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Neuropathie

Publié le 20 déc 2010Lecture 10 min

Douleurs neuropathiques : que faire ?

J.-F. DOUBRERE, CETD, Hôpital Saint-Antoine, Paris
Affirmer le caractère neuropathique de la douleur, savoir évaluer son intensité et son retentissement au quotidien sur les activités et l’humeur, accompagner son patient et convenir avec lui d’objectifs thérapeutiques, tels sont les nécessaires prérequis avant toute intervention thérapeutique. Sans oublier de bien lui expliquer que le soulagement risque de n’être que partiel, faute de quoi, il pourrait être très déçu dans ses attentes…
Précédemment, a été abordée la question du diagnostic de la douleur neuropathique, de ses pièges par défaut mais aussi par excès. Le message était celui d’une rigueur dans l’analyse diagnostique, faute de quoi on risquait de décevoir les patients dans leur attente. Un questionnaire a été mis au point, le questionnaire DN4 dont la spécificité de 90 % aide à un diagnostic de probabilité (questionnaire). Le parcours thérapeutique aussi complexe que l’analyse diagnostique sera illustré par quelques vignettes cliniques types.   Des situations cliniques exemplaires… Une douleur postzostérienne Cette femme de 75 ans, coronarienne, en bon état général, a fait il y a 3 mois un zona intercostal. Elle a eu une période douloureuse intense il y a 1 mois. Aujourd’hui, elle souffre d’une allodynie persistante lors de la toilette et de quelques décharges électriques diurnes. Elle a beaucoup souffert, mais actuellement n’est plus que gênée. Dans un cas relativement bénin comme celui-ci, l’idée est d’être sur un mode explicatif : pourquoi cette douleur ? Comment peut-elle évoluer ? On échange avec la personne, on évalue l’intensité de sa douleur, on apprécie la qualité de son quotidien, de son sommeil. On va vraisemblablement convenir avec elle que sa qualité de vie est plutôt bonne. Alors, explications et réassurance le plus souvent suffiront. On propose une réévaluation à 6 semaines. La patiente sera le plus souvent guérie. Si ce n’est pas le cas, que faire ? Un traitement local par lidocaïne en emplâtre peut être adapté dans son cas. Si passées 6 semaines supplémentaires, la demande de soulagement reste importante, on se retrouve dans une situation d’indication d’un traitement médicamenteux par voie orale. Une douleur thalamique Cet homme de 78 ans, hypertendu, diabétique, a fait il y a 6 mois un AVC ischémique capsulothalamique gauche. Sa récupération motrice est bonne, avec un périmètre de marche de 400 m. Malheureusement, il a gardé une vessie neurologique rétentionniste. Et il souffre de brûlures de tout l’hémicorps, quasi-permanentes et augmentant à la marche, sans décharge électrique. Son sommeil est perturbé. Évaluer la douleur et son retentissement On évalue :   l’intensité douloureuse : une échelle numérique simple suffit le plus souvent ;   l’état thymique : existet- il une dépression ? On apprécie :   le retentissement sur les activités et l’autonomie ;   les stratégies utilisées par le patient pour faire face ou « coping » (encadré).   STRATEGIES POUR FAIRE FACE : « COPING »  Capacité à trouver des solutions face à la douleur et conviction qu’il y en a : – je continue à chercher des moyens de contrôler ; – j’essaye tout ce qui peut me défaire de ma douleur ; – je ferais tout ce que je peux pour ne plus avoir mal ; – je suis convaincu qu’il existe un traitement pour ma douleur.  Mais aussi acceptation de la persistance de la douleur : – je peux vivre avec l’idée qu’il n’y a pas de solution définitive pour ma douleur ; – je peux accepter de ne pas toujours pouvoir contrôler ma douleur ; – je peux accepter qu’il n’y a pas de solution radicale.  Capacité à donner un sens à ma vie malgré la douleur : – ma vie a toujours un sens, même quand la douleur est forte ; – je vois toujours un moyen de m’en sortir ; – j’essaie de vivre avec ma douleur ; – j’essaie d’avoir la meilleure vie possible malgré la douleur. Fixer des objectifs thérapeutiques Il faut éviter de mettre en tête au patient que le soulagement sera total. Le soulagement par les différentes méthodes thérapeutiques n’est bien souvent que partiel, de l’ordre de 50 %. Il faut donc avec le patient fixer des objectifs thérapeutiques, auxquels il pourra adhérer (encadré ci-dessous), faute de quoi, il risque d’être déçu.   OBJECTIFS  Mieux contrôler la souffrance en augmentant le seuil de tolérance par diverses méthodes.  Faire disparaître les éclairs : les patients vivent très mal d’être dérangés de façon inopinée par un train de décharges électriques et encore plus la nuit.  Ne pas croire que toute sensation anormale sera abolie : des sensations telles que fourmillements, sensation bizarre, main plus aussi capable qu’avant, équilibre moindre, ne vont pas disparaître pour autant. Il est important que le patient ne les attribue pas indûment au médicament alors qu’elles leur préexistaient.  Maintenir la fonction : la fonction diminue la douleur. Si on stimule les fibres motrices ou sensitives profondes, on masque la perception douloureuse. Par ailleurs, quand on est occupé, on souffre moins : il s’agit de « ne pas ouvrir le cerveau à la douleur et uniquement à la douleur ». Prescrire un traitement adapté Les recommandations européennes préconisent un arbre de décision (tableau) conseillant une monothérapie en première intention par antiépileptique ou antidépresseur, avec interversion si nécessaire en seconde intention, voire association. Les principales molécules utilisées actuellement sont : – comme antidépresseur : l’amitryptiline (Laroxyl®), la venlafaxine (Effexor®), la duloxétine (Cymbalta®) ; – comme antiépileptique : la gabapentine (Neurontin®), la prégabaline (Lyrica®), voire la carbamazépine (Tégrétol®) ; – comme analgésique : le tramadol, les opiacés.   À noter que, dans certains cas, peuvent être indiquées les thérapies cognitives ou comportementales qui fonctionnent chez les sujets âgés et permettent de simplifier l’ordonnance.   Une douleur de cicatrice Chez cette femme de 80 ans en bon état général a été posée une prothèse du genou il y a 8 mois. Elle est douloureuse au niveau du genou opéré. La douleur est majorée avec la marche et persiste la nuit. D’autre part, le chirurgien orthopédiste est satisfait de son intervention. La prothèse ne semble pas en cause dans la genèse de cette douleur. L’évaluation par le DN4 est à 6. Il s’agit donc probablement d’une douleur de cicatrice de mécanisme neuropathique. Il convient d’appliquer les différents choix thérapeutiques (arbre de décision). Les médicaments sont essayés. Diverses thérapies physiques (encadré ci-dessous) sont sollicitées, telles que la neurostimulation transcutanée. Si tous ces essais, bien que menés avec rigueur, s’avèrent négatifs, la question peut se poser d’une indication aux opiacés. Quoi qu’il en soit, il faut informer les patients qu’on va les emmener dans un chemin difficile. D’autre part, il est important qu’ils soient traités par le même thérapeute, sinon le risque d’une inutile surenchère thérapeutique existe.   TRAITEMENTS LOCAUX  Capsaïcine : elle a disparu mais des prescriptions magistrales sont possibles 4 fois par jour sur zone douloureuse.  Crème Emla : elle contient 25 mg de lidocaïne et 25 mg de prilocaïne par gramme ; elle existe aussi sous forme de timbres à dose unique contenant 1 g de crème sur un pansement occlusif.  Versatis : emplâtre à base de lidocaïne, plus adapté dans ses dimensions.  Neurostimulation transcutanée (NSTC) : elle peut masquer la douleur dans un certain nombre de cas (le principe est celui d’électrodes appliquées près des zones douloureuses et reliées à un appareil de neurostimulation, qui envoie un stimulus électrique à la fibre nerveuse, avec pour but d’inhiber le message douloureux vers le cerveau). Une escarre cicatrisée mais douloureuse Cette femme de 90 ans résidant en EPHAD a eu une escarre talonnière qui, bien que cicatrisée il y a 5 mois, continue de la faire souffrir. Elle ne peut se chausser, ni supporter le contact du drap, des vêtements. Elle a dû réduire ses activités. Il y a 1 mois, elle a fait un fécalome majeur sous codéine. L’évaluation par le DN4 est à 7. Écouter !... Prendre du temps. Que dit cette patiente de sa douleur ? Ce sont là des points essentiels qui sont le nécessaire préalable aux méthodes thérapeutiques qu’elles accompagnent. Ici, les méthodes locales sont donc privilégiées, telles que neurostimulation transcutanée, emplâtres de lidocaïne, physiothérapie de douleurs tendineuses secondaires. Sans oublier de bien installer la patiente et de veiller aux soins d’hygiène, ni de mettre en oeuvre tout ce qui peut être de l’ordre de la relaxation, la distraction. Toutes ces méthodes sont des méthodes actives, faisant intervenir le contact avec les soignants. Et sans effet secondaire : contrairement aux médicaments… Traitement médicamenteux : quelles possibilités ? Le choix de la molécule se porte sur des molécules reconnues, ayant fait l’objet d’essais thérapeutiques et bénéficiant d’une AMM. Ainsi, le clonazépam (Rivotril®) ne fait pas partie des recommandations, n’ayant fait l’objet d’aucune étude (c’est un hypnotique avant tout). Les antidépresseurs : trois grandes classes Les tricycliques (ou imipraminiques) sont les plus efficaces mais les moins bien tolérés. L’amitryptiline (Laroxyl®) sédatif, est donné le soir tandis que la clomipramine (Anafranil®) ou l’imipramine (Tofranil®) moins sédatifs, peuvent être donnés dans la matinée. Les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de l’adrénaline ont une certaine efficacité et sont mieux tolérés que les imipraminiques. Ils font partie des recommandations européennes. La venlafaxine (Effexor®) est utilisée à une dose entre 100 et 300 mg. La duloxétine (Cymbalta®) a l’AMM dans les douleurs neuropathiques du diabète. Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la serotonine, tels que la paroxétine sont très bien tolérés mais peu ou pas efficaces sur composante douloureuse.   ANTIDÉPRESSEURS Tricycliques Amitryptiline… Les plus efficaces, les moins bien tolérés Inhibiteurs mixtes de la recapture NA/5HT(IRSNA)   Venlafaxine, duloxétine   Modérément efficaces, mieux tolérés Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) Paroxétine…      Bien tolérés, peu ou pas efficaces Les antiépileptiques La gabapentine (Neurontin®) et la prégabaline (Lyrica®) sont les molécules les plus étudiées, bénéficiant d’une bonne sécurité d’emploi. Les effets sont proportionnels à la dose. La gabapentine est efficace pour une dose minimale de 1 200 mg, la dose maximale pouvant être de 3 600 mg, certains patients n’étant répondeurs qu’à des doses importantes. La prégabaline est efficace à partir de 150 mg. Pour ces deux médicaments, certains patients ne sont répondeurs qu’à des doses nettement plus importantes. Les effets secondaires possibles sont centraux (vertiges, somnolence), avec une possible prise de poids. La carbamazépine (Tégrétol®) est le plus ancien des antiépileptiques, classiquement employée dans la névralgie faciale. Il est devenu secondaire, étant donnés ses risques (troubles de l’équilibre, éruption cutanée, neutropénie imposant un suivi mensuel de la NFS pendant 3 mois). Les antiépileptiques récents tels que la lamotrigine (Lamictal®) sont peu efficaces dans les douleurs neuropathiques, avec des résultats contradictoires dans les études.   ANTIÉPILEPTIQUES Gabapentine, prégabaline Les plus étudiés, bonne sécurité d’emploi Carbamazépine, lamotrigine Efficacité, mais problèmes de sécurité d’emploi   Topimarate, oxcarbamazépine Moins efficaces    Les antalgiques peuvent-ils être efficaces ? Le tramadol peut être indiqué dans le cadre de douleurs neurogènes. Les opiacés peuvent avoir une action à condition d’être prescrits à des doses supérieures à celles utilisées dans les douleurs nociceptives (là où 60 mg/j suffisent pour une douleur nociceptive, 120 mg seront nécessaires pour une douleur neuropathique). Il faudra donc augmenter la posologie jusqu’à une dose conséquente de façon progressive.

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