publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Epilepsie

Publié le 15 déc 2013Lecture 15 min

Quelle conduite tenir devant une première crise convulsive chez l’enfant ?

D. VILLE, Service de neuropédiatrie, Hôpital Femme Mère Enfant, Bron
La survenue d’une première crise convulsive est un motif courant de consultation aux urgences pédiatriques. Il est important que le praticien urgentiste puisse s’appuyer sur des recommandations pour guider la prise en charge : les modalités d’accueil aux urgences, le choix des examens complémentaires pertinents, dominés par l’électroencéphalogramme et l’imagerie, la démarche diagnostique et l’organisation du suivi après un premier épisode convulsif (évaluation du risque de récidive, aspects thérapeutiques, conseils pratiques pour le retour à domicile). La survenue d’une première crise convulsive constitue un motif fréquent de consultation aux urgences pédiatriques(1).
Cependant, cette situation d’apparence assez banale soulève souvent des questions par rapport à la prise en charge initiale, au choix des explorations complémentaires et à l’organisation du suivi. Un premier épisode critique peut correspondre à des situations radicalement différentes en termes de diagnostic et de pronostic, en fonction du type de crise, des circonstances et de l’âge de survenue. La population pédiatrique se distingue de l’adulte par : – son pic de fréquence chez le nourrisson en rapport avec les causes occasionnelles (en particulier les convulsions fébriles, qui touchent 2 à 5 % des nourrissons) ; – l’expression de syndromes épileptiques et d’étiologies propres à l’enfant ; – la place de l’IRM, réalisée de façon moins systématique en première intention, en raison de son accès difficile, mais également de la rareté des anomalies retrouvées et nécessitant une intervention immédiate en cas de première crise isolée. Il est donc important que le praticien puisse guider sa prise en charge sur des recommandations issues des données de la littérature(2,6). La démarche diagnostique devant un premier épisode convulsif chez l’enfant est résumée dans la figure.   Figure. Démarche diagnostique devant un premier épisode convulsif chez l’enfant. La conduite à tenir à l’accueil des urgences   La démarche initiale aux urgences doit répondre à plusieurs objectifs. ● S’assurer de l’absence de nécessité d’une intervention médicale urgente Cette dernière est requise en cas de crise prolongée et/ou mal tolérée, détresse respiratoire, mauvaise récupération postcritique. ● Procéder à l’analyse sémiologique de l’épisode En dehors de la situation particulière de l’état de mal, la crise est généralement terminée lorsque l’enfant arrive aux urgences. Le diagnostic repose alors essentiellement sur les données de l’interrogatoire, qui doit être le plus précis possible et parfois répété dans les 24 heures pour obtenir le maximum de données sémiologiques. Cet interrogatoire doit analyser : la sémiologie de l’épisode (manifestations toniques, cloniques, hypotonie, caractère généralisé ou focal, association à des troubles neurovégétatifs, troubles respiratoires, etc.), le mode de début et de fin de la crise, l’évolution des signes au cours de l’épisode, la récupération postcritique, l’existence d’éventuels facteurs déclenchants et les circonstances de survenue. ● Affirmer la nature épileptique de l’épisode, et discuter les éventuels diagnostics différentiels(7). Ces diagnostics différentiels sont nombreux : malaise vagal, malaise d’origine cardiaque, spasme du sanglot, épisode dystonique, parasomnie, pseudo-crise, etc.). La confirmation du caractère épileptique d’un épisode est rarement apportée par un examen spécifique, mais repose souvent sur un ensemble d’arguments cliniques et électroencéphalographiques. Il est parfois impossible de conclure définitivement à l’issue d’un premier épisode. Dans ce cas, la priorité est d’éliminer les pathologies susceptibles de mettre l’enfant en danger, en particulier les malaises d’origine cardiaque. ● Éliminer une cause occasionnelle Hypoglycémie, trouble ionique, infection du système nerveux central, lésions traumatiques ou vasculaires, prises de toxiques, etc. Ces causes sont plus fréquentes si l’enfant est jeune. Elles doivent être évoquées, car le traitement des crises repose sur leur prise en charge, et leur méconnaissance peut être fatale. Nous proposons la réalisation d’un dextro et d’un ionogramme sanguin en cas de première crise sans cause évidente, même si cette démarche ne fait pas l’objet d’un consensus dans la littérature.   Explorations complémentaires Les explorations complémentaires sont dominées par l’imagerie et l’electroencéphalogramme(7,16). L’imagerie(8-10) L’IRM constitue la technique de référence dans l’exploration des crises convulsives, mais sa réalisation est limitée par son accessibilité et la nécessité d’une anesthésie générale ou d’une prémédication chez le jeune enfant. En cas de nécessité d’imagerie en urgence, on aura donc le plus souvent recours au scanner. L’échographie transfontanellaire, dans les premiers mois de vie, peut avoir sa place comme examen de débrouillage, en raison de sa facilité de réalisation. Certaines situations constituent une indication d’imagerie en urgence, tels les états de mal sans cause identifiée, la persistance d’anomalies de l’examen neurologique ou de troubles de conscience à distance de la crise, les crises non fébriles du nourrisson. Dans ce cas, la supériorité de l’IRM n’est pas démontrée, et le diagnostic repose souvent sur le scanner. À l’inverse, aucune imagerie n’est préconisée en cas de convulsion fébrile simple, ou lorsque les données électrocliniques permettent d’affirmer le diagnostic d’épilepsie idiopathique. En dehors de ces situations bien définies, il n’y a pas de consensus sur l’indication et les modalités de prescription d’une imagerie après une première crise convulsive. Si le pourcentage d’anomalies identifiées sur l’IRM peut aller jusqu’à 20 % selon les études, le résultat de l’IRM ne modifie la prise en charge que dans 1 % des cas. Il faut savoir que, chez l’enfant, il est exceptionnel qu’une crise convulsive isolée révèle une pathologie nécessitant une prise en charge neurochirurgicale d’urgence. L’indication est donc discutée au cas par cas, mais il ne semble pas qu’il y ait une perte de chance à surseoir à la réalisation d’une imagerie en cas de première crise isolée.   L’électroencéphalogramme (EEG) L’EEG(8,9,11) est le seul examen dont l’indication fait l’objet d’un consensus dans la littérature. En dehors des convulsions fébriles simples, toute première crise doit faire l’objet d’une prescription d’EEG. Sa réalisation dans les 24 heures permet d’augmenter les chances de détecter des anomalies (50 % contre 30 % si le tracé est réalisé à distance). Cependant, en cas d’EEG précoce, l’interprétation peut être gênée par la présence d’anomalies intercritiques transitoires et par les conditions techniques non optimales en situation d’urgence. Les modalités du tracé doivent obéir à certaines règles, adaptées à l’âge, au type de crise ou de syndrome épileptique suspecté : – EEG de sommeil avant l’âge de 4 ans, ou en cas de suspicion d’épilepsie à pointes centro-temporales ; – vidéo en cas d’épisodes paroxystiques répétés ; – enregistrement du myogramme en cas de secousses ou de chutes ; – tracé après privation de sommeil en cas de suspicion d’épilepsie généralisée idiopathique de l’adolescent (en cas de premier EEG standard normal). L’objectif de l’EEG sera de chercher des anomalies focales, de contribuer au diagnostic syndromique et d’évaluer le risque de récurrence. L’indication d’autres explorations complémentaires, notamment à la recherche d’anomalies chromosomiques ou métaboliques, sera décidée en fonction de l’évolution des crises et de l’examen neurologique. La ponction lombaire sera indiquée en cas de convulsion fébrile ne répondant pas aux critères des convulsions fébriles simples. Traitement, suivi, conseils après une première crise Une fois une cause occasionnelle évidente éliminée, la question de l’entrée dans une épilepsie et de la classification de cette épilepsie est posée. L’analyse de la crise s’inscrit dans une démarche syndromique qui prend en compte non seulement la sémiologie de l’épisode, mais également l’aspect de l’EEG, l’âge de survenue, les antécédents personnels et familiaux, le développement psychomoteur et les anomalies éventuelles de l’examen neurologique. L’objectif de cette démarche est d’identifier une étiologie précise ou de rattacher la crise à un syndrome épileptique connu, et de fournir l’information la plus précise possible sur le pronostic, la prise en charge thérapeutique et le suivi. Cependant, on se trouve souvent face à une crise isolée, sans élément d’orientation syndromique ou étiologique. Dans ce cas, la question du risque de récidive, du traitement et de la gestion du retour à la maison doit être abordée avec la famille. ● Le risque de récidive en cas de crise non occasionnelle est évalué à 50 % environ, avec des pourcentages pouvant aller de 20 à 80 % selon la présence de facteurs de risque(12,13). Les deux principaux facteurs de risque reconnus dans la littérature sont la présence d’anomalies sur l’électroencéphalogramme et l’identification d’une étiologie sousjacente. Les récidives surviennent dans 70 % des cas dans les 6 mois, et le risque devient très faible après 2 ans (90 % des récidives sont observées avant 2 ans). Seuls T.M. Arthur et coll.(14) n’ont pas observé de corrélation entre le risque de récidive et la présence d’anomalies à l’EEG. ● La prescription d’un traitement antiépileptique dès la première crise permet de diminuer le risque de récidive à court terme de 30 %, mais les données de la littérature n’ont pas montré de bénéfice sur l’évolution à long terme. Par ailleurs, les risques d’effets secondaires ne sont pas négligeables. Il apparaît donc raisonnable, en dehors de situations particulières (état de mal, étiologie sous-jacente avec fort potentiel de récidive), de ne pas proposer de prescription d’un traitement au long cours après un premier épisode convulsif. Si, toutefois, un traitement est décidé, le choix doit se porter sur une molécule à large spectre, associant le moins de risques possibles d’aggravation devant un syndrome épileptique encore mal étiqueté et une tolérance acceptable. Traditionnellement, les molécules remplissant le mieux ces conditions, étaient l’acide valproïque et les benzodiazépines, mais elles sont de plus en plus abandonnées au profit de molécules de nouvelle génération en raison de leur meilleur profil de tolérance. Il faut savoir qu’aucune de ces molécules n’a l’autorisation de mise sur le marché dans une telle indication chez l’enfant(15-18). ● Le retour à domicile doit s’accompagner de recommandations, afin de guider les familles pour la suite de la prise en charge : – la conduite à tenir en cas de crise (installation dans un endroit calme, mise en position latérale de sécurité, observation de la sémiologie de la crise, de sa durée et de sa tolérance, de la récupération postcritique) ; – la prescription de Valium® intrarectal (0,5 mg/kg) n’est pas systématique et doit être réservée aux crises prolongées (> 5 à 10 min) et/ou répétées. Son utilisation en pratique doit toujours être expliquée au préalable ; – le mode de vie habituel de l’enfant (scolarité, loisirs, sports…) doit être préservé, hormis les recommandations d’usage à l’égard d’activités potentiellement à risque (plongée sous-marine, baignade sans surveillance, sport en hauteur non assuré, conduite d’engins motorisés, etc.), et des conseils de vie régulière et de prise en charge de la fièvre. L’enfant peut continuer à dormir dans son lit. En revanche, les douches seront préférées aux bains, et feront l’objet d’une vigilance de la part des parents ; – la pratique de la natation n’est pas contre-indiquée, mais la crainte de ne pouvoir assurer la surveillance conduit souvent à refuser l’autorisation lors des cours collectifs ; – l’information à donner à l’école doit être appréciée au cas par cas, car les conséquences sur l’accueil de l’enfant par l’équipe éducative sont loin d’être négligeables. – plusieurs auteurs soulignent l’intérêt de l’expertise d’un neurologue ou d’un neuropédiatre dans la démarche diagnostique. Cependant, l’indication d’une consultation spécialisée reste discutée : si elle est justifiée en cas d’anomalie de l’examen neurologique ou de l’EEG, son intérêt est difficile à évaluer devant une crise isolée.    En pratique, on retiendra Chez le nouveau-né • Les crises concernent rarement les urgences, car elles surviennent le plus souvent chez des enfants encore à la maternité. • Étiologies dominées par les causes occasionnelles : hypoglycémie, hypocalcémie, infection du système nerveux central, souffrance périnatale, hémorragie cérébroméningée… • La sémiologie des crises peut être particulièrement difficile à analyser ; en l’absence de situations d’urgence immédiate, savoir surseoir à la prescription d’un traitement, dans l’attente d’un diagnostic précis. • Être prudent avec le maniement des traitements antiépileptiques, et notamment des benzodiazépines, en raison des risques de troubles de conscience et d’intolérance respiratoire plus élevés que chez le nourrisson et le grand enfant. Chez le nourrisson ● Les causes occasionnelles restent fréquentes, dominées par les crises en contexte fébrile(16,19). • Les convulsions fébriles simples sont fréquentes et d’évolution bénigne, ne nécessitant ni explorations complémentaires, ni traitement particulier en dehors de mesures préventives vis-à-vis de la fièvre. • Elles sont définies par des crises de courte durée, généralisées, ne survenant qu’en contexte fébrile chez un enfant avec un développement et un examen neurologique normaux. • Elles débutent généralement après l’âge de 1 an. • Si constatation d’éléments atypiques, reconsidérer le diagnostic et discuter la présence d’une infection du système nerveux central et la réalisation d’une ponction lombaire, voire poser la question d’une épilepsie débutante révélée par des crises en contexte fébrile. • Le nourrisson est la tranche d’âge privilégiée de l’encéphalite herpétique, qui doit être suspectée devant des convulsions fébriles, le plus souvent répétées, et de sémiologie focale, avec une dégradation progressive de la conscience. ● Un hématome sous-dural peut se manifester sous la forme de crises convulsives, justifiant l’indication large d’une imagerie (ETF, scanner) en cas de convulsions non fébriles du nourrisson. Il s’agit rarement de crises isolées, mais plus souvent d’états de mal chez un enfant présentant des troubles de conscience et des anomalies de l’examen neurologique. Chez l’enfant • Les crises occasionnelles sont plus rares, et l’entrée dans une épilepsie est plus souvent évoquée. • Obtenir, dès la première crise, le maximum d’éléments pour orienter le diagnostic syndromique. Certains syndromes épileptiques peuvent avoir un pattern électroclinique suffisamment évocateur pour que le diagnostic soit évoqué, alors même qu’il n’y a eu qu’une seule crise. On peut citer : ● Les épilepsies partielles idiopathiques, avec en premier lieu, l’épilepsie à pointes centro-temporales (EPCT), qui constitue une cause fréquente de première crise aux urgences et dont le tableau typique associe : – des crises nocturnes (souvent de début ou de fin de nuit), cloniques hémifaciales, pouvant se propager au membre supérieur homolatéral, voire à tout l’hémicorps, et parfois se généraliser. Crises généralement courtes avec récupération rapide. Elles sont rares et surviennent exceptionnellement la journée ; – un EEG caractérisé par la présence de pointes amples triphasiques, localisées dans les régions centro-temporales, activées par le sommeil, survenant sur un tracé correctement organisé. • Évolution en règle favorable sur le plan cognitif et épileptologique, avec généralement arrêt des crises à l’adolescence. • Devant un tableau typique d’EPCT, la réalisation d’examens complémentaires (en particulier l’IRM) est inutile, et un traitement antiépileptique n’est généralement pas prescrit en raison de la fréquence et du peu d’impact des crises. Néanmoins, la vigilance s’impose, car la constatation d’éléments atypiques doit faire reconsidérer la démarche diagnostique et thérapeutique. Par ailleurs, la constatation de troubles d’apprentissage pouvant interférer avec la scolarité n’est pas exceptionnelle et ces troubles doivent être dépistés. ● Les épilepsies généralisées idiopathiques, particulièrement l’épilepsie grand mal du réveil de l’adolescent caractérisée par la survenue de crises tonico-cloniques généralisées après une dette de sommeil, une consommation d’alcool. • L’EEG montre un tracé bien organisé associé à des bouffées de pointe-ondes généralisées, potentialisées après privation de sommeil. • La recherche de myoclonies matinales associée doit être systématique, car elle oriente le diagnostic vers l’épilepsie myoclonique juvénile, qui peut nécessiter un traitement prolongé. • Les critères de diagnostic doivent être stricts et, en l’absence d’aspect EEG caractéristique, d’autres hypothèses doivent être évoquées et le bilan élargi. ● Les épilepsies focales symptomatiques avec un foyer focal sur l’EEG et une lésion sur l’IRM bien identifiés.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème