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Neurologie générale

Publié le 27 juil 2011Lecture 13 min

Apport de la stimulation magnétique transcrânienne dans la fibromyalgie

J. NIZARD, E. DE CHAUVIGNY, M. HELBERT et coll., Centre d'évaluation et de traitement de la douleur, service de neurochirurgie, Pôle Neurosciences, CHU de Nantes
La stimulation magnétique transcrânienne, technique de neurostimulation non invasive et ambulatoire, est désormais proposée en pratique clinique, au sein d'une prise en charge pluridisciplinaire, chez les patients souffrant de douleurs chroniques rebelles, en particulier neuropathiques, et lors des syndromes fibromyalgiques. Par ailleurs, elle fait l'objet de nombreux protocoles de recherche clinique, pour la prise en charge des douleurs réfractaires, des mouvements anormaux, de l'épilepsie, des pathologies psychiatriques (dépression, TOC, etc.), des handicaps post-AVC, etc. 
Historique de la stimulation magnétique transcrânienne Destinée initialement à l’étude des vitesses de conduction sur les voies motrices pyramidales par l’enregistrement des potent iel s évoqués moteur s , la stimulation magnétique transcrânienne (SMT, ou TMS en anglais, pour Transcranial Magnetic Stimulation) voit son champ d’application s'étendre au domaine des neurosciences. Les techniques de stimulation magnétique transcrânienne permettent d’apprécier l’excitabilité de différents circuits neuronaux corticaux, de cartographier ou de modifier certaines fonctions corticales. Il s’agit d’un outil puissant et non invasif, dont l’intérêt dans le diagnostic et l’exploration physiopathologique des dysfonctions corticales a été démontré dans diverses pathologies neurologiques telles que la sclérose en plaques, les mouvements anormaux, l’épilepsie et les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Comme cela a été le cas dans le champ de la psychiatrie, la stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) pourrait avoir des applications thérapeutiques en neurologie (épilepsies rebelles, réhabilitation fonctionnelle des AVC par exemple) et dans la prise en charge des syndromes douloureux chroniques souvent rebelles au traitement médical, même si les traitements par stimulation corticale reposent encore principalement sur des techniques de neuromodulation implantée. Dès les années 90, la stimulation du cortex moteur par des électrodes implantées a permis de traiter avec succès certaines douleurs chroniques neuropathiques réfractaires (1). Cette méthode paraît efficace dans la prise en charge des douleurs neuropathiques d’origine centrale ou périphérique (2). En 1995, il a été rapporté que l’application de chocs répétés par TMS du cortex moteur pouvait induire un effet antalgique chez un patient souffrant de douleur neuropathique. En 2006, J.-P. Lefaucheur et coll. ont publié une étude portant sur 38 patients, rapportant que l’effet analgésique de la TMS répétée était corrélé à celui de la stimulation corticale implantée(3). Depuis, de nombreuses études publiées ont rapporté l’efficacité antalgique de la rTMS, qui permettrait de moduler la perception du message douloureux et d’induire ainsi un effet antalgique.   Validation de l'efficacité de la rTMS La preuve d’une efficacité antalgique de courte durée en stimulation unique à haute fréquence a été confirmée par deux revues de la littérature(4,5). Celle réalisée par la Cochrane Library(5) concernait l’utilisation des techniques non invasives de stimulation cérébrale, dont la rTMS, dans le traitement de la douleur. Les auteurs estiment que d'autres études, avec des protocoles mieux définis (ayant pour cible prioritaire le cortex moteur primaire, et une stimulation à haute fréquence > 5 Hz, excitatrice) et portant sur des groupes homogènes de patients, doivent être conduites pour confirmer l'efficacité de séquences répétées de TMS dans le traitement de la douleur chronique. C’est pourquoi nous développons actuellement l’utilisation de la rTMS en recherche clinique dans la prise en charge de syndromes douloureux chroniques rebelles aux traitements habituels, en tenant compte de ces impératifs méthodologiques.   Place de la rTMS dans l'arsenal thérapeutique des douleurs chroniques Dans le service de neurochirurgie du CHU de Nantes, nous développons les techniques de neuromodulation, et plus particulièrement la stimulation implantée (médullaire, corticale, occipitale, lombaire, etc.), pour le traitement des douleurs neuropathiques réfractaires, notamment dans le cadre de programmes de recherche clinique.  Figure 1. Stimulation magnétique transcrânnienne répétitive. Nous avons d'abord utilisé la rTMS comme test prédictif de la stimulation corticale implantée avec des protocoles contrôlés contre placebo et après discussion des résultats en staff pluridisciplinaire. Nous avons ensuite développé la technique comme thérapeutique spécifique, en pratique courante depuis 2009, et plus récemment grâce à du matériel de neuronavigation, permettant de mieux cibler les zones à traiter.   Principes et méthodes de la rTMS La TMS est une méthode non invasive, ambulatoire, consistant à envoyer une impulsion magnétique indolore sur l'encéphale à travers le crâne au moyen d'une bobine (figure 1). Celle-ci induit un puissant champ magnétique pulsé, générant ainsi un courant électrique au sein des structures corticales en regard (6). La rTMS est modulée selon différents paramètres de réglage : intensité, fréquence, durée des trains, intervalle entre les trains : – l’intensité du stimulus est habituellement définie en pourcentage du seuil moteur entraînant une contraction musculaire ; – la fréquence utilisée : on distingue les stimulations dites à basse fréquence (< 5 Hz), « inhibitrices », entraînant une diminution de l’excitabilité corticale, des stimulations à haute fréquence (de 5 à 20 Hz), « excitatrices », entraînant une augmentation de l’excitabilité corticale. Ce sont les stimulations excitatrices à haute fréquence qui sont généralement utilisées en cas de douleurs réfractaires ; – la cible est variable, différentes aires corticales pouvant être stimulées : • la stimulation du cortex moteur primaire est le plus souvent utilisée en cas de douleur réfractaire. Ainsi, dans le cadre de douleurs neuropathiques, la cible de la stimulation est généralement la zone somatotopique du cortex moteur correspondant au territoire douloureux concerné. Pour positionner la bobine en regard du territoire à stimuler, le repérage se fait grâce à la mesure du potentiel évoqué moteur recueilli après un choc magnétique unique, • la stimulation du cortex préfrontal est également possible. C'est la cible utilisée en cas de dépression sévère. La stimulation du cortex moteur primaire est le plus souvent utilisée en cas de douleur réfractaire. Adaptation des protocoles en fonction des pathologies douloureuses Il faut distinguer deux types d’applications de la rTMS dans le cadre de pathologies douloureuses en fonction de l’indication ou non d’une stimulation corticale implantée : – lorsque la pose d'un stimulateur cortical est envisagée, pour le traitement des douleurs neuropathiques résistantes aux thérapeutiques médicamenteuses, la rTMS est utilisée uniquement comme test prédictif de l'efficacité de la stimulation corticale. Dans ce cas, les patients bénéficient de séances itératives généralement à 3 semaines d’intervalle ; – lorsqu'une stimulation corticale n'est pas envisagée, comme lors de la fibromyalgie, la rTMS est utilisée comme thérapeutique spécifique : les patients bénéficient alors de séances itératives, plusieurs jours consécutifs afin d’obtenir un résultat prolongé dans le temps. Des séances d’entretien sont généralement proposées. Apport de l’imagerie moderne à la prise en charge des patients L’imagerie moderne, notamment l’IRM en trois dimensions, couplée à un système de neuronavigation reliée à l’appareil de stimulation magnétique peut être utile au repérage précis de la zone corticale à stimuler (figure 2), et ce, dans deux cas de figure principalement : – en cas de cible corticale située dans une autre aire que dans le cortex moteur : dans certaines indications, notamment dans la dépression, la zone à stimuler est le cortex préfrontal dorsolatéral gauche, qui se situe généralement à 5 cm en avant de la zone correspondant à la motricité de la main. Même s’il s’agit d’un repère communément admis, le repérage grâce à l’IRM en trois dimensions permet une meilleure précision ; – en cas de déficit moteur en rapport avec la pathologie en cause (AVC, avulsion de plexus brachial), avec une cible corticale située dans le cortex moteur : le système de neuronavigat0ion a alors un intérêt indiscutable.   Principales indications dans les douleurs chroniques Actuellement, de nombreux programmes de recherche clinique sur la rTMS sont en cours de développement.     Figure 2. Stimulation magnétique transcrânnienne répétitive. Notre équipe travaille en particulier sur les protocoles suivants : – lors de syndromes fibromyalgiques invalidants, en ciblant une population homogène de patients, et en proposant la rTMS couplée à une prise en charge pluridisciplinaire ; – avec nos collègues palliatologues et oncologues, lors des douleurs rebelles chez les patients souffrant de douleurs cancéreuses en situation palliative ; – lors des céphalées chroniques ; – avec nos collègues rééducateurs fonctionnels, à un protocole sur la récupération de la fonction motrice et la marche après AVC ; – avec les neurologues de l'équipe, nous développons l’utilisation de la rTMS dans la prise en charge des dystonies, de la spasticité après AVC et des acouphènes ; – avec les psychiatres, à la prise en charge des dépressions sévères, en alternative à la sismothérapie.   Place de la rTMS dans la prise en charge du syndrome fibromyalgique La prévalence de la fibromyalgie est estimée à 2-2,5 % dans la population générale et cette pathologie représente près de 25 % des consultations dans une structure de lutte contre la douleur chronique rebelle. Même si sa physiopathologie, multifactorielle, reste encore mal connue, elle commence à être mieux appréhendée, en particulier grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Elle ferait notamment intervenir les structures du système limbique, du cortex frontal, ainsi que les systèmes de contrôle de la douleur (amplification du message douloureux et dysfonctionnement des mécanismes du contrôle inhibiteur diffus nociceptif, expliquant en partie les douleurs diffuses). Les enjeux médico-économiques de la prise en charge optimisée des patients fibromyalgiques sont importants. Celle-ci doit être orientée vers une meilleure efficacité et une meilleure efficience, en favorisant la réinsertion professionnelle des patients. La lutte contre l’iatrogénie constitue également une problématique majeure, car celle-ci contribue fortement à la pérennisation du syndrome fibromyalgique, la majoration de conduites addictives et la désinsertion socio-professionnelle. La prise en charge pluridisciplinaire optimisée des fibromyalgies peut être adaptée en fonction du niveau du handicap selon les recommandations de l’EULAR en 2008 et de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2010 (7). Le traitement médicamenteux et l'éducation thérapeutique sont associés à la mise en place d’un réentraînement à l’effort progressif, selon les capacités du patient un accompagnement psychologique et à la réinsertion professionnelle. Au sein de cette approche pluridisciplinaire, la rTMS, effectuée au niveau du cortex moteur ou du cortex préfrontal, pourrait agir en renforçant les contrôles modulateurs de la douleur, mais aussi sur l'asthénie ou les troubles de l'humeur. Récemment, il a été mis en évidence des effets bénéfiques de la rTMS appliquée au niveau du cortex moteur unilatéral chez des patients fibromyalgiques( 8). De plus, les effets secondaires modérés et la bonne tolérance de ce traitement sont désormais connus(9), ce qui permet de proposer ce traitement non invasif dans cette indication. La rTMS pourrait agir en renforçant les contrôles modulateurs de la douleur, mais aussi sur l'asthénie ou les troubles de l'humeur. Cependant, la rTMS, comme toutes les thérapeutiques proposées pour la prise en charge de la fibromyalgie, s’intègre dans une prise en charge globale et interdisciplinaire. Elle nous semble intéressante à proposer en deuxième intention, en complément des autres thérapeutiques validées. Il importe cependant, grâce à des protocoles randomisés contrôlés (rendus possibles par l'application d'une technique placebo, dite « sham»), de préciser l'efficacité de cette technique, et le type de patients répondeurs. Par ailleurs, nous avons choisi de nous limiter, dans un premier temps, aux syndromes fibromyalgiques avec bilan biologique, radiologique et immunologique sans anomalie notable, écartant les syndromes fibromyalgiques « secondaires », notamment associés à des rhumatismes inflammatoires. Mais cette attitude pourrait évoluer dans les prochaines années.   Travaux en double aveugle contre placebo Lamajorité des études que nous développons actuellement sont des protocoles randomisés contrôlés, en double aveugle (le patient et le praticien évaluateur). C'est le cas pour notre protocole visant à analyser l'efficacité de la rTMS chez les patients ayant une fibromyalgie rebelle au traitement médical habituel, en arrêt de travail depuis plus de 6 mois, qui cherche à évaluer l’efficacité de la rTMS sur la douleur à court et moyen terme, mais aussi sur l'asthénie, la qualité de vie, l'humeur et le retour au travail. Il s’agit d’un essai randomisé, en double aveugle versus placebo qui portera sur 30 patients fibromyalgiques répartis en deux groupes.  Critères de sélection des patients Il importe de sélectionner les patients, afin de confirmer l'efficacité de la rTMS dans des populations homogènes de malades. Les critères d’inclusion dans notre protocole sont : – syndrome fibromyalgique établi selon les critères de l’ACR, rebelle aux traitements habituels ; – douleur chronique dont l’intensité est ≥ 40/100 sur l'EVA ; – douleur présente de façon quotidienne ou quasi quotidienne (au moins 4 jours sur 7) ; – douleur depuis plus de 6 mois ; – patient en arrêt de travail depuis plus de 6 mois ; – patient âgé de plus de 18 ans, ayant signé le consentement éclairé ; – patient dont le traitement antalgique et/ou antidépresseur est stable depuis 15 jours avant l’inclusion, celui-ci ne devant pas être modifié pendant la durée de l’étude ; – patient pouvant être suivi pendant la durée de l’étude (6mois).  Délai d'efficacité et répétition des séances L’intérêt de la rTMS réside notamment dans son effet rémanent. Les mécanismesneuronaux expliquant les effets à long terme restent mal connus. Il semblerait qu'ils soient la conséquence d’une plasticité neuronale synaptique, sous la formed’une potentialisation et/ou d’une dépression de la neurotransmission. La répétition des séances pourrait potentialiser le bénéfice antalgique et la mise en place d’un traitement d’entretien permettrait le maintien du bénéfice au long cours. En pratique, une amélioration peut se faire sentir en quelques jours, et se maintenir quelques semaines(10).   Avenir des méthodes de neurostimulation non invasives Dans le cadre de la fibromyalgie, la rTMS semble être une option thérapeutique intéressante, mais qui doit s’intégrer dans une prise en charge pluridisciplinaire. Il importe de poursuivre les études afin de valider et codifier cette technique, en précisant les facteurs de réponse au traitement. Le caractère non invasif de cette technique, associé à des effets indésirables rares et le plus sou vent bénins (essentiellement des céphalées transitoires), constituent des qualités de choix chez les patients douloureux, souvent en abus médicamenteux. Les avancées techniques de la méthode, notamment la meilleure localisation des cibles à traiter, du nombre et de la fréquence des séances, devraient permettre de mieux en connaître les indications, atouts et limites. D'autres techniques de neuromodulation sont en cours de développement et de validation, notamment la stimulation électrique (tDCS, pour transcranial Direct Current Stimulation), avec des appareils moins lourds et nettement moins coûteux (de l'ordre de 5 000 euros actuellement, contre environ 50 000 euros pour un appareil de rTMS).  

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