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Accident vasculaire cérébral

Publié le 09 oct 2008Lecture 12 min

Indications opératoires dans les hémorragies cérébrales spontanées

F. PROUST, S. DERREY, S. LEVESQUE Université de Rouen, Faculté de Médecine, Service de Neurochirurgie, Hôpital Charles-Nicolle, CHU de Rouen
Les objectifs du traitement chirurgical des hémorragies cérébrales spontanées sont de réduire l’hypertension intracrânienne et l’effet cytotoxique sur les tissus avoisinants. Différentes techniques opératoires parviennent efficacement à réduire le volume des hématomes, mais la décision opératoire doit être évaluée en fonction de la localisation de l’hémorragie, des comorbidités et du bénéfice fonctionnel attendu, tout en privilégiant un traitement précoce.
Les hémorragies cérébrales spontanées (HCS), définies par une extravasation de sang intraparenchymateuse en l’absence de traumatisme ou de chirurgie, sont de nature primaire ou secondaire. Les HCS secondaires, dont les principales étiologies sont les anomalies vasculaires, les anomalies de la crase sanguine, les tumeurs ou les prises de toxiques, sont rares et la majorité des HCS sont primaires (« spontanées » stricto sensu). Représentant 70 à 80 % des HCS, ces dernières sont dues en réalité à des lésions pariétales des artérioles en relation avec une hypertension artérielle ou une angiopathie amyloïde. D’incidence annuelle 15/100 000 habitants, l’HCS est un accident vasculaire cérébral à haut risque, puisque à 6 mois, le taux de mortalité est de 30- 50 % et que l’indépendance fonctionnelle est obtenue chez uniquement 20 % des survivants (1). Ces conséquences fonctionnelles sont à mettre sur le compte de la destruction parenchymateuse liée à l’hémorragie, mais aussi de l’hypertension intracrânienne et de l’effet cytotoxique de cet hématome sur les tissus avoisinants. Ces deux derniers facteurs sont les objectifs du traitement chirurgical. Celui-ci consiste en une ablation de l’hématome par une approche chirurgicale la moins invasive possible, afin de ne pas majorer les lésions déjà liées à l’HCS, le traitement médical étant constamment mis en oeuvre. Malgré des techniques chirurgicales, aujourd’hui diversifiées, les indications opératoires de l’HCS spontanée restent imprécises, car leur bénéfice fonctionnel est l’objet de controverses. Les techniques opératoires Si l’évacuation microchirurgicale par craniotomie constitue la technique de référence classique, d’autres procédures ont été développées ces dernières années faisant appel à des approches stéréotaxiques ou endoscopiques. Procédure microchirurgicale Par une craniotomie, elle consiste à pratiquer une corticotomie de petite taille centrée en zone corticale non fonctionnelle pour évacuer par voie transgyrale l’hématome collecté (2). Un volet osseux de taille réduite permet une évacuation soigneuse sous microscope opératoire jusqu’à l’interface parenchyme-hématome et de réaliser, sous contrôle visuel, une micro-électrocoagulation rigoureuse. Cette technique est adaptée pour les HCS lobaires, car leur topographie superficielle autorise une approche économe, malgré des conditions d’hypertension intracrânienne. Les HCS lobaires s’organisant communément selon un axe antéro-postérieur, une approche polaire permet de respecter au mieux les tractus de la substance blanche. Les problèmes de cette exposition microchirurgicale sont de deux ordres :   le premier est la topographie de l’HCS. Si une HCS lobaire est facile d’accès par cette approche, une situation profonde au contact des noyaux gris centraux peut être difficile à exposer, majorant les lésions de cette région hautement fonctionnelle. Pour cette raison, certains auteurs préconisent le recours à un imageur peropératoire qui réduirait les lésions liées à l’approche transgyrale ;   le second problème est la cause de l’HCS spontanée. L’hypertension artérielle crée des HCS bien limitées, denses, disséquantes, dont l’évacuation est aisée. En revanche, l’angiopathie amyloïde induit des HCS en « flaque » peu disséquantes, dont l’hémostase est difficile comme en témoigne le haut risque de récidive postopératoire. Au niveau de la fosse postérieure, l’approche par voie sousoccipitale étant nécessaire pour évacuer les HCS cérébelleux hémisphériques, la dérivation du liquide cérébrospinal doit être associée. L’hypertension artérielle crée des HCS bien limitées, denses, disséquantes, dont l’évacuation est aisée. Procédure stéréotaxique Décrite depuis les années 70 (3), cette procédure consiste en l’utilisation d’un cadre de stéréotaxie pour placer l’extrémité d’une canule dans l’hématome. Ce cadre fixé sur la boîte crânienne permet de déterminer les coordonnées dans les trois plans de l’espace d’un point-cible défini dans l’hématome. Le point d’entrée, fixé selon la même procédure, rend possible l’établissement d’une trajectoire linéaire et, permet ainsi d’introduire l’extrémité d’un trocart dans l’hématome qui autorise le lavage-aspiration de celui-ci. Sa liquéfaction préalable par un thrombolytique en facilitera l’évacuation. La valeur de cette procédure a été discutée en ce qui concerne son efficacité en termes de réduction de volume de l’HCS. En effet, contrairement à ce qui se passe avec l’approche microchirurgicale, aucun contrôle visuel de l’évacuation n’est possible. La trajectoire est unique et l’on ne peut modifier la position du trocart pour optimiser l’évacuation de l’hématome. Cependant, différentes études de faisabilité ont montré l’efficacité de cette procédure pour réduire significativement le volume de l’HC, et limiter ainsi les conséquences de l’effet de masse initial lié au volume de l’HC mais aussi à l’oedème périhématique réactionnel. L’instillation de substances liquéfiant l’HC améliore les résultats, sans majorer les effets adverses. L’usage de thrombolytiques comme l’urokinase est rapporté depuis les années 90. J.M. Montes et coll. (4), sur une série prospective monocentrique de 12 patients avec HCS profonde ou lobaire, ont observé une réduction de 57 % du volume après une instillation d’urokinase suivie d’une aspiration- lavage. D’autres auteurs (5) ont proposé l’instillation d’un activateur du plasminogène (rt-PA) avant l’aspiration-lavage chez 27 patients traités pour HC profonde : le volume prétraitement était de 52 ml et le volume posttraitement était de 17 ml. Malgré l’efficacité de ces mesures sur le volume de l’HCS, aucun de ces travaux n’a démontré une quelconque efficacité fonctionnelle. Malgré l’efficacité de ces mesures sur le volume de l’HCS, aucun de ces travaux n’a démontré une quelconque efficacité fonctionnelle. Procédure endoscopique L’autre procédure mini-invasive est l’approche endoscopique, qui consiste en l’utilisation d’un endoscope rigide, dont l’extrémité est située dans l’HCS, pour en pratiquer une aspiration-lavage. La chemise large de l’endoscope constitue un chemin d’accès plus large que le cathéter employé lors d’une procédure endoscopique. En outre, plusieurs trajectoires peuvent être utilisées au cours de la même procédure, optimisant ainsi l’évacuation de l’HCS. Proposée depuis les années 90 (6), sa simplicité de mise en oeuvre en fait une procédure de choix dans l’évacuation précoce voire ultra-précoce de l’HCS. Depuis les années 2000, les études de faisabilité ont montré l’efficacité de cette procédure sur le volume de l’HCS qui est réduit jusqu’à 90 % de sa taille initiale. La procédure est améliorée par l’utilisation d’une chemise endoscopique transparente permettant de contrôler les parois de la cavité hématique, l’absence d’irrigation nécessaire, une évacuation simple par aspiration avec un lavage final s’avérant suffisante. Les indications opératoires L’indication du traitement chirurgical de l’HCS, depuis la publication de l’essai STICH (7), a subi un net recul et pourtant celui-ci reste d’actualité dans la prise en charge de ces patients. Une distinction doit être établie entre les HCS supra- et infratentorielles car, dans ce dernier cas, la prise de décision est plus facile. Objectifs de l’indication opératoire Les objectifs de l’évacuation chirurgicale font référence à des phénomènes physiopathologiques qui s’échelonnent dans le temps. Le premier, le plus évident, est de traiter l’hypertension intracrânienne. Celle-ci est liée non seulement à la présence du processus expansif de l’hématome, mais aussi à l’oedème périhématique de constitution secondaire (8,9). Si le mécanisme de formation de cet oedème n’est pas élucidé, il semblerait, d’après un travail expérimental (10), que son apparition soit prévenue par une évacuation précoce de l’hématome. Le second objectif est de prévenir l’expansion précoce de l’HCS, dont l’incidence serait de 38 % (11). Toute la difficulté pour poser l’indication opératoire revient à déterminer le rôle que joue l’hypertension intracrânienne dans la présentation clinique, tout en évaluant au mieux le pronostic fonctionnel du patient, dont la comorbidité est parfois sévère. HCS supratentorielle L’évacuation microchirurgicale par craniotomie a été la plus largement étudiée, mais aucun des essais cliniques randomisés, réalisés depuis l’avènement de la tomodensitométrie crânio-encéphalique, n’a démontré l’intérêt de la chirurgie en termes de bénéfice fonctionnel. L’étude STICH (2005) constitue l’essai randomisé majeur sur l’HCS à cause de la taille de l’échantillon (n = 1 033) et une méthode originale d’évaluation du résultat tenant compte des caractéristiques pronostiques propres à chaque patient inclus. Aucune différence significative n’a été observée, puisque la proportion de survie à 6 mois était identique et l’évolution favorable chez 26 % du groupe chirurgical vs 24 % du bras médical. Cependant, un biais d’inclusion a affaibli considérablement les résultats de cet essai, car aucun des patients ne posait de problème d’hypertension intracrânienne. En effet, l’indécision du neurochirurgien quant au bénéfice d’une évacuation de l’HC a dicté l’inclusion, car les patients, pour lesquels l’indication chirurgicale ne posait pas de doute, étaient exclus de l’étude. Néanmoins, une recommandation de niveau II (critères de l’HAS) concerne l’HCS lobaire affleurant la surface corticale, responsable d’un effet de masse important chez des patients avec peu de comorbidités et pour lesquels la dégradation neurologique se produit secondairement. En revanche, lorsqu’un doute existe à propos de l’évacuation chirurgicale, cette dernière n’est pas à retenir comme le démontre l’essai STICH. Pour les HCS proches de la ligne médiane, c’est-à-dire au niveau des noyaux gris centraux, il n’y a actuellement aucun bénéfice à proposer une évacuation, quelle que soit la procédure utilisée. Pour les HCS proches de la ligne médiane, il n’y a actuellement aucun bénéfice à proposer une évacuation, quelle que soit la procédure utilisée. Ainsi, deux éléments peuvent guider l’indication opératoire : l’hypertension intracrânienne et la topographie de l’HCS. La plupart des neurochirurgiens s’accordent sur le fait que l’indication à l’évacuation sera retenue chez les patients jeunes (moins de 65 ans), ayant peu de comorbidité, dont la dégradation neurologique est liée à une hypertension intracrânienne ou survient secondairement après une période initiale sans ou peu de signes cliniques. L’HCS de topographie lobaire à faible distance de la surface corticale impose la réalisation d’explorations complémentaires morphologiques (forme secondaire ?), mais aussi une discussion de son évacuation microchirurgicale. Concernant les autres procédures opératoires, aucun bénéfice fonctionnel n’a été démontré, mais l’unique étude randomisée (12) intéressant la procédure stéréotaxique s’appliquait à des HCS profondes. Quant à la procédure endoscopique, aucune étude randomisée n’a été publiée à ce jour. HCS infratentorielle Le rôle du traitement microchirurgical par craniotomie est ici plus clair et les techniques miniinvasives n’ont pas leur place. Si les HCS du tronc cérébral ne font en aucun cas l’objet d’une indication chirurgicale, une intervention sur une HCS des hémisphères cérébelleux peut être discutée : l’évacuation se fait par voie sous-occipitale selon les mêmes principes que la corticotomie de petite taille, en général sans difficulté de repérage, et est associée à un drainage ventriculaire externe temporaire. Pour ces hématomes cérébelleux, quelques critères morphologiques d’indication chirurgicale semblent se dégager d’une métaanalyse récente (13) : une taille d’HCS de plus de 3 cm, un effet de masse sur le 4e ventricule et l’apparition d’une hydrocéphalie triventriculaire non communicante. Le délai d’intervention Intuitivement, l’évacuation chirurgicale précoce semble la stratégie de choix. Cependant à l’instar d’autres pathologies cérébrovasculaires comme l’anévrisme rompu, le délai idéal a donné lieu à d’intenses controverses. Quelques essais randomisés ont proposé l’évacuation à 12 heures, sans pouvoir démontrer une supériorité de cette stratégie sur un traitement médical. Cependant, quelques essais rétrospectifs rapportent des résultats favorables après traitement chirurgical dans les 7 heures qui suivent la constitution de l’HCS. Mais le risque de « resaignement » est significativement majoré lors d’interventions ultra-précoces et peut concerner 40 % des cas. L’évacuation chirurgicale précoce semble la stratégie de choix. Essais thérapeutiques futurs ? En raison du risque élevé de resaignement après une évacuation ultra-précoce, il semblerait logique d’évaluer ici l’intérêt, par exemple, d’une approche endoscopique en raison de la facilité de mise en oeuvre de cette procédure mini-invasive, en association avec la prescription d’un recombinant du facteur VII, dont le rôle a été démontré dans la prévention du resaignement (14). Conclusion Toujours associées à un traitement médical, différentes procédures opératoires peuvent être proposées pour le traitement chirurgical des HCS. L’indication opératoire est centrée sur l’existence d’une hypertension intracrânienne, une topographie de l’HCS, lobaire ou hémisphérique cérébelleuse. La précocité du traitement chirurgical est à privilégier.

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