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Sclérose en plaques

Publié le 30 mar 2013Lecture 9 min

Les perfusions de méthylprednisolone à domicile pour les poussées de SEP

A. CRÉANGE, Service de Neurologie, Groupe Hospitalier Universitaire Albert Chenevier/Henri Mondor, AP/HP, Créteil ; Réseau SINDEFI-SEP Créteil ; équipe d’accueil excitabilité nerveuse et thérapeutique EA 4391, Université Paris 12, Créteil

Depuis 2007, une notification de l’Afssaps a modifié les modalités de perfusion de méthylprednisolone à fortes doses pour les poussées de sclérose en plaques, en autorisant leur réalisation à domicile. Celles-ci peuvent être effectuées après une première perfusion à l'hôpital, lorsqu’elles sont encadrées par un réseau de santé. Pour une efficacité équivalente à celle de l’hôpital, gain de temps, amélioration de la qualité de vie du patient et économies de santé en résultent. Trop souvent, les neurologues ne font pas bénéficier leurs patients des avantages que peut apporter une telle modalité de soin.

La sclérose en plaques (SEP) rémittente est la forme la plus fréquente de cette maladie. Malgré l'amélioration des traitements de fond, les patients gardent néanmoins des poussées régulières. La prise en charge de ces poussées peut poser des difficultés pour les neurologues qui travaillent dans les centres de référence ou qui prennent fréquemment en charge des patients atteints de SEP : d'une part, pour des questions de disponibilité de lits ou de places en hôpital de jour, d'autre part en raison des hospitalisations et des arrêts de travail qui en résultent. Les corticoïdes sont utilisés depuis plusieurs années pour le traitement des poussées. Les modalités définitives de ce traitement restent toutefois à établir. Cependant, en France et dans la plupart des pays, ainsi qu’au cours des protocoles de recherche clinique, les perfusions de fortes doses de corticoïdes (méthylprednisolone 1 g/j) pendant 3 à 5 jours sont considérées comme les modalités les plus adaptées. Ce traitement a été jusqu'à présent réalisé en hospitalisation traditionnelle ou de jour. En 1998, L.S. Robson et coll. ont montré que le coût de 4 jours d'hospitalisation pour un patient atteint de SEP était d’environ 810 euros. Cette étude a également révélé que la dépense était inférieure lorsque le traitement était réalisé en hôpital de jour ou s’il était initié en hospitalisation, puis poursuivi à domicile(1).   Une pharmacovigilance rassurante   Une certaine crainte concernant la sécurité des perfusions de fortes doses de corticoïdes a contribué à retarder le développement de cette pratique. En réalité, ces perfusions sont très sûres à condition de respecter certaines précautions. Les fortes doses de corticoïdes ont pu être à l’origine de manifestations anaphylactiques graves dont la fréquence varie de 0,3 à 4,9 % selon les études(2,3). Les symptômes rapportés sont des rashs, prurit, urticaire, céphalées, angiooedème, bronchospasme, arrêt respiratoire, dysrythmie cardiaque et hypotension. Les corticoïdes les plus fréquemment impliqués sont la méthylprednisolone et l’hydrocortisone(4). La réaction d’hypersensibilité peut apparaître immé diatement après injection(5) ou après quelques jours(4). Les femmes sont plus fréquemment atteintes ; les antécédents d’asthme, l’allergie à l’aspirine, la transplantation rénale et l’instabilité hémodynamique sont également des facteurs de risque(4,5). La vitesse de perfusion pourrait également jouer. En conséquence, les doses de corticoïdes ≥ 500 mg doivent être administrées en 30 à 60 minutes et les patients doivent être surveillés après administration pendant au moins le même laps de temps(4). La corticothérapie peut favoriser la survenue de diverses complications infectieuses dues notamment à des bactéries, des levures et des parasites. La survenue d’une anguillulose maligne est un risque important et classique à prendre en compte en cas de séjour en zone tropicale. Les corticoïdes ont un effet hypokaliémiant dont il faut tenir compte dans les interactions médicamenteuses (diurétiques, digitaliques et médicaments sources de torsades de pointes). L'hypokaliémie, la bradycardie et un espace QT long préexistant sont des facteurs favorisant les torsades de pointes (pour les détails, se référer au RCP du méthylprednisolone). C’est ainsi que des cas d’arythmie cardiaque, de collapsus cardiovasculaire et d’arrêt cardiaque ont été rapportés suite à l’administration trop rapide de doses importantes par voie intraveineuse. Les épisodes de tachycardie et de bradycardie rapidement réversible et sans conséquence clinique, sont cependant plus fréquents. De ce fait, il est nécessaire d’envisager des précautions dans la mise en place de cette procédure réalisée à distance d’un service de réanimation.   Un soin délocalisé à domicile et validé en situation réelle   Le développement d'alternative à l’hospitalisation traditionnelle est un élément important de nos systèmes de soins actuels, compte tenu des difficultés de démographie médicale, de la surcharge des structures d'hospitalisation et des coûts engendrés. Développer des alternatives constitue l’un des objectifs des réseaux de santé prenant en charge des patients atteints de SEP. Ces réseaux coordonnent les soins entre l'hôpital et les professionnels de santé de ville, notamment spécialistes et médecins généralistes. De telles modalités de prise en charge sont recommandées pour les pathologies chroniques, telles que le diabète, le cancer ou les pathologies neurologiques(6). Concernant la SEP, une étude a montré que la prise en charge des poussées de SEP à domicile atteignait un même niveau de qualité pour un coût nettement moins élevé(7). Plus récemment, l’efficacité et la sécurité observées dans cette étude ont pu être confirmées en pratique réelle à travers l’expérience de quatre réseaux français(8). Mené dans des régions aussi bien urbaines que ru rales, ce travail a également démontré une économie de santé de plus de 1 000 000 euros en 18 mois(8).   Des conditions de prescription à respecter   Pour des raisons de sécurité, tous les patients ne peuvent bénéficier des prescriptions de méthylprednisolone à domicile, le cadre étant très différent de celui de l'hôpital (encadré).     Il faut éviter tout risque de survenue de complications, en particulier allergique ou cardiaque. Il faut cependant rappeler que ces dernières sont survenues de façon exceptionnelle et uniquement en cas de perfusion trop rapide. La prise en charge des perfusions à domicile par le réseau SINDEFI-SEP suit les recommandations de la conférence de consensus qui préconise la prescription de 1 g de méthylprednisolone pendant 3 jours pour les poussées et des perfusions mensuelles pour les formes progressives.   Modalités pratiques d’organisation   Le délai de prise en charge est difficilement inférieur à 48 heures, ce qui donne le temps de réaliser un examen cytobactériologique des urines. Les patients sont au repos pendant les jours de perfusions et un arrêt de travail est fortement recommandé. Dans le cas d'une poussée, le diagnostic doit être confirmé lors d'une consultation par un examen neurologique. Le neurologue choisit où aura lieu la première perfusion, à domicile ou à l’hôpital de son choix. Il conserve la responsabilité du soin qui est coordonné par le réseau. Ce dernier organise le lien entre le neurologue prescripteur (hospitalier ou de ville), le prestataire, le médecin traitant, l'infirmière (figure). Les perfusions sont réalisées avec le concours d’un prestataire de services, dont le rôle est de mettre à disposition le matériel nécessaire au soin et de suivre un cahier des charges spécifique. Le prestataire a également pour rôle d’organiser la reprise des déchets médicaux. Habituellement, une infirmière spécialisée dans ce type de procédure ou habituée à la réalisation des perfusions à domicile est sollicitée. Il peut être demandé au patient s'il souhaite impliquer une infirmière en laquelle il a confiance. Chaque infirmière est formée aux spécificités de la SEP et aux perfusions de méthylprednisolone par le prestataire ou l’équipe du réseau.   Figure : Circuit de soin des perfusions de méthylprednisolone réalisées à domicile par le réseau SINDEFI-SEP. Afin de permettre la dispenciation du médicament, l'achat du matériel, la réalisation de l’acte par l’infirmière, la rémunération du prestataire, de l'infirmière libérale et la surveillance biologique, des ordonnances prérédigées sont disponibles auprès du réseau ou en téléchargement sur le site Internet après connexion sur la zone sécurisée. Ces ordonnances sont personnalisables. Le neurologue peut réaliser une surveillance du ionogramme, de la glycémie s'il le sou - haite. L'utilisation d'un diffuseur permet d'éviter une perfusion trop rapide et de régler la vitesse sur trois heures précises, sans possibilité pour le patient d’accélérer le temps de délivrance. Il est demandé à ce qu'une personne accompagnante soit en permanence présente auprès du patient. Il lui est par ailleurs proposé d'acheter un kit antiallergique d’adrénaline à s'auto-injecter en cas d'urgence allergique après appel du SAMU. Un retour du bon déroulement du flash avec fiche de transmission est à remplir par l'infirmière et à adresser au réseau, puis au neurologue. Le réseau met à disposition du neurologue, de l’infirmière et du patient des livrets d’information. Pour le neurologue, y figurent notamment des mises à jour sur la prévention de l'ostéoporose en cas de situations à risque (perfusions de méthylprednisolone à répétition ou ménopause) et des explications sur le circuit du soin. Pour le patient, outre des informations sur les poussées, il est fourni des numéros utiles en cas de difficultés (réseau, prestataire, SAMU, etc.). Pour l’infirmière, des détails sur le diffuseur et le traitement par fortes doses de méthylprednisolone sont précisés (figure).   Un excellent retour d’expérience   L'expérience des flashs de méthylprednisolone du réseau SINDEFI-SEP est très satisfaisante depuis plusieurs années. Aucun effet secondaire significatif n’est survenu en dehors de trois hospitalisations transitoires pour angoisse, douleur thoracique (non cardiaque) et une hyperglycémie régressive en quelques jours. Le bénéfice en termes de dépenses de santé varie suivant les coûts d'hospitalisation dans les différentes structures, mais est toujours positif. L'économie peut atteindre jusqu'à 80 %. L’avantage en termes de qualité de vie et de rapidité d'organisation des soins est confirmé pour tous les patients. Les perfusions de méthylprednisolone à domicile sont organisées dans la plupart des réseaux de santé prenant en charge des patients atteints de SEP. La place de ces réseaux dans l'organisation de ce soin est capitale puisqu'elle correspond de fait à l'AMM. C’est la seule organisation susceptible de faire le pont entre les acteurs de proximité (infirmière, médecin traitant), le neurologue prescripteur, le prestataire et le centre du recours. Le réseau est également un interlocuteur permettant d'éviter le passage aux urgences en cas de poussées et de prendre le temps d'une consultation auprès du spécialiste.

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