesse en pronation coude fléchi). À l’examen, le patient ne peut faire une pince pollici-digitale termino-terminale en forme de O, mais en forme de bec de canard (figures 3 et 4). Figure 3. Pince normale termino-terminale. Figure 4. Pince en « bec de canard ». Souvent la palpation profonde de l’avant-bras provoque une douleur, mais on ne retrouve que très rarement un signe de Tinel. Électomyogramme Il est indispensable non pas tant d’un point de vue diagnostic que pronostic et permet de détecter un début de récupération infraclinique. On ne retrouve pas d’atteinte du nerf médian au poignet. L’examen porte avant tout sur la réponse au carré pronateur lors de la stimulation au pli du coude (recherche d’un allongement de latence > 5 ms ou perte d’amplitude < 3 mv, examen éventuellement comparatif). Elle doit être toujours recueillie à l’aiguille et vise à retrouver une dénervation (activité spontanée au repos, tracé appauvri neurogène à l’effort) lors de l’examen de détection. En cas d’atteinte isolée du fléchisseur du pouce, l’examen sera réalisé de la même façon en recueillant la réponse dans ce muscle. Un examen complet du membre supérieur est indispensable si on suspecte un syndrome de Parsonage et Turner ou une neuropathie motrice multifocale à bloc de conduction. Dans tous les cas, les radiographies peuvent montrer une apophyse sus-épitrochléenne ou des séquelles post-traumatiques. En cas de doute sur une étiologie tumorale, une échographie et une IRM peuvent aider au bilan. Diagnostic différentiel • Autres compressions du nerf médian, distinguées par la clinique et l’EMG. • Rupture du tendon long fléchisseur du pouce reconnue par l’examen clinique (la mise en extension du poignet, de la trapézo-métacarpienne et de la métacarpo-phalagienne fait fléchir le pouce passivement en cas de compression du nerf interosseux antérieur du fait de la présence du tendon) et par l’échographie (canal digital vide). Traitement Dans le syndrome du pronator teres, la suppression des mouvements répétitifs est fondamentale. La limitation de la flexion extension du coude et de la prono-supination par le port d’attelle ou de bras en écharpe peut aider à la récupération. Des infiltrations ont été proposées de même que des traitements par des AINS par voie orale. Pour certains auteurs, la récupération est effective dans 50 % des cas et justifie le traitement médical. Pour d’autres, une chirurgie précoce est garante d’une récupération plus sûre et complète. Elle permet d’explorer le nerf médian dans sa totalité et de lever les sites compressifs. Elle est d’autant plus précoce que la compression est sévère et mal supportée ou si on retrouve une étiologie tumorale. Une attitude raisonnable pourrait être un traitement médical précédé d’un EMG en cas d’absence d’étiologie puis à 3 mois, un nouveau bilan médico-électromyographique indiquerait, en cas d’absence d’amélioration ou en cas d’aggravation une exploration chirurgicale. Les résultats de la libération chirurgicale sont bons dans les trois quarts des cas.

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