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Epilepsie

Publié le 19 juil 2022Lecture 7 min

Antiépileptiques : mémento pour le médecin traitant

Blandine DOZIERES-PUYRAVEL, service de neurologie pédiatrique, CHU Robert Debré, Paris

L’épilepsie est une des maladies chroniques les plus fréquentes chez l’enfant, touchant une personne sur 26 tout au long de la vie. En France, 100 000 enfants sont suivis pour une épilepsie. Vingt pour cent d’entre eux présenteront un état de mal épileptique et 20 à 30 % sont dits « pharmacorésistants », c’est-à-dire qu’ils ne seront pas libres de crises après deux monothérapies bien conduites.
Les épilepsies de l’enfant sont différentes de celles de l’adulte et sont souvent moins connues des médecins généralistes ou pédiatres libéraux. Tous les enfants avec épilepsie ne peuvent être suivis en milieu hospitalier et peu de neuropédiatres exercent en libéral.
Si ce sont ces derniers qui débutent le plus souvent les traitements, les médicaments antiépileptiques doivent être connus par les médecins libéraux afin de les renouveler, d’adapter les posologies et la surveillance.

Définition de l’épilepsie L’ILAE (International League Against Epilepsy) donne une définition clinique opérationnelle de l’épilepsie par au moins l’une quelconque des manifestations suivantes : – au moins deux crises non occasionnelles séparées d’au moins 24 heures ; – au moins une crise non occasionnelle et un risque de récurrence de plus de 60 % ; – un syndrome épileptique diagnostiqué. On classe les différentes épilepsies en fonction du ou des type(s) de crises présentées par le patient, selon qu’elles ont un début focal, qu’elles soient généralisée ou inconnue. Ainsi, l’épilepsie est classée en épilepsie focale, généralisée, focale et généralisée ou inconnue. Les étiologies des épilepsies sont variables. L’ILAE en définit 6 grandes catégories étiologiques : génétique, structurelle, métabolique, immune, infectieuse ou de cause inconnue. Principaux syndromes épileptiques de l’enfant Les principaux syndromes épileptiques retrouvés chez l’enfant sont : – épilepsie avec crises focales à IRM cérébrale normale ; – épilepsie avec crises focales sur malformation structurelle (dysplasie, malformations, etc.) ; – épilepsie à pointes centro-temporale ; – syndrome des spasmes infantiles ; – syndrome de Dravet ; – épilepsie myoclono-atonique ; – épilepsie absences de l’enfant ; – épilepsie généralisée idiopathiques (avec l’épilepsie myoclonique juvénile, épilepsie absences de l’adolescent) ; – syndrome de Lennox-Gastaut. Certains syndromes nécessitent un suivi spécialisé car l’épilepsie y est associée à un risque sévère de déficience intellectuelle ou de handicap, notamment le syndrome des spasmes infantiles, le syndrome de Dravet, le syndrome de Lennox-Gastaut, l’épilepsie myoclono-atonique, ou encore les épilepsies de causes rares (inflammatoires, immunes, génétiques, etc.). Pour les autres syndromes, un relai en ville pour le suivi doit pouvoir être envisagé. Principes de mise en place d’un traitement Qui traiter ? Porter un diagnostic d’épilepsie ne veut pas dire débuter un traitement. Certains patients avec épilepsie n’auront jamais de traitement antiépileptique. Par exemple, un enfant suivi pour une épilepsie à pointes centro-temporales n’aura pas de traitement dans la majorité des cas. Pour un enfant de 3 ans suivi pour une épilepsie avec crises focales à IRM cérébrale normale qui ferait une crise par an, se pose la question de l’intérêt d’un traitement au regard de la balance bénéfice à traiter et risque d’effets secondaires. En revanche, un adolescent de 16 ans qui fera une crise focale par an, aura probablement un traitement antiépileptique afin de lui permettre, par exemple, de passer le permis de conduire. De la même façon, on traitera d’emblée une première crise tonico-clonique généralisée chez un adolescent de 15 ans. Quand traiter ? Dans certains cas, le traitement est débuté dès la première crise, notamment dans les épilepsies généralisées idiopathiques et, dans la majorité des cas, après récidive d’une, voire de plusieurs crises. Comment choisir un traitement antiépileptique ? Il existe plus d’une vingtaine de molécules antiépileptiques et le choix ne semble pas toujours évident. Le choix du traitement repose sur : – le type de crises épileptiques : focale, généralisée, myoclonies, absences, spasmes. Il faudra veiller à ne pas recourir à des traitements contre-indiqués dans certains types de crises, comme par exemple la carbamazépine qui aggrave les myoclonies ou les absences ; – le syndrome épileptique, comme par exemple l’utilisation de l’éthosuximide dans les épilepsies absences de l’enfant ; – l’âge de l’enfant, on pourra prescrire du valproate de sodium dès la première ligne de traitement chez une petite fille de 2 ans, mais pas chez l’adolescente de 16 ans ; – le sexe de l’enfant : certains antiépileptiques ne sont pas recommandés chez l’adolescente en raison du risque tératogène (comme le valproate de sodium) ou du fait des interactions à la contraception orale (comme la carbamazépine qui est inducteur enzymatique) ; – les effets secondaires du traitement : il faudra par exemple éviter de prescrire un traitement qui augmente l’appétit chez des patients déjà en surpoids et favoriser dans la mesure du possible les traitements sans effet sur l’appétit (ou qui diminuent l’appétit) ; – les interactions médicamenteuses, même si elles sont rares, en se méfiant surtout des interactions avec la contraception orale ; – l’observance, avec un nombre de prises à adapter à l’enfant et à ses habitudes de vie, par exemple prescrire un traitement en 1 prise par jour à un adolescent peu observant ou éviter les traitements en 3 prises par jour pour les enfants qui ne sont pas à domicile la journée ; – la galénique : il faut penser que les petits ne pourront pas prendre de comprimé et que donner 15 ml de sirop à un adolescent peut être difficile ! – l’urgence à traiter. En effet si les crises sont rapprochées, on prescrira un traitement que l’on peut rapidement prescrire à dose efficace, sans risque pour le patient (attention à la lamotrigine et le risque de syndrome de Lyell si les posologies sont augmentées trop vite) ; – la question de la balance bénéfice/risque se pose, par exemple, chez un enfant de 5 ans qui fait deux crises focales brèves par an et chez lequel le traitement pourrait entraîner de potentiels effets secondaires ; – le mécanisme d’action des traitements, en évitant de combiner ceux qui agissent sur les mêmes récepteurs car cela augmente le risque d’effets secondaires ; – l’AMM, même si elle n’est pas toujours respectée en pédiatrie. Comment prescrire un traitement antiépileptique ? On ne débute pas le traitement à pleine dose mais on augmente progressivement les doses jus-efficace. En cas d’inefficacité, on majorera les traitements aux doses maximales. L’objectif pour une épilepsie débutante est que le patient soit libre de crise sans effet secondaire du traitement. En cas d’échec d’une première monothérapie bien conduite, on aura plutôt tendance à essayer une deuxième monothérapie avant de passer à une bithérapie. Et quand l’épilepsie résiste ? On parle d’épilepsie pharmacorésistante quand les crises persistent malgré deux monothérapies bien conduites (traitements adaptés aux types de crises/syndrome épileptique et à bonne dose). En cas d’échec, il faudra envisager la mise en place d’une bithérapie ou plus selon l’évolution de l’épilepsie. Les principaux antiépileptiques : indication, AMM, galéniques, effets secondaires principaux • Les antiépileptiques et leurs AMM En pédiatrie, l’AMM des traitements antiépileptiques n’est pas toujours respectée. Dans le tableau 1 sont représentées les principales molécules et leurs AMM. En cas de doute, il faudra se rapprocher du médecin spécialiste • Indications et effets secondaires principaux des antiépileptiques Pour adapter la surveillance, il est nécessaire de connaître les principaux effets secondaires des traitements. Dans le tableau 2 sont détaillées les indications, les effets secondaires et les contre-indications des antiépileptiques les plus courants, à savoir le valproate de sodium, le lévétiracétam, la carbamazépine, l’oxcarbazépine, le lacosamide, le zonisamide, l’éthosuximide, le topiramate, le pérampanel, la lamotrigine et le clobazam. D’autres antiépileptiques peuvent être prescrits, mais moins fréquemment en raison de leur indication restreinte. Les patients ainsi traités seront toutefois vus par le médecin traitant ou le pédiatre libéral, en cas d’infection par exemple. Ces antiépileptiques sont répertoriés dans le tableau 3 avec leurs indications et leurs principaux effets secondaires. Surveillance des antiépileptiques Il y a peu de traitements antiépileptiques qui nécessitent une surveillance régulière par des bilans sanguins. La majorité de ces examens biologiques sont réalisés sur points d’appel cliniques, comme par exemple un bilan hépatique et une lipasémie en cas de vomissement avec un traitement par valproate de sodium. Le felbamate nécessite la surveillance de la NFS et du bilan hépatique toutes les 2 semaines pendant 6 mois, puis tous les mois. Le cannabidiol nécessite également la surveillance du bilan hépatique tous les 3 mois au début, puis tous les 6 mois. Il n’est pas recommandé de pratiquer des dosages sanguins d’antiépileptiques. On les dosera en cas de doute sur l’observance, d’inefficacité d’une association de traitement avec possible inter-action médicamenteuse ou de surdosage. Renouvellement des prescriptions Il peut être fait par le médecin traitant ou le pédiatre libéral. Il ne faut jamais interrompre le traitement au risque de décompenser l’épilepsie. En cas de doute sur la posologie du traitement, il est recommandé de se rapprocher du spécialiste suivant l’enfant. La prescription hors AMM n’est pas rare dans les épilepsies de l’enfant. En cas de doute sur une prescription initiée par un spécialiste, il faut entrer en contact avec lui. Cas particulier des traitements d’urgence En pédiatrie, il existe deux traitements d’urgence pour les crises épileptiques qui se prolongent : le diazépam en intrarectal et le midazolam en intrajugal. Le diazépam peut être prescrit par tous. Le midazolam est prescrit sur une ordonnance sécurisée. En pratique, on retiendra que l’épilepsie est une maladie fréquente chez l’enfant, et doit être connue des médecins libéraux afin de ne pas interrompre le suivi et faire le lien entre le médecin spécialiste. Des recommandations sur la prise en charge de l’épilepsie ont été publiées en 2021 et peuvent être un bon support d’aide. Publié dans Pédiatrie Pratique

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